Salmane Belayachi : “Le foncier industriel érigé en priorité absolue”
Salmane Belayachi
DG du CRI de Casablanca
Incontestable locomotive de l’économie nationale, la région de Casablanca-Settat compte pour le tiers du PIB du Maroc et se positionne comme hub industriel avec près de 59% de la production industrielle nationale. Mieux, avec 49% du PIB industriel, elle représente indéniablement le fief de l’industrie du Royaume. La région est donc fortement sollicitée par les industriels et le sera encore davantage avec le déploiement de la nouvelle Charte de l’investissement qui permettra de renforcer son attrait. Salmane Belayachi, DG du CRI de Casablanca, revient sur l’importance de l’industrie pour la région et les axes de travail sur lesquels l’établissement qu’il dirige se penche.
Quelles sont les axes stratégiques du CRI pour booster les investissements industriels dans la région ?
Le secteur industriel est indubitablement l’un des secteurs stratégiques pour le Maroc. La Lettre adressée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 29 mars dernier, aux participants de la Journée nationale de l’industrie à Casablanca en dit long sur l’importance de ce secteur et les ambitions nationales pour en faire un levier du développement socio-économique de notre pays. Dans la même lignée, le CRI de Casablanca-Settat, en tant qu’établissement chargé de la mise en œuvre de la politique de l’État, place le secteur industriel parmi ses axes prioritaires, et ce, à travers plusieurs mesures sur les plans : facilitation administrative, planification stratégique, accompagnement des investisseurs et des opérateurs industriels et préparation de l’offre territoriale, notamment en termes de foncier. Ce dernier étant, manifestement, le nerf de la guerre surtout pour une région aussi attractive que Casablanca-Settat. L’opérateur industriel a besoin d’un interlocuteur unique crédible capable de démystifier les méandres de l’administration, il a besoin de conseil et d’accompagnement hands-on, et demande que l’on agisse sur la question du foncier qui est non seulement la porte d’entrée de tout investissement ayant une empreinte au sol, mais aussi un des facteurs majeurs de captation des investissements, voire un levier non négligeable de compétitivité. Agir sur ces volets, c’est agir sur au moins deux des «5 F» de l’investissement : Foncier, Facilité administrative, Financement, Fiscalité et Formation.
Comment ces axes stratégiques se manifestent en actions ?
Sur le volet facilitation administrative, nous avons œuvré, depuis l’entrée en vigueur de la réforme des CRI et la mise en place des commissions régionales unifiées d’investissement (CRUI), à réduire drastiquement les délais d’instruction des dossiers. De l’avis des investisseurs eux-mêmes, pour qui «time is money», ces derniers se réjouissent du nouveau mindset du CRI et confirment qu’en effet, il y a un avant et un après, en termes de prise en charge de leurs demandes. L’exemple le plus marquant est celui de l’acceptabilité environnementale, un acte administratif réputé compliqué et préalable aux autorisations urbanistiques pour tout projet industriel. Ce dernier nécessitait pour son obtention des délais allant jusqu’à 6 mois, voire plus d’un an. Aujourd’hui, grâce à la digitalisation, de bout en bout, nous sommes à moins de 6 jours de délai moyen d’instruction des demandes complètes. Suite à l’examen et l’instruction des dossiers d’investissement, force est de constater que les avis défavorables émis par la CRUI sont à plus de 60% motivés par des contraintes physiques, juridiques et règlementaires liées au foncier. En d’autres termes, cela veut dire que le foncier devant abriter le projet d’investissement est soit non assaini, soit qu’il n’est pas conforme à la destination urbanistique ou non couvert par des documents d’urbanisme. Conscient de l’enjeu, le CRI de Casablanca-Settat a dû se pencher sur la question du foncier industriel et en faire une priorité absolue. Ainsi, pour la première fois, nous avons réuni l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de la production du foncier pour travailler ensemble à travers des techniques d’intelligence collective au niveau de plusieurs workshops regroupant les fédérations sectorielles, les aménageurs développeurs, les associations des zones industrielles, les agences urbaines, les pouvoirs publics et autres parties prenantes du foncier productif.
Qu’en est-il ressorti ?
Cette initiative singulière a donné lieu à un livre blanc que nous avons intitulé «F comme Foncier», qui illustre le résultat d’un travail de synthèse des données du CRI, d’un diagnostic terrain, d’une enquête auprès de 200 industriels, d’un benchmark international et des recommandations remontées aux différents ministères compétents. Dans le but d’alimenter toute politique et stratégie publique en lien avec le foncier, nous avons partagé de façon pratique des solutions et mesures quick-wins simples à déployer, d’autres mesures évolutives nécessitant des mécanismes législatifs mais aussi des recommandations stratégiques, dites de «rupture», permettant d’aborder le sujet du foncier sous un angle non encore exploré. L’impulsion du CRI de Casablanca-Settat a notamment déclenché la révision et l’élaboration de plusieurs documents d’urbanisme, permettant, une fois promulgués, de mettre sur le marché une offre en mesure de répondre aux besoins et aux attentes des investisseurs. Au vu du rôle de guichet unique, et en tant qu’administration flagship résolument tournée vers la dématérialisation, nous avons lancé une plateforme digitale «CRI-Accompagnement», dans l’objectif de faciliter le contact avec les porteurs de projets et investisseurs, en particulier dans le secteur industriel, pour mieux les orienter et les assister dans leurs démarches d’installation et/ou de développement. Cet accompagnement a couvert aussi les aménageurs développeurs, auprès desquels le CRI a joué un rôle important dans le développement de nouvelles zones industrielles à la fois dans le cadre des projets MCC mais aussi en soutien des opérateurs nationaux privés et institutionnels comme MedZ et Al Omrane.
Quelle est la proposition de valeur qu’offre la région de Casablanca-Settat pour promouvoir le secteur industriel ?
L’importance de la région de Casablanca-Settat en tant que locomotive de l’économie nationale est incontestable. Comptant pour le tiers du PIB du Maroc, notre région se positionne comme hub industriel national par excellence qui génère près de 59% de la production industrielle nationale. Le fait qu’elle représente 49% du PIB industriel national est signe que notre région est indéniablement le fief de l’industrie de notre pays. Ce positionnement est largement renforcé par une qualité d’infrastructures, un vivier de ressources humaines jeunes et qualifiées et un tissu industriel dense et diversifié, sans omettre que la région abrite les zones industrielles historiques du Royaume et les sièges des principales fonctions économiques. Tous ces atouts font que la région est fortement sollicitée par les industriels, d’autant plus le timing parfait du déploiement de la nouvelle Charte de l’investissement qui permettra de renforcer le système incitatif au profit des investisseurs, et ce, à travers des mesures attrayantes et inédites, axées sur l’innovation et la création effective d’emplois. A ces atouts se conjuguent l’action de l’écosystème institutionnel régional dans son ensemble, notamment celui du Conseil de la région, qui est conscient des prérequis et des leviers de promotion et de développement de l’industrie dans la région ; ainsi plusieurs actions stratégiques dans ce sens sont inscrites dans le plan de développement régional 2022-2027.
Quid des secteurs industriels phares de la région et comment consolider leur positionnement davantage?
La région de Casablanca-Settat contribue, d’ores et déjà, à l’essor industriel national, s’y installer est tout simplement «A no-brainer». Rappelons qu’à travers le Nouveau modèle de développement et la vision de renforcer notre souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire, le Maroc a déjà mis en place les jalons d’une industrie solide et dont la capacité est désormais reconnue à l’échelle internationale avec comme porte-étendard Casablanca. À titre d’exemple, la région est désormais la première base de l’industrie aéronautique en Afrique et la 5e dans le monde. Elle abrite également la majeure partie de l’industrie pharmaceutique, qui vient d’être renforcée par l’installation du projet Sensyo Pharmatec, unité de production de vaccins, qui vise à assurer l’autosuffisance du Royaume et à approvisionner les pays du continent. La région est également un hub émergent de l’industrie chimique installée autour du port El Jorf Lasfar. Ceci dit, dans un contexte de reshuffling des chaînes de production, le mot d’ordre pour notre industrie est d’être suffisamment agile et bien outillée pour une meilleure capacité à transformer les challenges en opportunités. L’appui de l’État, la stabilité du système financier, la règlementation en faveur de l’investissement, du cadre incitatif et de la simplification ainsi que l’accompagnement à la fois régional par le CRI CS et central, notamment par l’AMDIE ainsi que d’autres organismes et ministères, auront un impact certain sur le climat des affaires, la consolidation des acquis et l’impulsion nécessaire pour atteindre les objectifs assignés par Sa Majesté Mohammed VI.
Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO