Égalité et justice dans la famille marocaine : le compte n’y est pas
Une constatation qui n’est plus d’actualité et qui, pourtant, peine à être réformée. Le débat autour de l’égalité et la justice dans la famille marocaine refait, une fois de plus, surface pour dénoncer les discriminations qui persistent. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) appelle à une révision ambitieuse du Code de la famille.
Lors de son intervention à la Conférence nationale sur l’égalité et la justice au sein de la famille marocaine, Ahmed Reda Chami, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a évoqué les initiatives précédemment entreprises et mises en place servant à consolider le statut de la femme dans notre société.
«Cependant, force est de constater que les acquis obtenus demeurent insuffisants», déplore-t-il. Et d’ajouter qu’il existe encore des formes de discrimination qui ne permettent pas aux femmes d’accéder pleinement à leurs droits constitutionnels. «La représentation politique, économique et sociétale des femmes est encore loin du niveau de leurs ambitions», revendique-t-il. Le Conseil économique, social et environnemental affirme qu’il est en plein chantier d’élaboration et de réforme.
Dans son dernier rapport annuel, il a consacré un point relatif aux formes de discrimination liées au Code de la famille, comme la tutelle sur les enfants qui indique que le père est de droit le tuteur légal. «Il s’agit d’une situation qui contredit le principe de partage des responsabilités familiales entre époux, notamment celles liées aux enfants, en cas de séparation des parents, ou de mariage de la femme demandant la garde», explique le président.
Parmi les préoccupations du conseil figure le mariage précoce, une pratique qui affecte négativement la santé, le développement psychologique et physique des filles, ainsi que leur parcours scolaire et, par conséquent, leur avenir. Il est donc recommandé que les dispositions légales relatives au mariage des enfants soient abrogées en vertu de l’intérêt supérieur de l’enfant garanti par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par le Maroc, notamment la CIDE et la CEDAW. Sur un autre volet, l’argent acquis des époux pendant le mariage est un autre aspect qui a besoin de plus d’examen et d’encadrement juridique. En effet, le travail domestique des femmes n’est souvent pas reconnu, relève le président du CESE.
Par ailleurs, il est estimé que les délais pour statuer sur les demandes de divorce devraient être raccourcis. «Durant cette période, les conditions de coexistence au sein de la famille se compliquent, et peuvent conduire à des cas de violences conjugales et familiales». A cet effet, le conseil appelle à une révision du Code de la famille, en lançant un débat ouvert, pluriel et responsable. Et aussi à une réflexion collective, sur l’ensemble des questions liées au mariage, au divorce, aux droits de garde et à la succession, ainsi qu’à la reconnaissance du travail domestique des femmes.
62% contre le mariage précoce
Le Conseil a lancé une plateforme numérique, «Je partage», entre le 18 février et le 6 mars 2022, afin de recueillir les avis et représentations sur la faisabilité et l’acceptabilité sociale d’une modification du Code de la famille. Les résultats ont démontré qu’environ 80 % des participants considèrent que la tutelle des enfants doit être partagée entre le père et la mère de manière égale. 48 % estiment que les délais légaux pour statuer sur le divorce doivent être compris entre un et trois mois, tandis que 25 % d’entre eux estiment que ces délais ne doivent pas dépasser un mois. Et enfin, près de 62% pensent que le mariage précoce devrait être aboli sans aucune exception.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO