Importateurs de tissu. Les coups de massue s’enchaînent
Les importateurs de tissu ne sont pas au bout de leurs peines. Après une hausse de la valeur du tissu, il y a quelques mois, les frais de dédouanement d’un type de tissu importé de Corée sont revus à la hausse. Une décision qui laisse perplexes les professionnels.
Depuis la fin de l’année dernière, le secteur du textile et de la bonneterie connaît des périodes tumultueuses. Tout a commencé lorsque l’Administration des douanes a décidé d’augmenter de 25% la valeur du tissu et de la bonneterie importés. Les opérateurs soulignent que l’entrée en vigueur de cette mesure n’a pas été précédée de préavis.
Aujourd’hui, ladite valeur est passée de 40 à 50 dirhams. Les professionnels ne cachent pas leur exaspération suite à cette hausse, surtout qu’ils n’ont « pas été prévenus de cette mesure afin de prendre des dispositions nécessaires avec les fournisseurs », déplorent-ils. Il faut en effet signaler qu’ils sont tenus par des contrats dans lesquels les prix sont fixés au préalable. Au final, le secteur a connu une baisse de régime considérable, adossée à une réduction drastique des importations.
Problème résolu
Pour remédier à cette situation, l’Association nationale des importateurs de tissus (ANIT) a frappé à toutes les portes. Après moult tentatives, elle a fini par obtenir gain de cause. En effet, il y quelques jours, la direction des Douanes a révisé la valeur du tissu à la baisse, l’augmentation de 10 DH ayant été réduite à 2 DH seulement.
Désormais, la valeur du tissu s’établit à 42 DH au lieu de 50 DH, il y a quelques mois. Une nouvelle qui réjouit les importateurs, mais l’euphorie a été de courte durée. À peine ont-ils eu le temps de revoir leur base de référence, que les voilà surpris derechef par une hausse conséquente, cette fois-ci sur le tissu « crêpes de soie », importé de Corée. Alors que les importateurs dédouanent ce type de tissu à 65 DH, actuellement sa valeur s’élève à 80 DH, soit 15 DH supplémentaires d’un seul coup.
« Le même scénario se reproduit. Cette augmentation a été appliquée sans que nous en soyons avisés. Tout ce que nous demandons, c’est d’être prévenus des éventuelles hausses afin de pouvoir gérer nos affaires en conséquence », lâche, désabusé, Younès El Moufti, président de l’ANIT.
La hausse de trop
Pis encore, à en croire les professionnels, la hausse sera appliquée même sur la marchandise importée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle tarification, ce qui n’a pas manqué de susciter leur ire. « Cette décision va à l’encontre de la nomenclature qui stipule qu’en cas d’augmentation, la nouvelle tarification est appliquée à la date d’entrée en vigueur. Nous comprenons que la stratégie du pays est axée sur le renforcement du tissu industriel local, ce que nous encourageons également, mais les normes de qualité doivent être respectées », estime le président de l’ANIT.
Dans le même registre, les professionnels estiment qu’ils sont victimes du lobbying exercé par un groupe d’industriels qui détiennent des unités de production du type de tissu concerné. Or, en termes de qualité, le tissu importé est nettement supérieur et se vend à un prix moindre. Selon les opérateurs du secteur, le tissu produit localement vaut, en gros, 60 DH le mètre, tandis que celui venant de Corée ne dépasse pas 45 DH, frais de dédouanement compris.
De surcroît, les importateurs s’interrogent sur la destination, sachant que la crêpe de soie est également importée de Chine. Mais selon les importateurs, la qualité reste inégalée. « Certes, la compétitivité des pays asiatiques ne favorise pas la production locale, mais la production made in Morocco devrait évoluer davantage, car en dépit des subventions accordées par l’État, l’évolution n’est pas palpable et les prix demeurent chers. Il faudrait probablement investir dans des machines, comme c’est le cas de la Corée qui dispose de machines dont le prix est exorbitant, mais en parallèle, elles améliorent considérablement la qualité du tissu. De plus, les conséquences de cette hausse se répercuteront sur le prix de vente, lequel sera amené à augmenter alors que le pouvoir d’achat des Marocains n’est pas au beau fixe », prévient notre interlocuteur.
Afin de clarifier la situation, l’ANIT, en concertation avec l’Association des importateurs et négociants en textile de Derb Omar (ATIT), a adressé une lettre à la direction des Douanes et impôts indirects, dont Les Inspirations ÉCO détient copie. Il y est mentionné que, dans le cadre des opérations conjointes de contrôle, l’administration est tenue d’informer les importateurs de tissu d’une décision la concernant.
C’est ainsi que les professionnels sollicitent une rencontre avec les responsables de la Direction des douanes. Une requête à laquelle l’administration a répondu favorablement. D’ailleurs, une rencontre est prévue ce mercredi, à l’issue de laquelle les deux associations tenteront de comprendre les fondements d’une telle décision. À noter que bien des efforts ont été fournis pour améliorer l’intégration du secteur et le rendre conforme aux normes internationales, mais l’amont textile continue de faire défaut. En effet, le Maroc reste fortement dépendant des marchés extérieurs et des importations des matières premières. Preuve en est que 85% des intrants dans la production locale sont importés.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO