Investissement. Mohamed Jadri: “Le Chef du gouvernement a parlé de la moitié pleine du verre”
Mohamed Jadri
Économiste
Lundi devant les parlementaires, le Chef du gouvernement a passé en revue les réalisations en matière de stimulation de l’investissement et de dynamique de l’emploi. Selon Aziz Akhannouch, «l’investissement privé devra atteindre la moitié des investissements nationaux à l’horizon 2026 avant d’arriver à deux tiers d’ici 2030». Objectif atteignable, ou vœu pieu? L’économiste Mohamed Jadri livre son analyse.
Quelle lecture faites-vous du discours du Chef du gouvernement devant le Parlement ?
L’intervention du Chef du gouvernement, lundi, au sein de la Chambre des représentants, traitant de la stimulation de l’investissement et la dynamisation de l’emploi, est nécessaire à plus d’un titre. Premièrement, parce qu’on sait très bien que le Maroc dispose aujourd’hui d’une vision à l’horizon 2035 qui vise à doubler son PIB pour le porter de 130 milliards de dollars à 260 milliards. Et cette vision ne peut pas avoir lieu sans un investissement privé à la hauteur des aspirations.
Aussi, l’élément essentiel demeure le taux de chômage alarmant qui atteint 13,7%. Il y avait nécessité d’ouvrir le débat, surtout au niveau du Parlement, pour aborder cette question de stimulation de l’investissement et aussi de redynamisation de l’emploi. Certes, le gouvernement a lancé pas mal d’actions ces deux dernières années surtout en ce qui concerne la Charte de l’investissement. Pour rappel, les cinq commissions nationales de l’investissement se sont soldées par la validation de 115 projets avec une enveloppe budgétaire frôlant 173 MMDH pour créer 69.000 postes d’emplois d’une manière directe. Cependant, d’autres questions n’ont pas été traitées.
Quels sont les points qu’il fallait aborder pour améliorer l’investissement et l’emploi ?
Le fait d’aborder ces questions d’investissement et d’emploi devant les parlementaires est louable. Ce qui est dommage, par contre, c’est que le gouvernement, parallèlement à la stimulation de l’investissement et à la création de postes d’emploi, n’a pas abordé la lutte contre la rente et la corruption. À cela s’ajoute la maîtrise des chaînes d’approvisionnement pour lutter contre le réseau d’intermédiaires. Il est essentiel de noter aussi que le Chef du gouvernement n’a donné aucun agenda clair par rapport à la réforme du Code du travail et la loi sur le droit de grève.
Quid des entraves?
S’il a parlé des mesures adoptées par l’Exécutif, le Chef du gouverenement n’a pas abordé les entraves qui grèvent l’investissement privé. En effet, on ne peut pas stimuler l’investissement privé dans un environnement où il y a encore de la rente, de la corruption et de l’intermédiation. C’est dire que le Chef du gouvernement a parlé de la moitié pleine du verre, avec notamment la Charte de l’investissement et la création de postes d’emplois sans pour autant traiter les entraves et les obstacles qui obstruent l’investissement privé d’une manière générale d’ici l’échéance 2035.
Rappelons qu’à cette date, il est prévu d’inverser la proportion d’investissement privé et public, pour atteindre une quote-part de 2/3 pour le privé et 1/3 pour le public. Ce dernier devra rester un investissement complémentaire visant la sécurité alimentaire et sanitaire en plus de la souveraineté énergétique. Ainsi, le Chef du gouvernement a omis d’aborder ces éléments essentiels afférents à la création de la croissance et la richesse ainsi qu’à la création d’emplois, surtout pour encourager le tissu des TPME.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO