Climat : le GIEC sonne le tocsin !
Dans le cadre de la préparation de son 6e rapport, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) vient de sortir une étude très alarmante sur l’évolution du changement climatique. Le document révèle que si rien n’est fait, le climat mondial se réchauffera de 1,5°C supplémentaire en 2030, ce qui risque de compromettre tous les efforts entrepris dans l’application des directives de l’Accord de Paris. Zoom sur les trois scénarios possibles
Incendies au Canada, aux États-Unis, en Grèce et en Algérie, inondations en Chine, en Inde, en Belgique et en Allemagne avec des centaines de morts, et 20°C au Groenland où les glaciers ont déjà reculé de près de 200 mètres….Pour le Groupement intergouvernemental d’experts sur l’évolution climatique (GIEC), c’est désormais une certitude, le seul coupable c’est l’être humain et ses émissions de gaz à effet de serre (GES). La planète risque de se réchauffer de plus 1,5° C d’ici 2030, c’est-à-dire dans moins de 10 ans et 10 ans avant la date fatidique initialement prise comme repère dans de le cadre de l’Accord de Paris. En effet, selon le rapport publié, au début de la semaine, par le Groupe-1 du GIEC, qui entre dans le cadre de la préparation du 6e rapport de ce groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat (Voir encadré ci-dessous), la température moyenne de la planète (mesurée à un mètre au dessus des sols -stations météorologique- et à la surface des océans) depuis 1850 et la reconstruction de ces températures par des études paléoclimatiques remontant à 2.000 ans montre l’amplitude et la rapidité du réchauffement climatique observé. L’augmentation de la température ne se manifeste pas seulement sur les moyennes mais également par la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur dont les effets peuvent être dévastateurs pour les écosystèmes, l’agriculture ou la santé humaine, relève le document qui pointe un doigt accusateur sur l’Homme. En effet, l’intensification de l’effet de serre atmosphérique par nos émissions de gaz à effet de serre – la plupart dues à l’usage des énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole – est la cause du réchauffement climatique. Cette intensification a bousculé l’équilibre entre l’énergie solaire qui entre dans le système climatique planétaire et l’énergie que la Terre rayonne vers l’espace. Et l’énergie supplémentaire ainsi acquise par la planète se distribue surtout vers les océans (91%), la surface des continents (5%), est utilisée pour la fonte des glaces (3%) et seulement 1% est stocké dans l’atmosphère, constate le GIEC, dont le rapport focalise son résumé sur trois futurs possibles.
Trois scénarios étudiés
Un premier où le réchauffement est limité à 1,5°C, un second où il monte à 2°C, un troisième où il grimpe jusqu’à 4°C. Le premier supposerait une diminution drastique des émissions mondiales dès aujourd’hui à un rythme très élevé. Sa probabilité économique, sociale et politique est nulle. Le second suppose l’engagement de politiques très sévères de restriction de l’usage des énergies fossiles et de nombreux autres éléments d’une politique climatique efficace. Sa probabilité est faible, mais si ces politiques étaient engagées dans les 10 ans qui viennent au plan mondial, ce scénario pourrait donner de bons résultats, voire inverser la tendance. C’est en tout cas ce à quoi va s’employer rudement la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC).
Le second sera au centre des discussions à la COP26 à Glasgow
Il est en effet très peu probable que la tenue de la COP26, prévue en novembre prochain à Glasgow (Ecosse) soit reportée ou annulée. Les 198 pays signataires de l’Accord de Paris devront tous y participer munis de leurs nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN) révisées. Sur ce plan-là, le Maroc est déjà prêt. Le royaume a soumis sa nouvelle CDN actualisée au secrétariat exécutif de la CCNUCC en date du 22 juin 2021. Selon le département de l’Environnement relevant du ministère de l’Énergie, des mines et de l’environnement, «la CDN du Maroc a été actualisée dans le cadre d’une approche participative et inclusive et a été présentée à la Commission nationale sur les changements climatiques et la diversité biologique, avant sa soumission officielle au secrétariat de la CCNUCC. Ainsi, la contribution actualisée du Maroc comprend un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 45,5% d’ici 2030, contre 42% auparavant, dont une part de 18,3% inconditionnelle c’est-à-dire qui sera réalisée sans l’appui de la coopération internationale». Autrement dit, la réalisation des 81,7 % de la CDN du Maroc dépendra de l’appui international. Un appui qui tarde à se manifester, puisque jusqu’à présent les 100 millions de dollars annuels à allouer aux pays en voie de développement, à partir de 2020, n’ont pas encore connu de déblocage. Et donc, l’engagement des politiques pour la mise en œuvre des CDN dépend aussi de la volonté des pays développés de franchir cette étape cruciale de déblocage de ces fonds. D’ailleurs, ce sujet sera encore au centre des négociations à Glasgow. Espérons qu’il aboutira enfin !
Si rien n’est fait…c’est la catastrophe
En attendant, revenons sur le troisième scénario du rapport du GIEC. Celui-ci correspond… à la trajectoire historique des émissions des gaz à effet de serre depuis 1992, l’année de la Convention climat de l’ONU signée à Rio au Brésil. Autrement dit, pour le réaliser, il suffit de continuer comme aujourd’hui. Bref, sans de nouveaux efforts, ce sera bien pire et tout simplement catastrophique. «Si les émissions de CO2 stagnent, je dis bien stagnent, alors on dépassera 1,5°C pour atteindre près de 2° en 2050. Ce niveau sera, ensuite, rapidement dépassé après», explique un expert du GIEC. Dès lors, le scénario au dessus de 2°C sera juste intenable. Il se traduit, en effet, par des chiffres alarmants. Une vague de chaleur dont la fréquence dans le climat d’il y a 50 ans était d’une fois tous les 50 ans surviendra beaucoup plus souvent (14 fois pour un réchauffement de 2°C, 40 fois pour un réchauffement de 4°C) et la température sera de 2,7°C et de 5,3°C plus élevée. Pour un pays comme la France par exemple, cela signifie des canicules à 50°C, sur une vaste partie du territoire dans ce dernier cas. Les sécheresses seront six fois plus nombreuses. Les zones qui risquent d’être les plus affectées sont très disparates. Le pourtour de la Méditerranée et de la mer Noire, l’Amérique centrale et le sud-ouest des USA, le Chili, le sud de l’Afrique, la côte ouest (entre Sénégal et Côte d’Ivoire), Madagascar, l’Amazonie sont les régions les plus menacées par des sécheresses fréquentes et intenses. En Amazonie, cela pourrait déclencher une transformation profonde de l’écosystème forestier. Les précipitations extrêmes augmenteront également de plus de 70% et de plus 14% en intensité. Heureusement que nous n’en sommes pas encore là ! Mais, selon les scientifiques, il est déjà trop tard pour certains milieux naturels. «La température globale des océans va continuer à augmenter sur des milliers d’années. Le niveau de la mer va également augmenter et la fonte des glaciers va se poursuivre sur ces mêmes échelles de temps», est-il expliqué. En 30 ans, la surface moyenne de la banquise arctique en fin d’été a diminué de 2 millions de km². Les projections climatiques montrent qu’elle pourrait presque disparaître certaines années en fin d’été à partir de 2050. Par ailleurs, plus de 2 mètres de hausse du niveau des mers sont envisagés en 2100 et plus de 5 mètres en 2150. Cette montée des eaux est déjà visible dans certaines parties du monde, comme par exemple les côtes de l’Atlantique Nord où l’érosion fragilise des milliers de kilomètres de côtes.
Le climat, une équation difficile !
Alors que l’Humanité a émis 2.560 milliards de CO2 depuis 1750, il faudrait n’en émettre que 500 de plus pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Pour le limiter à 2°C, 1.150 milliards de tonnes. Ces objectifs supposent de ne pas utiliser la majeure partie des énergies fossiles disponibles en sous-sol. Et donc des transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et politiques majeures devront intervenir.
À propos du rapport et du GIEC
Ce rapport, plus précis, plus alarmant, plus fiable et plus pédagogique est publié par le groupe-1 du GIEC. Il entre dans le cadre de la préparation du 6e rapport de ce Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat. Le premier fut publié en 1990. Il servit de base scientifique à l’élaboration de la Convention cimat de l’ONU, signée à Rio de Janeiro en 1992. Le GIEC se divise en trois groupes de travail. Le premier s’occupe de la physique du climat – comment il fut, est et sera dans le futur en fonction des différents scénarios possibles d’émissions de gaz à effet de serre par l’Humanité. Le second analyse les conséquences de ce changement climatique sur les écosystèmes naturels et agricoles et sur les sociétés humaines ainsi que sur les adaptations possibles de ces dernières à ces menaces. Le troisième s’interroge sur les politiques à conduire pour diminuer ces menaces en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre. Les groupes 2 et 3 doivent approuver leurs rapports en février et mars 2022. Le rapport de synthèse est prévu pour fin septembre 2022.
Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO