Femmes en entreprises : éduquer, éduquer et encore éduquer
Le changement, pour un milieu du travail plus inclusif et une amélioration de la situation de la femme, doit passer par l’éducation, se sont accordées à dire les invitées de la table ronde des Inspirations ÉCO. Chacun et chacune à sa petite échelle, au sein de son foyer, mais il est important aussi que des campagnes plus globales soient organisées.
«Il faut changer les mentalités», c’est la première recommandation livrée par Rajaâ Cherkaoui El Moursli, professeure et docteure en physique nucléaire à l’université Mohammed V de Rabat. «Une femme est, certes, faite pour élever ses enfants, mais pas que !», estime l’éminente chercheuse. Conditionner et cantonner la femme au rôle de mère conduit à sa stigmatisation. Le rôle de l’éducation y est pour beaucoup.
«Les jeunes filles ne sont pas éduquées de la même façon que leurs frères et quand elles ont atteint un certain âge, elles s’autocensurent», estime pour sa part Fatima-Zahra Ouriaghli, vice-présidente du Conseil national de la presse nationale.
Pour Maria Ait M’Hamed, présidente de l’Union des Agences de conseil en communication, ce changement doit être opéré par les femmes d’abord. «L’éducation passe d’abord par les femmes. On a parfois des femmes modernes, actives, brillantes, mais qui demandent encore à leurs filles de débarrasser la table et pas à leurs fils, parce que c’est ancré en nous. C’est pour ça que je pense que le changement doit venir d’abord de nous, vu que c’est généralement nous, les femmes, qui éduquons», explique-t-elle.
Pour accompagner ces efforts, les manuels scolaires doivent, eux aussi, être modifiés, selon Fatima-Zahra Ouriaghli. «Ils devraient contenir des informations sur le statut de la femme, afin d’améliorer cette image de la femme qu’on voit, à chaque fois, représentée dans une cuisine ou en train de s’occuper de ses enfants», indique-t-elle, notant que «cette image de la femme, c’est aussi celle qu’on voit à la télévision et dans les réseaux sociaux».
Rôle modèle
«Nous avons avec nous Rajaâ Cherkaoui El Moursli. Une femme dans le monde nucléaire, on n’en rêvait pas, il y vingt ou trente ans», a souligné Fatima-Zahra Ouriaghli, en présence de la chercheuse, qui a reçu en 2015 le prix L’Oréal-Unesco pour les femmes et la science et qui, plus récemment, a été distinguée en figurant dans le classement «50 over 50» de Forbes qui récompense les 50 femmes de plus de 50 ans les plus influentes au monde. En effet, «c’est très important, voire indispensable d’avoir des rôles modèles», insiste Rajaâ Cherkaoui El Moursli, qui épaule et encourage, à travers plusieurs organismes, des jeunes femmes à se diriger vers des métiers scientifiques.
Elle est aussi engagée au sein de l’initiative Mentor’Elles au Maroc, qui vise à pallier l’absence de mécanismes d’accompagnement lors de phases critiques du parcours professionnel des femmes.
«Nous essayons de lutter contre le plafond de verre, qui est quasiment une norme dans certains secteurs très techniques, très masculins… Ce sont des environnements où on a encore bien peu de femme», indique Maria Ait M’Hamed, également très active au sein de ce réseau, réunissant plus de 200 mentors bénévoles et ayant accompagné jusqu’à aujourd’hui plus de 1.000 jeunes diplômées.
Plusieurs initiatives éclosent effectivement et «en cette journée, il ne faut pas se lamenter, mais plutôt revenir sur les belles réalisations», affirme Fatima-Zahra Ouriaghli. «De belles choses nous attendent. La Moudawana (Code de la famille marocain) de 2004 a changé beaucoup de choses, la Constitution de 2011 aussi, et aujourd’hui, avec la réforme en cours de la Moudawana, nous devons rester optimistes», a conclu Fatima-Zahra Ouriaghli.
L’imaginaire au service de «l’empowerment»
Créée en 2016, Mentor’Elles est une association à but non lucratif qui a pour mission d’accompagner les femmes dans l’accomplissement de leurs parcours professionnels. L’association a publié l’année dernière, à l’occasion de la Journée des droits de la femme, un livre intitulé «Les Intrépides- Al Waarat : Fabuleuses histoires pour héroïnes en herbe». Le projet des Intrépides est né d’un constat, à savoir que certaines de ces représentations construites pendant l’enfance deviennent les croyances limitantes et les stéréotypes de l’âge adulte. Destiné aux enfants, petits et grands, ce livre relate l’histoire de femmes et d’hommes réels, ayant dépassé les obstacles de la vie par leur intelligence, leur savoir et leur travail, pour concrétiser leurs rêves et impacter leur environnement, loin des images de princesses lascives et désespérées et de princes fougueux et belliqueux.
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO