Décarbonation : le Maroc face aux défis du secteur des transports
Le Maroc doit intensifier ses efforts pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports, en vue d’accélérer la transition énergétique du pays. C’est ce qu’a souligné Mohamed Benyahya, directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), lors du dernier Logismed 2023.
Le Maroc s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique, avec une réduction de 45,5% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Cependant, les transports, qui représentent une part importante de ces émissions, restent un défi majeur pour le pays. La décarbonation de ce secteur représente un enjeu de taille pour le Royaume, comme pour de nombreux pays en développement.
En effet, le développement d’une mobilité plus propre est essentiel pour réduire les émissions et améliorer la qualité de l’air. Cependant, cela implique des efforts partagés de l’ensemble des parties prenantes, mais aussi des investissements importants dans l’infrastructure, les technologies et les compétences. Lors du dernier salon Logismed, Mohamed Benyahya, directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), à mis en lumière les engagements du Royaume en matière de lutte contre le changement climatique. Il souligné au passage les défis à relever dans le secteur des transports.
Le nouveau patron de l’AMEE a notamment rappelé les engagements du Maroc en matière de lutte contre le changement climatique, en particulier à travers sa Contribution déterminée au niveau national (CDN). Le Royaume entend ainsi réduire ses émissions à travers 34 actions inconditionnelles et 27 conditionnelles, la partie conditionnelle dépendant de financements climatiques.
«Une partie des objectifs de réduction est conditionnée par la mobilisation de financements climatiques supplémentaires, qui doivent être nouveaux et additionnels par rapport aux financements classiques. Il s’agit d’environ 34 des 61 actions prévues, qui ne pourront être mises en œuvre que si ces financements sont effectivement mobilisés. Les autres actions, soit environ 27, sont inconditionnelles et seront mises en œuvre grâce aux ressources domestiques du pays ou aux financements classiques existants. Le Maroc s’engage fermement à atteindre ces objectifs ambitieux», explique Mohamed Benyahya.
Des engagements qui ont un coût important
Ces engagements sont ambitieux, mais nécessaires pour répondre aux enjeux climatiques mondiaux. Cependant, ils impliquent des coûts importants. «Bien entendu, tout cela a un coût, bien que ce chiffre soit approximatif, car les prix de nombreuses matières ont évolué depuis la préparation de cet indice révisé. Le coût total est estimé à 39 milliards de dollars d’ici à 2030, dont 17,3 milliards correspondant à la partie inconditionnelle que notre pays doit réaliser. Cet engagement représente un plan d’action chiffré, et le Maroc est l’un des rares pays en développement à avoir un portefeuille de projets chiffré pour sa CDN. En effet, la plupart des pays en développement se contentent de déclarations d’intention, contrairement aux pays développés qui ont chiffré leurs engagements. Le Maroc est donc un exemple à suivre en la matière», poursuit le patron de l’AMEE.
Le secteur du transport, mauvais élève !
Cependant, les transports, qui représentent actuellement 6,5 millions de tonnes de gasoil consommé, ne contribuent que très peu à l’effort global de réduction des émissions, avec seulement 5% de l’effort total. Sur les 61 actions prévues dans la CDN, seules 7 concernent ce secteur, dont 5 sont conditionnelles. Ce qui est peu aux yeux de notre interlocuteur.
Après avoir présenté les engagements du Maroc en matière de lutte contre le changement climatique et leur impact sur le secteur des transports, Mohamed Benyahya a appelé le Royaume à intensifier ses efforts pour atteindre ses objectifs ambitieux en matière d’efficacité énergétique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.
Le DG de l’AMEE rappelle également que le pays dispose d’une stratégie nationale d’efficacité énergétique pour le secteur des transports, avec un objectif d’efficacité énergétique décliné en quelque 80 mesures, dont une efficacité énergétique de 24% d’ici 2030.
Cependant, il note que la vitesse à laquelle le Maroc progresse vers cet objectif est encore timide et nécessite un effort supplémentaire. «Plusieurs mesures ont déjà été mises en place, notamment l’éco-conduite et la rénovation des parcs automobiles, mais nous devons accélérer nos efforts pour atteindre nos objectifs», estime-t-il. Mohamed Benyahya note également que la consommation de diesel reste très élevée dans le secteur des transports terrestres, avec une croissance prévue de 2 à 3% par an. «Le transport terrestre consomme principalement du gasoil, avec 6,5 millions de tonnes consommées en 2022, et le diesel représente encore 85% de cette consommation. Bien que la croissance de la consommation ait ralenti en 2020-2021, en raison de la crise sanitaire, la tendance actuelle est à la hausse avec une croissance de 2 à 3%, ces dernières années», relève-t-il.
Des signaux inquiétants
Si le directeur général de l’AMEE reconnaît que la politique climatique du Maroc est volontariste et soutenue par les plus hautes autorités de l’État, il relève néanmoins que les signaux sont inquiétants. Il note également que le Maroc doit bientôt faire face à des contraintes commerciales avec les pays de l’UE, notamment avec l’entrée en vigueur de la taxe carbone aux frontières européennes, qui aura également un impact sur le secteur des transports.
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO