À quand une renaissance éducative au Maroc ?
La Fondation Attijariwafa bank a organisé, le 24 juin, une conférence autour du Nouveau modèle de développement, en posant le débat sur la renaissance éducative. Relève-t-elle du mythe ou du réalisme ? Trois experts ont tenté de répondre à cette question de l’heure.
La Fondation Attijariwafa bank poursuit son cycle de conférences «Échanger pour mieux comprendre» de la fondation, et se penche à nouveau sur une question de l’heure. «Nouveau modèle de développement : la renaissance éducative, mythe ou réalisme?». C’est ce thème qui a, donc, été choisi pour ce débat organisé par l’institution bancaire et qui a opposé trois experts marocains à savoir Rita El Kadiri, spécialisée en éducation, militante associative et membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD), Youssef Saadani, directeur général délégué de CDG Invest et membre de la CSMD et Abderrahmane Lahlou, directeur fondateur du Centre de formation et perfectionnement des enseignants. Dès le début des échanges, les intervenants sont tombés, ou presque, d’accord sur un constat alarmant à savoir la décadence du système scolaire marocain. C’est ce que Youssef Saadani appelle «la crise des apparentages». Selon ce dernier, «L’école marocaine ne transmet plus les valeurs de base.» En réalité il n’invite rien. Si en matière de développement du capital humain, les efforts de massification d’accès ont permis de généraliser la scolarisation de base, ces efforts n’ont pas été accompagnés par une amélioration de la qualité des services publics d’éducation-formation, explique-t-on dans le récent rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement où il est clairement indiqué que les performances de l’école marocaine demeurent très faibles, avec deux tiers des élèves qui ne maîtrisent pas la lecture à la fin du primaire et un taux de déperdition scolaire qui demeure très élevé.
Pis encore, selon le même document, la classe moyenne fait face à une détérioration de son pouvoir d’achat dû au coût élevé des services d’éducation, en partie, contractés auprès du secteur privé comme alternative à la faible qualité de l’offre publique de ces services. On le voit bien au Maroc, la question de la qualité de l’éducation et le coût de celle-ci fait débat et inquiète. Mais que faut-il faire, maintenant ? «Aujourd’hui ce qu’il faut faire, c’est tracer un profil de l’apprenant qui est holistique, lequel est beaucoup plus large que le cognitif et l’ériger en ligne de mire pour essayer de s’en rapprocher», recommande Abderrahmane Lahlou. Si aujourd’hui, l’objectif du gouvernement est de doter, à l’horizon 2035, plus de 90% des élèves des compétences scolaires fondamentales (écriture, lecture et calcul) à la fin du cycle primaire, contre moins de 30% en 2020, le socle fondamental n’est pas uniquement cognitif, rappelle l’expert dans l’éducation et la formation qui en appelle à un dépassement du legs colonial français, car, selon toujours lui, les apprentissages cognitifs sont faciles si l’élève est bien encadré autour des valeurs familiales, tels que le courage, l’honnêteté et l’altruisme. Mais combien de générations faudra-t-il encore sacrifier pour arriver à un modèle qui tient la route ? s’interroge la modératrice.
Citant le rapport de la CSMD, Rita El Kadiri estime qu’il faut d’abord investir dans l’éducation et en particulier dans la formation des enseignants pour qu’ils deviennent des garants de l’apprentissage. Convaincue qu’ un systéme éducatif ne peut jamais dépasser le niveau de ses enseignants», la membre de la Commission spéciale sur le modèle de développement souligne que le statut de l’enseignant n’attire plus les meilleurs élèves. Dès lors un travail sérieux s’impose pour offrir aux enseignants de meilleures conditions de travail, à commencer par un salaire décent, un environnement de travail plus agréable ainsi qu’un plan de carrière prometteur et un statut social plus valorisant, expliquent les experts.
D’ailleurs, à ce propos, le rapport de la CSMD recommande de mettre l’accent sur la réhabilitation de l’école publique, en améliorant substantiellement la qualité des apprentissages et leur adaptation aux besoins du marché du travail, en rehaussant les compétences pédagogiques des enseignants, en encourageant l’ouverture sur les langues étrangères, et en mettant en place un système d’orientation efficient pour maximiser les chances de réussite scolaire.
À travers cette nouvelle conférence-débat qui a suscité de nombreuses questions d’internautes auxquelles ont répondu les intervenants, la Fondation Attijariwafa bank qui depuis plus de 40 ans œuvre en faveur de l’éducation et l’entrepreneuriat, la promotion de l’art et de la culture, le débat d’idées et la promotion de la production intellectuelle, et le soutien aux associations démontre, une fois de plus, sa volonté de favoriser le débat et la réflexion sur des questions qui engagent l’avenir de notre pays et de notre continent, en faisant appel à des experts reconnus pour leurs compétences et la pertinence de leur analyse.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco