Inégalités, inflation, pauvreté : Eurostat relève les progrès du Maroc
Un rapport d’Eurostat dévoile les contrastes économiques et sociaux dans les pays de la zone sud de l’UE. L’étude analyse les inégalités de revenus, l’inflation, l’accès aux services essentiels, le chômage et la pauvreté. Si des progrès sont notés, des défis persistent. Cependant, si le rapport offre un aperçu statistique précieux, il occulte le contexte historique et géopolitique façonnant les réalités actuelles de la région.
Les pays du voisinage sud de l’Union européenne présentent une mosaïque complexe de situations économiques et sociales. Un récent rapport d’Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, offre un éclairage sur les conditions de vie dans ces pays.
Ce document, publié dans le cadre de la série Statistics explained, analyse en détail les inégalités de revenus, l’inflation, l’accès aux services essentiels, le chômage de longue durée et la pauvreté dans la région. L’étude révèle des contrastes saisissants entre les pays, soulignant à la fois les progrès accomplis et les défis persistants.
Inégalités de revenus
Selon les données d’Eurostat, les inégalités de revenus, mesurées par le coefficient de Gini, varient considérablement d’un pays à l’autre. L’Égypte affiche le niveau d’inégalités le plus faible avec un coefficient de 30 en 2020, comparable à celui de l’UE (30,2 en 2021).
À l’opposé, le rapport indique que le Maroc présente les inégalités les plus marquées avec un coefficient de 46,4 en 2019. Eurostat précise que la Tunisie, Israël et la Palestine se situent dans une position intermédiaire, avec des coefficients respectifs de 35,3, 35,5 et 37,4.
Inflation et pouvoir d’achat
L’analyse d’Eurostat sur l’évolution des prix à la consommation, entre 2012 et 2022, met en lumière des situations économiques contrastées. Le rapport souligne le cas extrême du Liban, qui a connu une hyperinflation spectaculaire à partir de 2020, les prix ayant été multipliés par 12 entre 2019 et 2022. Eurostat note également que l’Égypte a subi une forte inflation, avec un doublement des prix entre 2012 et 2019.
La Tunisie et l’Algérie ont connu des hausses de prix plus modérées mais significatives, de l’ordre de 60-75% sur la période 2012-2022. Le rapport indique que le Maroc, la Jordanie, Israël et la Palestine ont mieux maîtrisé l’inflation, avec des augmentations comprises entre 8% et 18% sur dix ans. À titre de comparaison, Eurostat précise que l’inflation cumulée dans l’UE a atteint 21% entre 2012 et 2022.
Accès aux services essentiels
Concernant l’accès à l’eau potable, le rapport d’Eurostat fait état d’une amélioration dans plusieurs pays. Selon ces données, Israël assure une couverture totale, tandis que l’Algérie et la Palestine ont atteint un taux de 98% de la population desservie. Eurostat note que le Maroc a réalisé des progrès significatifs, passant de 80% à 88% entre 2012 et 2021.
Pour l’électricité, l’étude d’Eurostat révèle des écarts importants dans les prix pour les ménages. En 2022, ils s’échelonnaient de 0,028 € par kWh en Algérie à 0,134 € en Israël (2020), contre 0,268 € dans l’UE. Les prix du gaz présentent de fortes disparités, allant de 0,573 € par gigajoule en Algérie à 29,9 € en Palestine (2020), l’UE se situant à 27,757 € en 2022.
Chômage de longue durée et pauvreté
Les données d’Eurostat sur le chômage de longue durée révèlent des situations préoccupantes dans certains pays. Le rapport souligne que le Liban a vu ce taux doubler entre 2018 et 2022, atteignant 14,3%. La Palestine affiche également un taux élevé à 9,6% en 2022. À l’inverse, l’étude montre qu’Israël se maintient à un taux très bas, à 0,3% en 2022.
Concernant la pauvreté, le rapport, se basant sur les seuils nationaux spécifiques à chaque pays, met en évidence des taux élevés dans plusieurs pays. Ainsi, en 2020-2021, près de 30% des habitants vivaient sous le seuil de pauvreté en Égypte et en Palestine. Eurostat précise que ce taux s’élevait à 18,2% en Israël et 16,6% en Tunisie en 2021. Le rapport souligne le cas particulier du Maroc, avec seulement 1,7% de sa population sous le seuil de pauvreté en 2019.
Ce que les données d’Eurostat ne disent pas
Bien que ce rapport d’Eurostat fournisse des données précieuses sur la situation économique et sociale actuelle des pays du voisinage sud de l’UE, il est important d’en souligner les limites.
En effet, l’analyse se concentre principalement sur les indicateurs économiques et sociaux sans explorer les causes profondes des disparités observées. Elle ne tient pas compte du contexte historique complexe de la région, notamment l’impact durable des politiques coloniales européennes, ni des conséquences de l’ingérence étrangère dans les affaires internes de ces pays.
Ces facteurs historiques et géopolitiques ont joué un rôle décisif dans le façonnement des réalités économiques et sociales actuelles. Une compréhension plus complète de la situation nécessiterait une analyse approfondie de ces influences historiques, ainsi que des dynamiques politiques et économiques mondiales qui continuent d’affecter le développement de ces nations.
Sans cette perspective plus large, le rapport risque de présenter une image superficielle des défis auxquels sont confrontés les pays du voisinage sud de l’UE et des obstacles structurels à leur développement.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO