Climat : le Maroc revoit ses ambitions à la hausse
Le royaume s’engage devant la communauté internationale, représentée en matière de changement climatique par la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique, à baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 45,5% à l’horizon 2030, contre 42% auparavant. La réalisation de sa contribution nationale déterminée passera ainsi de 55 à 61 projets, dont 27 sont conditionnés par l’appui international. Les détails…
C’est fait : le Maroc a finalement revu sa Contribution nationale déterminée (CDN) à la hausse. Celle-ci passe de 42% à 45,5% à l’horizon 2030. Autrement dit, le royaume s’engage devant la communauté internationale, représentée en matière de changement climatique par la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), à baisser ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 3,5% de plus, conformément à l’Agenda 2030 stipulé par l’Accord de Paris. Le Maroc a notamment soumis sa nouvelle CND actualisée au secrétariat exécutif de la CCNUCC en date du 22 juin 2021.
Selon le département de l’Environnement relevant du ministère de l’Énergie, des mines et de l’environnement, qui a rendu publique l’information, «la CDN du Maroc a été actualisée dans le cadre d’une approche participative et inclusive et a été présentée à la Commission nationale sur les changements climatiques et la diversité biologique, avant sa soumission officielle au secrétariat de la CCNUCC. Ainsi, la Contribution actualisée du Maroc comprend un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui est de 45,5% d’ici 2030, dont une part de 18,3% inconditionnelle, c’est-à-dire qui sera réalisée sans l’appui de la coopération internationale». Rappelons que le royaume s’était engagé, juste avant l’organisation de la 22e Conférence des parties sur le climat (COP22) à Marrakech en novembre 2016, à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, d’ici 2030, de 42% à travers 55 projets dont 17% avec un objectif inconditionnel.
Six nouveaux projets ajoutés…
La nouvelle CDN actualisée s’articule désormais autour d’un portefeuille de 61 projets d’atténuation dont 27 (+6) sont conditionnés par un soutien international. Ces projets couvrent sept secteurs à savoir : l’énergie notamment la production d’électricité, l’industrie (y compris les phosphates et la production de ciment comme deux nouveaux sous-secteurs), l’habitat et la construction, le transport, les déchets, l’agriculture, la gestion des terres et la foresterie. Le coût total de ce portefeuille de projets est estimé à 38,8 milliards de dollars (environ 388 MMDH), dont 21,5 milliards de dollars (environ 215 MMDH) pour les projets conditionnels.
De plus, la CDN actualisée comprend des objectifs stratégiques d’adaptation pour les secteurs de l’eau, l’agriculture, la pêche et la pisciculture, la foresterie, l’aménagement du territoire, la gestion urbaine et la santé, ainsi que les écosystèmes fragiles (montagneux et oasiens, littoral). Le coût total de ces projets d’adaptation a été estimé à environ 40 milliards de dollars (environ 400 MMDH).
La CDN actualisée du Maroc a été appréciée par plusieurs personnalités parmi lesquelles Patricia Espinosa, Secrétaire exécutive de la CCNUCC et Alok Sharma, présidente de la COP26, prévue en novembre prochain à Glasgow (Écosse). Ces derniers ont salué les efforts déployés par le Maroc pour mettre à jour sa contribution tout en relevant le niveau d’ambition de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’une part, et en intégrant l’adaptation et le renforcement de la résilience des secteurs les plus vulnérables, d’autre part.
…Pour respecter les résultats de l’étude du GIEC…
Notons que cette décision a été prise conformément au message royal adressé aux participants aux travaux du Sommet sur l’action pour le climat qui s’est tenu au siège des Nations unies à New York en 2019. Elle répond aussi à l’appel lancé par la CCNUCC lors de la COP24, organisée en 2018 à Katowice en Pologne. Un appel qui, rappelons-le, faisait suite aux conclusions alarmantes de l’étude du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en 2018 qui avait prévenu que «le monde a déjà atteint une hausse de 1°C et que si l’on reste en l’état, on atteindra 1,5°C entre 2030 et 2052, c’est-à-dire 48 ans avant la fin du siècle». Dès lors, tous les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris seraient sans effet ! Alors, pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris, qui vise à contenir l’élévation de la température globale du monde à moins de 2°C et au mieux à 1,5°C à l’horizon 2100, notamment en renforçant les capacités d’adaptation des pays au changement climatique et à orienter les flux financiers vers des activités économiques à faibles émissions de gaz à effet de serre, il faut que les 198 États signataires revoient leurs engagements à la hausse. Pour ce faire, la CCNUCC avait commencé par leur montrer la voie à suivre à la COP24 à Katowice. Notamment en les invitant à définir rapidement leurs nouveaux plans d’action à mettre en œuvre.
Et asseoir le leadership du Maroc
D’ailleurs, le roi Mohammed VI avait à l’époque anticipé la question. Il avait, en effet, demandé aux autorités concernées de réfléchir rapidement à des scénarios de hausse des engagements du royaume, qui devaient donc dépasser 42% de réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et 52% de production électrique à la même échéance. C’est à ce titre que le Maroc avait présenté son nouveau plan d’action, où il a également fait prévaloir les efforts qu’il a consentis dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. C’est dans ce cadre que la soumission de la CDN, le lancement du Plan national d’adaptation (PNA), le lancement du Plan climat national, l’appui à l’élaboration de Plans climats territoriaux et l’instauration d’un cadre de gouvernance climatique nationale ont été exposés. L’objectif étant de valoriser le modèle climat national, de maintenir l’engagement et la dynamique créée autour du changement climatique depuis la COP22 à Marrakech et aussi de consolider le leadership du Maroc dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Bref, il ressort, entre autres, de la CDN actualisée que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique est apparemment maintenue au même niveau.
Ce qui veut dire donc que 52% de l’électricité produite au Maroc à l’horizon 2030, proviendront de sources renouvelables, notamment du solaire, de l’éolien, de l’hydraulique, de la biomasse et de l’hydrogène. Et, justement, pour ce qui est du power-to-x, le Maroc pourrait aller très vite dans le green en produisant cette source d’énergie propre. Deux études présentées par trois instituts de recherche allemands Fraunhofer (IMWS, IGB et ISI), ont révélé que grâce à sa situation géographique privilégiée et son potentiel exceptionnel en énergies éolienne et solaire, le Maroc pourrait capter une part non négligeable de la demande de Power-to-x, estimée entre 2 et 4% de la demande mondiale en 2030. C’est pourquoi une feuille de route est déjà élaborée dans ce domaine très, très prometteur. En attendant sa présentation, elle vise à court terme, des actions ciblées visant essentiellement à réduire les coûts sur toute la chaîne de valeur de production et d’exploitation.
Parmi les pistes proposées, il y a déjà la création d’un cluster industriel dédié qui s’occupe, entre autres, de l’élaboration d’un plan directeur d’infrastructures, d’assurer le transfert de technologie à travers le renforcement des capacités et du développement d’un contenu local, ainsi que de la création des conditions idoines pour l’exportation des produits power-to-x. À moyen terme, la feuille de route propose de se focaliser sur le développement d’un plan de stockage pour le secteur de l’électricité et la mise en place d’un cadre réglementaire approprié pour l’utilisation du Power-to-x dans les transports. Tandis qu’à long terme, elle indique la voie vers des actions visant le développement d’un cadre réglementaire et commercial pour étendre les technologies Power-to-x à la production de chaleur.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco