Affaire EPC Maroc Vs Addoha: ce que l’on sait
Déjà boudées par les investisseurs du fait de l’incertitude qui les entourent, les immobilières de la place paient aujourd’hui le tribut de l’affaire opposant EPC Maroc aux membres de la famille Sefrioui, selon les analystes.
Les investisseurs de la place semblent déstabilisés par l’annonce parue lundi concernant les actionnaires du groupe immobilier Addoha. Un communiqué a été largement diffusé annonçant l’attaque en justice de la famille Sefrioui pour dépossession avec violence. À l’origine de cette communication, la société EPC Maroc, filiale du groupe français éponyme, qui affirme avoir assigné devant le tribunal correctionnel Anas, Saad, Kenza et Malik Sefrioui. Le spécialiste en explosifs à usage civil dénonce, à travers cette action en justice, une «destruction abusive et sans sommation» de ses locaux administratifs et commerciaux situés à Bouskoura, et ce en date du 29 mars dernier.
L’action en bourse a rapidement dévissé, lundi, suite à un mouvement déchaîné générant la vente de 31.580 titres Addoha. À la clôture, ce sont pas moins de 270.244 actions qui ont changé de mains. Au terme de la séance, le titre Addoha a perdu presque 3,92% de sa valeur pour s’échanger à 10,29 DH. «Heureusement que la limitation du seuil de variation est toujours en cours, sinon la chute aurait été beaucoup plus importante», fait remarquer un professionnel de la Bourse.
Pour restreindre les effets de la crise sanitaire sur le marché financier, l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) a en effet procédé à la réduction des seuils de variation quotidiens des cours des instruments financiers. La variation du cours de référence a été limitée à 4% pour les titres de capital dont la cotation est en mode continu. «L’onde de choc n’a pas épargné les autres immobilières de la place», commente ce professionnel. Les investisseurs semblent également fuir les valeurs du secteur. Celles-ci faisaient même partie des plus fortes baisses du marché. Addoha, en tête, était suivie de Résidences Dar Saada qui s’était dépréciée de 3,31% à 36,25 DH, puis d’Alliances qui avait perdu 2,65% à 40,10 DH.
«Le désintérêt du secteur immobilier a été noté depuis plusieurs mois avant l’arrivée de la crise sanitaire. La Covid a seulement confirmé ce sentiment… Les investisseurs semblent être lassés des manques de visibilité et de perspectives qui entouraient le secteur», soutient le professionnel. D’ailleurs, plusieurs sociétés de bourse ont décidé, il y a plusieurs mois, d’écarter les valeurs immobilières de leur périmètre d’analyse à cause de l’incertitude qui entoure le secteur, et surtout du manque de communication de ces sociétés cotées. Ceci dit, au terme de la séance du mardi, la tension semblait être retombée. Les immobilières paraissent retrouver quelques couleurs. Alliances s’apprécie de 3,99% à 41,70DH, Résidences Dar Saada grimpe de 3,17% à 37,40 DH et Addoha reprend 1,85% à 10,48 DH.
Une certaine indifférence a été, par contre, notée au cours de la journée du mercredi. En Bourse, les immobilières n’ont connu que de légères fluctuations durant la séance du mercredi. En fin de séance, les timides mouvements ont donné lieu a une variation négative pour RDS (-2,14% à 36,60 DH) et une évolution positive pour Alliances (+1,51% à 42,33 DH) quand le titre Addoha est resté inchangé à 10,48 DH. Et ce, malgré la réponse d’Anas Sefrioui aux allégations faites à son encontre.
Réponse du berger à la bergère, au lendemain de l’annonce de son assignation par EPC Maroc devant le tribunal correctionnel, aux côtés de Saad, Kenza et Malik Sefrioui, Anas Sefrioui répond et dément la version d’EPC Maroc. Dans un communiqué diffusé dans la soirée du mardi, l’homme d’affaires estime que «dans une tentative malhonnête de désinformation, EPC Maroc a cherché à porter atteinte à la réputation de la famille Sefrioui à travers une communication étayée d’informations volontairement erronées. Cette communication commence par invoquer l’article 570 du Code pénal aux seules fins de manipuler l’opinion publique et de nuire aux personnes citées».
A propos des faits reprochés par EPC Maroc quant à la procédure adoptée pour la démolition des locaux de Bouskoura, Sefrioui défend que cette opération a été réalisée en conformité avec les procédures légales et réglementaires en vigueur et en présence des autorités compétentes. «EPC Maroc occupait une partie du foncier sans disposer ni du droit de propriété commerciale ni du fonds de commerce» est-il détaillé dans le communiqué de Sefrioui, où il explique: «EPC Maroc est immatriculé au Tribunal de commerce de Casablanca, au registre n°20059, avec son siège social à Casablanca à l’adresse : immeuble Sémiramis, angle des rues Faker et Kamal, ex-angle des rues Vidal et Heintz».
En raison de cette occupation, le projet consacré depuis 2012 par Foncière Iskane, en sa qualité de propriétaire dudit terrain, à la réalisation d’un programme de logement a enregistré un retard de réalisation préjudiciable, lance Sefrioui, ajoutant que l’activité de production d’explosifs a par ailleurs constitué un réel danger pour les habitants voisins du site. Ainsi, les autorités compétentes ont informé EPC Maroc de la nécessité de transférer son activité hors des zones d’habitation pour des raisons de sécurité et l’ont mise en demeure de quitter le site, est-il indiqué. «Une décision a été rendue en ce sens le 17 septembre 2014 et a été suivie de plusieurs sommations d’exécution. EPC Maroc a reçu cette décision qu’elle a attaquée en justice pour annulation le 10 février 2015. Le tribunal administratif de Casablanca a débouté ce recours le 17 juin 2015 dans son jugement n°1379, dossier n°43/7110/2015. Le tribunal administratif d’appel de Rabat a confirmé ce jugement le 22 mars 2016 dans sa décision n°1151, dossier n°881/7205/2015», est-il assuré dans ce sens.
D’après les données avancées par Sefrioui, EPC Maroc a signé deux protocoles d’accords avec Foncière Iskane pour la libération définitive du terrain en 2016 et 2017. EPC Maroc a, par la suite, transféré son activité dans la circonscription de Machraa Ben Abbou dans la province de Settat. «Ce transfert a été confirmé par les autorités compétentes qui ont constaté la libération du site de Bouskoura, contrairement à ce qu’indique EPC Maroc. Une autorisation de démolir en date du 5 mars 2021 a alors été délivrée à Foncière Iskane», affirme Sefrioui. Et d’ajouter : «La démolition entreprise le 29 mars 2021 a été réalisée en présence des autorités compétentes qui ont constaté là encore, contrairement à ce que prétend EPC Maroc, que les locaux étaient vides et qu’il n’y avait ni biens meubles ni personnes ni installations industrielles ou administratives. Un huissier de justice en a pris acte. ces données sont étayées de documents justificatifs : autorisations, jugements, décisions, procès-verbaux, protocoles d’accords, etc».
Aida Lo / Les Inspirations Éco