Le Green Deal européen, une aubaine pour Tanger Med ?
Les autorités portuaires de la Baie d’Algésiras mènent une intense campagne de lobbying auprès des instances européennes pour adoucir l’application du pacte européen Green Deal. La gigantesque infrastructure portuaire craint une perte des parts de marché en faveur de son rival, Tanger Med.
Malgré la cordialité et l’esprit de collaboration qui prédomine entre les deux terminaux portuaires géants de la Méditerranée, la concurrence s’avère rude entre les deux établissements. Alors que la plateforme andalouse ne s’est toujours pas remise du veto marocain imposé aux ports espagnols durant l’opération Marhaba, la privant d’une manne financière conséquente et fort nécessaire en ces temps de crise, voilà qu’un nouveau projet européen vient inquiéter ses gestionnaires. Il s’agit du Green Deal, dont les grands contours ont été publiés par la Commission européenne le 14 juillet, qui devrait permettre à l’espace communautaire d’atteindre les 55% de réduction d’émission de gaz à effet de serre d’ici 2035.
Le protocole inclut un paquet de propositions visant à adapter les politiques de l’UE en matière de climat, d’énergie, de transport «pour devenir le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050». Pour y arriver, la CE veut opérer des changements dits ambitieux, comme réduire à 90% des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports. Concrètement, cela se traduit par l’introduction de nouvelles taxes et l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. À Algésiras, on s’alarme. Cette nouvelle taxation attaque de plein fouet la compétitivité du terminal andalou, d’après ses managers. Car pour les gestionnaires de cette infrastructure qui fait la fierté, non seulement de l’Espagne, mais aussi de l’Europe, le pacte vert entraînera «une fuite des conteneurs vers le port de Tanger Med».
Cette «tarification du carbone» qui devrait couvrir les importations dans les secteurs énergivores, à savoir l’acier, le ciment, l’aluminium, les fertilisants… n’est pas de bon augure pour ce terminal, lequel a toujours les yeux rivés sur son voisin et concurrent de l’autre rive de la Méditerranée. Et ce n‘est pas tout. Le prochain protocole prévoit que les navires polluants seront soumis à une forte taxation. Ce qui risque de dissuader plusieurs porte-conteneurs de faire escale dans ce port du sud méditerranéen, préférant de la sorte son voisin marocain, Tanger Med. À cette fin, le management de l’établissement portuaire multiplie les actions de lobbying pour réclamer une exclusion des ports dits du sud de cette nouvelle contrainte, ou à défaut un moratoire. Car il y va de la survie de ce terminal, selon ses gestionnaires.
À ce propos, une délégation représentant les europarlementaires espagnols du Parti populaire s’est rendue in situ, jeudi dernier. Les trois eurodéputés font partie de la Commission du commerce international. Le port d’Algésiras cherche à les rallier à sa cause pour qu’ils soient la voix du terminal auprès de l’Hémicycle européen et défendre les intérêts économiques et stratégiques de cet établissement. «Il est important que les sensibilités des ports du sud soient portées à la connaissance de Bruxelles», a déclaré durant cette réunion le président de l’Autorité de la Baie d’Algésiras, José Ignacio Landaluce.
Celui-ci a fait appel à une garantie de «libre concurrence et l’importance du trafic de transbordement pour générer de la richesse et créer de l’emploi». De son côté, Isabelle Ryckbost, la secrétaire générale de l’organisation européenne des ports, a volé à la rescousse de l’infrastructure portuaire espagnole. Celle-ci a estimé que le port d’Algésiras est un port stratégique pour l’Europe et a promis d’intervenir durant le processus d’adoption de ce protocole pour sauvegarder la compétitivité des ports du sud, et que des formules soient adoptées au profit de ces établissements.