Justice pénale : surpopulation des prisons et criminalité en baisse, le paradoxe !
La Direction générale de la sûreté nationale a présenté son bilan annuel au titre de l’année 2022. Il en ressort que le taux de criminalité a baissé de 30%. Pourtant, les centres pénitentiaires affichent une hausse de 10% du nombre de détenus. Comment expliquer ce constat a priori contradictoire ? Détails.
2022 a connu une hausse de 10% du nombre des détenus. Seulement voilà, le check-up annuel de la DGSN indique que le taux de criminalité a diminué, dans le même temps, de 30%. Un bilan qui laisse perplexe. Sollicitée par Les Inspirations Éco, une source digne de foi estime que ce constat n’a rien d’étonnant. Selon elle, la principale raison de la surpopulation des centres pénitentiaires résulte de la détention préventive. «C’est un fait, la détention préventive génère la surpopulation carcérale. Et d’ajouter que «l’instauration de la peine alternative contribuerait grandement à la solution de cette problématique qui commence à peser lourd».
Le nombre des détenus est passé de 89.000 à 98.000
Un constat qui rejoint celui du délégué général de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), Mohamed Salah Tamek, qui avait indiqué devant la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’Homme à la Chambre des représentants, que la détention provisoire a augmenté de 43% à fin septembre 2022, et ce, malgré les efforts déployés par les autorités judiciaires pour rationaliser le recours à cette peine. Évoquant le chiffre préoccupant du nombre de détenus, Tamek avait indiqué qu’il est passé de 89.000 à 98.000, depuis le mois d’octobre de l’an dernier, en hausse de 10%, et pourrait atteindre prochainement les 100.000. Notre interlocuteur estime, de ce fait, nécessaire d’avoir recours aux peines alternatives.
En alignement sur les normes internationales, ce projet de loi apporte de nouvelles peines de substitution à la privation de liberté, applicables aux peines de courtes durée (inférieures à deux ans). Plusieurs formes sont envisagées, dont le travail d’intérêt général, la surveillance électronique mobile, l’amende journalière et la limitation de certains droits… Une situation qui préoccupe également le ministère de la Justice. Abdellatif Ouahbi, responsable de ce département, avait annoncé, en ce sens, le besoin d’opter pour des peines alternatives.
Parmi les possibilités plausibles, figure le bracelet électronique. Le ministre avait indiqué qu’une loi consacrée aux peines alternatives, composée de 30 articles, a été élaborée, indépendamment des textes de lois contenus dans le Code pénal et le Code de procédure civile. Selon lui, les discussions autour de ce texte sont toujours en cours.
Taux de crimes violents en baisse
Les mesures entreprises au niveau de la sécurité nationale semblent avoir porté leurs fruits. En effet, l’année 2022 a été marquée par une baisse des indicateurs des crimes violents et l’augmentation des «taux de répression». Le bilan annuel de la DGSN fait ressortir une série d’indicateurs importants, dont, en premier lieu, un recul notable du nombre des affaires répressives enregistrées (moins de 30,22%), pour un total de 820.274 affaires, permettant de repérer et de déférer 875.879 individus devant les différents parquets.
Quant aux statistiques de la criminalité violente, leur chiffre n’a pas dépassé 6,59%. Le taux de répression, soit le taux de résolution des crimes commis, a continué d’enregistrer des niveaux record pour la sixième année consécutive, se situant à 94,43% du total des affaires enregistrées et à 85,34% des crimes violents.
De même, une tendance haussière a été notée concernant les crimes de cyber-extorsion (+5%), et un nombre d’affaires de 5.623, contre 5.366 affaires signalées l’année précédente. Le nombre des contenus utilisés dans ces affaires a atteint 3.935 contenus criminels, avec 752 mandats pour l’identification des mis en cause, alors que 1.617 personnes ont été interpellées et déférées devant la justice.
En ce qui concerne les affaires de sextorsion, 417 ont été enregistrées cette année (-17% par rapport à l’année précédente), ayant conduit à l’interpellation de 237 personnes impliquées dans ces crimes perpétrés à l’encontre de 428 victimes, dont 77 étrangers. Pour ce qui est de la lutte contre les réseaux spécialisés dans la migration clandestine transfrontalière, les efforts de la Sûreté nationale ont été couronnés par l’arrestation de 32.733 individus, dont 28.146 étrangers de différentes nationalités, le démantèlement de 92 réseaux criminels et l’interpellation de 566 organisateurs et intermédiaires (+36% en comparaison avec 2021), et l’interpellation de 415 passeurs.
453 affaires de corruption
Au volet des crimes financiers et économiques, les services de la Sûreté nationale ont poursuivi le renforcement et le développement des techniques d’enquête pénale, aussi bien au niveau de la BNPJ, que de ses quatre brigades régionales à Rabat, Casablanca, Fès et Marrakech. Ces dernières ont traité 453 affaires de corruption, de trafic d’influence, de fraude et de dilapidation des deniers publics et de chantage (+17% par rapport à l’année écoulée), alors que 595 mis en cause ont été soumis à l’enquête, dont 296 pour corruption et trafic d’influence, 217 pour fraude et dilapidation de deniers publics et 82 pour chantage et abus de pouvoir.
Concernant les crimes de faux monnayage, d’usage frauduleux des moyens de paiement et de trafic de devises, les services de la Sûreté nationale ont traité durant l’année en cours 27 affaires relatives au trafic de devises (+17%), 53.449 affaires portant sur des infractions à la législation régissant les chèques, (+17%), 184 affaires de fraude et de fraude aux moyens de paiement et 208 autres relatives à la falsification de monnaies et de devises.
Et enfin, s’agissant de la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme et l’apologie des actes terroristes, la BNPJ a déféré 20 individus devant le parquet compétent, (-23% par rapport à l’année précédente), sans compter les cellules terroristes démantelées par le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) relevant de la DGST.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO