Lutte contre le blanchiment d’argent. Les derniers “fine tuning” apportés
Outre la fixation du ressort des nouvelles juridictions compétentes, les correctifs apportés visent, également, à renforcer le rôle de la nouvelle instance des informations financières qui sera créée.
Le puzzle légal et réglementaire, concernant la lutte contre le blanchiment d’argent, est désormais presque complet, suite à l’adoption de deux importantes réglementations portant sur les volets, tant préventif que répressif, qui régiront le dispositif.
En effet, lors du dernier Conseil de gouvernement, le feu vert a été donné à un décret, finalisé par le département de la Justice, qui «fixe le ressort territorial des juridictions compétentes en matière de crimes de blanchiment d’argent, comme cela est prévu par l’article 38 de la loi 12-18».
Cette compétence a été généralisée à plusieurs juridictions, «en vue de faire baisser la pression sur celle de Rabat», est-il indiqué dans le décret 2-21-670, qui est donc entré en vigueur.
Les juridictions concernées, au sein des villes de Casablanca, Fès et Marrakech, seront aussi compétentes pour statuer sur les affaires liées aux crimes qui sont passibles des peines prévues par la loi 12-18, sachant que le tribunal de Rabat avait une compétence exclusive pour cette catégorie de crimes, avant l’édiction des nouvelles mesures.
Les correctifs apportés visent aussi à «améliorer la cadence de jugement des affaires et réaliser l’efficience judiciaire pour les procès liés au blanchiment d’argent», insiste la nouvelle réglementation. L’une des principales nouveautés résidera dans la création de quatre unités d’investigations, à vocation régionale, qui devront renforcer la mission des juridictions spécialisées dans les crimes de blanchiment.
Une nouvelle unité des
informations financières
La 2e réglementation, qui conforte les révisions apportées par la loi 12-18, relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, concerne la mise en place d’une instance nationale des informations financières. Le décret 2-21-633, présenté par le ministre de l’Économie et des finances, introduit une obligation imposée par les recommandations incluses dans le rapport d’évaluation sur le système national de lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le terrorisme ainsi que la prolifération des armes de destruction massive et son financement.
Pour rappel, ce rapport, élaboré par le Groupe d’action financière (GAFI) de la région MENA, «a appelé à la qualification et au renforcement de l’Unité de traitement des renseignements financiers, ainsi que sa dotation en ressources humaines et financières adéquates», indique le nouveau décret.
Il s’agit donc d’un remplacement de l’actuelle unité par la nouvelle instance qui sera dotée d’un statut spécifique, après publication du décret au BO. Entretemps, cette unité continuera à exercer normalement ses missions. La nouvelle instance sera, quant à elle, compétente en vue de recueillir et traiter les renseignements liés au blanchiment de capitaux ainsi que de constituer une base de données concernant les opérations de blanchiment. Elle sera aussi habilitée à ordonner les investigations et enquêtes à effectuer, conformément à l’article 22 de la loi, et à assurer la coordination des moyens d’action de ses services.
Elle devra enfin être consultée par le gouvernement sur tous les projets de loi et décrets régissant ce domaine.
Le Maroc complète le volet institutionnel
Avec l’entrée en vigueur de la double réforme, judiciaire et institutionnelle, en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, le Maroc semble être sur la bonne voie pour une pleine application des recommandations émises par le GAFI.
Ce groupement reste, en effet, l’organe de pilotage de l’ensemble du dispositif légal et institutionnel préconisé pour lutter plus efficacement contre la circulation de l’argent sale.
Il a élaboré une série de recommandations reconnues comme étant la norme internationale en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massives.
«Elles constituent le fondement d’une réponse coordonnée aux menaces contre l’intégrité du système financier, et contribuent à l’harmonisation des règles au niveau mondial», assure le groupement. À noter que les recommandations du GAFI ont été révisées à quatre reprises «afin d’assurer qu’elles restent d’actualité et pertinentes. Elles ont vocation à être appliquées par tous les pays du monde», ajoute la même source.
Le GAFI identifie, également les lacunes et vulnérabilités à combler dans les différents pays membres, afin de protéger le secteur financier international contre l’utilisation de capitaux à des fins illicites.
Younes Bennajah / Les Inspirations ÉCO