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Entretien: «La mutation du marché automobile mondial est une opportunité à saisir pour le Maroc»

Avec la montée importante des prix à la pompe, de plus en plus de Marocains optent pour l’acquisition de véhicules hybrides ou électriques. Certaines marques ne proposent, d’ailleurs, plus de motorisation diesel depuis bien des années, à l’image de Toyota.

Et l’Union Européenne va interdire la circulation de véhicules à moteur thermique sur son territoire à l’horizon 2035, conformément à l’objectif de son «Green Deal», où elle vise à atteindre la neutralité carbone en 2050.

Adil Bennani, président de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), partage sa lecture sur le futur du marché automobile marocain qui devra s’adapter.

Est-il plus intéressant d’acquérir un véhicule hybride ou 100 % électrique  actuellement ?
Si tout le monde voulait acheter un véhicule électrique aujourd’hui, ça ne serait pas possible. Il n’y a pas toutes les gammes de prix, ni la disponibilité, ni le réseau de recharge.

Il y a un certain nombre de contraintes. Aujourd’hui, l’électrique pur s’adresse à une catégorie «limitée» de clientèle.

Cette catégorie va l’acheter en deuxième ou troisième véhicule, qui dispose de capacités de recharge à la maison, qui ne nécessitent pas forcément de recharger en dehors, et quand il s’agit de faire de longs trajets, ils vont prendre un autre véhicule.

En termes de masse, un véhicule hybride est plus commode. Néanmoins, on assiste depuis un an ou deux, et cela va s’accélérer dans les deux prochaines années, à un développement sans précédent de la technologie en matière d’électrique.

On a des batteries qui sont de moins en moins lourdes, de plus en plus petites, qui se rechargent rapidement et qui durent plus longtemps. Cela combiné à une technologie de recharge qui avance à grands pas. Nous étions sur du 7, 11, voire du 20 kW, on est passé à du 50, 100, 150 kW. Maintenant, il y a des bornes à 350 kW, c’est «ultrafast».

Tout cela va faire que dans quelques mois, vous allez avoir des véhicules à plus de 1.000 km d’autonomie, avec des temps de recharge de moins de 6 ou 7 minutes, pour des capacités de 300 km. Si on se projette dans 4/5 ans, l’électrique va se démocratiser.

L’effet volume va tirer les prix vers le bas. Les études démontrent qu’à partir de 2025/2026, on devrait arriver à une parité de prix entre un véhicule thermique et un véhicule électrique.

Lorsque l’on connaît les avantages du véhicule électrique en matière de pollution, de puissance, de maintenance et surtout en coût d’énergie, celui-ci est divisé par 3 pour les 100 km au Maroc.

Les concessionnaires automobiles aspirent à des incitations de la part de l’État pour booster les ventes de véhicules électriques. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Nous avons pu observer durant ces 30 dernières années, en matière de mobilité propre, que ce sont les pouvoirs publics qui disent qu’il faut rouler «propre». Cela se fait sur deux niveaux.

Le premier est réglementaire et concerne des restrictions, dans la mesure où l’on paie un montant donné lorsqu’on dépasse un certain niveau de pollution. Le deuxième niveau concerne les incitations, notamment dans la mesure où les constructeurs apportent une réponse à la demande réglementaire publique. Au Maroc, les véhicules acceptés doivent répondre à la norme «euro 4» ou plus, à noter qu’à partir de 2023, nous passerons à l’euro 6.

Nous avons quelques mesures pour encourager le «rouler propre». On peut citer, par exemple, une vignette gratuite, un droit proportionnel gratuit quand il s’agit d’un véhicule électrique ou hybride, des droits à l’importation réduits même quand il s’agit d’une zone non-Europe.

Je peux dire qu’il y a des choses qui se font, dans lesquelles l’AIVAM a été un acteur majeur pour pouvoir favoriser cela, mais cela reste timide.

Nous n’avons pas de gratuité de parking pour les véhicules verts, pas de gratuité des autoroutes ni de TVA «verte», qui soit réduite pour les véhicules hybrides ou électriques. Il n’y a pas de système de réduction des prix pour l’acquisition des véhicules «propres». Il y a encore matière à faire avant qu’il n’y est plus que du propre sur le marché.

Quelle lecture faites-vous de l’avenir de l’industrie automobile au Maroc  à l’horizon 2030 ? (Dans la mesure où l’UE abandonnera les moteurs thermiques).
Je ne me fais aucun souci pour l’industrie nationale. Les industriels suivent les tendances mondiales en la matière afin de s’adapter.

Quand on dit qu’en 2035 il n’y aura plus de véhicules thermiques, cela laisse 12/13 ans aux industriels pour se préparer à cette échéance. Sur le territoire marocain, nous avons des constructeurs mondiaux qui fabriquent des véhicules pour répondre à leur demande territoriale, voire mondiale.

Ils devront s’adapter au fur et à mesure. Les usines continueront de tourner de la même façon qu’auparavant. La technologie changera évidemment du thermique à l’électrique.

Cela impacte par ailleurs les équipementiers, qui devront aussi évoluer en ce sens, afin de répondre à la demande de leurs clients pour tel ou tel composant. Il y aura bien une phase d’adaptation pour certains équipementiers.

Si un fabricant d’une pièce diesel ne fait que ça pendant des années, il deviendra bien obsolète à un moment. Cela devrait donc le pousser à saisir le temps qu’il a pour s’adapter et faire évoluer sa production.

Nous avons les moyens pour proposer aux industriels une production décarbonée, qui peut faire la différence par rapport à d’autres destinations. Cette mutation du marché automobile mondial est une opportunité à saisir pour le Maroc.

Pensez-vous que le Maroc puisse adopter les voitures à hydrogène prochainement ?
La nature a horreur du vide. L’humanité a toujours prouvé qu’elle s’adapte en fonction de l’évolution de la technologie.

Au moment où tout le monde circulait à cheval, on s’est bien posé la question sur l’adoption de la voiture. Le changement se fait bien évidemment selon les moyens de chacun sur le moment.

Pour l’hydrogène, c’est pareil, on ira vers ce qui existera. Il s’agit surtout de la disponibilité des infrastructures d’ici là. Il est important de mettre en place des stations de recharge, et c’est ce que l’on cherche à accélérer là avec les pouvoirs publics.

Il existe sur le marché quelques modèles roulant à l’hydrogène, mais ils restent coûteux pour le moment. Cela évoluera bien sûr selon la demande du marché. Ce qui est bien, c’est que le Marocain n’a aucun problème à conduire un véhicule thermique, hybride ou électrique, à partir du moment où les conditions d’usage sont là.

Il s’agit d’un kilométrage acceptable, la disponibilité des stations de recharge, en plus d’un coût abordable. L’hydrogène aujourd’hui est très puissant, sans parler du fait qu’il est totalement dépollué.

C’est une vraie alternative technologique pour la mobilité, et nous le verrons arriver rapidement, les prochaines années, dans les véhicules utilitaires.

Les expériences passées ont démontré que quand il s’agit de longue distance et d’un déplacement d’une lourde charge, l’électrique n’était pas la solution.

Dans le domaine du poids lourd, que ce soit pour les passagers ou les marchandises, on se dirige vers de l’hydrogène ou de l’hybride avec du thermique, mais pas de l’électrique.

Le marché souffre actuellement d’un manque au niveau des stocks de  voitures neuves, ce qui profite grandement au marché de l’occasion. Quelle lecture avez-vous de cette situation ?
Le Covid a perturbé les chaînes de production et la logistique générale du secteur. Nous avons vécu une situation de pénurie de certains composants, notamment les semi-conducteurs, et nous continuons toujours à le vivre.

Cela crée des tensions inflationnistes sur le marché.  Quand est-ce que ça va se régler ? En tout cas, pas avant 2023. Cela impacte bien le marché de l’occasion, dans la mesure où, vu qu’il y a une baisse des véhicules neufs, celui-ci est l’alternative pour les acheteurs.

Les prix vont à la hausse, mais il faut faire attention, dans la mesure où la capacité de production de certains composants repart à la hausse.

Cela implique directement une disponibilité à nouveau de véhicules neufs. Cela résultera en une baisse des prix de vente sur le neuf, et de la disponibilité qui va impacter le secteur de l’occasion avec une dévalorisation moindre. Ce sont des cycles naturels que l’on observe sur les marchés.

Ce qui est plus sérieux, c’est la situation de la demande. L’offre peut bouger dans le temps, mais si l’on n’a pas de clients prêts à acheter, on se retrouve avec une pression des stocks et des prix qui vont vers le bas.

Abdellah Ouardirhi / Les Inspirations ÉCO



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