Maroc

Crypto-vote : la blockchain va-t-elle s’inviter aux élections au Maroc ?

Trois chercheurs marocains ont étudié la faisabilité d’avoir recours à la technologie blockchain pour l’organisation des élections au Maroc. Immuabilité, transparence, sécurité et décentralisation sont les promesses d’un nouveau système qui se veut révolutionnaire. Mais les limites semblent aussi nombreuses.

«Le processus de vote actuel au Maroc repose sur un système de vote sur papier, une méthode tringlée de vulnérabilités et d’inefficacités», constatent Tarik Chafiq, Rida Azmi et Mohammed Ouadoud, auteurs de l’étude «Systèmes de vote électronique basés sur la blockchain : une étude de cas au Maroc», publiée dans la revue «International Journal of Intelligent Networks» (IJIN).

Tarik Chafiq, professeur agrégé de géoinformatique et sciences des données à l’Université Hassan II de Casablanca, nous explique que «cette étude a été menée pour explorer comment la technologie de la blockchain peut améliorer la transparence et l’intégrité des processus électoraux au Maroc». Selon l’expert, «les processus électoraux traditionnels sont confrontés à des défis persistants en termes d’intégrité et de transparence, ce qui peut entraîner des retards dans la déclaration des résultats et une perte de confiance du public».

Éviter les fraudes
L’étude propose ainsi l’utilisation d’une combinaison pour créer un système de vote électronique multicouche. Concrètement, ce système comprendrait deux couches : une couche de la technologie Distributed Permission Ledger (DPLT) responsable de la vérification et de la validation des données et une couche de blockchain Solana dédiée à la garantie de l’immuabilité et de la décentralisation des données, lit-on dans l’étude.

Le choix pour cette combinaison vise à «renforcer la sécurité et la transparence des élections en utilisant les caractéristiques intrinsèques de la blockchain telles que l’immuabilité, la transparence, la sécurité et la décentralisation. Les électeurs pourraient voter électroniquement en utilisant des identifiants sécurisés et leurs votes seraient enregistrés de manière immuable sur la blockchain, empêchant ainsi la manipulation des résultats», souligne le professeur.

Des coûts importants
Le prix à payer pour opérer une telle modernisation dans le système électoral est assez conséquent. N’avançant pas de chiffres, le Pr Tarik Chafiq admet tout de même que l’implémentation de ce système «impliquerait des coûts initiaux et des coûts récurrents». Premièrement, le développement du système lui-même aura un coût important étant donné qu’il faudra «engager des développeurs et des experts en blockchain pour concevoir et mettre en œuvre le système de vote électronique au niveau national». Deuxièmement, il faudra «former le personnel électoral et les utilisateurs sur l’utilisation du nouveau système» et puis il faudra «investir dans des mesures de sécurité robustes pour protéger le système contre les cyberattaques», indique notre interlocuteur. À cela, il faudrait encore ajouter les coûts dits récurrents pour la maintenance, la fourniture d’un support technique aux utilisateurs en cas de problème, mais aussi prévoir des coûts pour l’expansion et l’évolution du système en fonction des besoins futurs.

«Il est difficile de donner un chiffre précis sans une analyse détaillée des besoins spécifiques du système de vote électronique au Maroc, sachant que nous avons penché dans cette étude pour un prototype à petite échelle. Cependant, il est important de noter que bien que la mise en place initiale puisse nécessiter un investissement significatif, l’utilisation d’un système de vote électronique basé sur la blockchain peut potentiellement réduire les coûts à long terme en rationalisant les processus, en réduisant les besoins en personnel et en améliorant l’efficacité globale du processus électoral», souligne Pr Tarik Chafiq.

Acceptation incertaine
La mise en place d’un tel système peut bloquer dans un pays où le vote électronique n’est pas encore possible. Un frein qui n’effraie pas les signataires de l’étude.

«La conformité aux lois électorales existantes, l’engagement des parties prenantes et la sensibilisation du public sont des facteurs clés à considérer pour assurer le bon fonctionnement et l’acceptation de ce type de système», estime Pr Tarik Chafiq.

«En combinant les avantages de la technologie blockchain avec une planification minutieuse, une conception précise, une conformité juridique et un engagement politique, la mise en œuvre d’un système de vote électronique basé sur la blockchain, tel que décrit dans notre article, pourrait contribuer à renforcer l’intégrité, la sécurité et la transparence des processus électoraux», conclut-il.

Système encore peu démocratisé dans le monde

Si le vote électronique est déjà en place dans plusieurs pays, le crypto-vote ou vote sur blockchain peine à trouver preneur. En 2021, trois pays ont lancé leurs systèmes basés sur la technologie blockchain. Les premiers ont été les États-Unis, où un premier test en Virginie-Occidentale a permis aux membres du service militaire à l’étranger de voter en ligne via une application pour smartphone, sécurisée par blockchain. Quelques mois plus tard, la ville suisse de Zoug a organisé le premier vote municipal exploitant la blockchain en 2021, en ayant recours à la plateforme d’identité décentralisée, uPort, en exploitant la blockchain Ethereum. Puis, la ville japonaise de Tsukuba a elle aussi introduit un système de vote en ligne basé sur la technologie blockchain.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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