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Ménages : comment sauver la classe moyenne ?

Qui est la classe moyenne ? Comment la renforcer et l’élargir ? C’est sur ces questions que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est penché dans son dernier rapport. Des éléments de réponse que la scène économique attend de cerner depuis des années.

C’est une première ! Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) apporte des réponses à une question posée depuis de longues années: Qui est la classe moyenne ? Comment la renforcer et l’élargir ? Des premiers éléments de réponses avaient été certes apportés dans le passé par le Haut-commissariat au plan, mais il s’agissait de données purement statistiques.

Or, à l’heure où le Maroc est en train d’esquisser les contours d’un nouveau modèle de développement, la préservation et le renforcement d’une classe formée, épanouie et entreprenante, sont primordiaux pour réussir la transition vers un nouveau palier de développement. Répondant donc à la saisine de la Chambre des conseillers, le 30 janvier 2020, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est attelé à l’étude de la classe moyenne au Maroc.

Aujourd’hui les résultats de ladite étude sont prêts, le CESE a ainsi publié ses recommandations adoptées à la majorité lors de sa 119e session ordinaire. Le rapport, intitulé «Renforcer et élargir la classe moyenne au Maroc: Enjeux et voies pour une classe moyenne qualifiée, épanouie et entreprenante», vise à apporter des réponses à deux questions formulées dans la saisine de la Chambre des conseillers: celle de définir la notion ou le concept de la classe moyenne et les voies et moyens de la préserver et de l’élargir.

Comment élargir la classe moyenne
Tenant compte des spécificités économiques et sociales de notre pays, huit voies majeures ont été identifiées par l’étude afin d’élargir la classe moyenne au Maroc, mais également la consolider pour faire face aux éventuels chocs exogènes qui pourraient entraîner un déclassement social.

Dans le détail, le Conseil recommande la mise en place de politiques budgétaires et fiscales pleinement redistributives. Il est, pour lui, essentiel d’éradiquer la pauvreté mais aussi de fournir une assistance aux populations les plus modestes et vulnérables.

Dans le même sillage, le CESE prône l’autonomisation économique dans l’objectif de réduire la pauvreté chez les femmes dans les zones urbaines et rurales et, de ce fait, fournir un accès plus grand des femmes au marché du travail. Il recommande par ailleurs l’amélioration de la qualité des services sociaux, ainsi que le renforcement des compétences du capital humain. L’organisation et le développement des corps des métiers de la fonction publique, l’émergence d’une classe moyenne rurale et le développement d’une infrastructure digitale inclusive, font aussi partie des huit voies phares proposées par le CESE dans son rapport.

Dans ce sens, le Conseil économique, social et environnemental propose plusieurs mesures concrètes en vue de mieux cerner la classe moyenne. Elles permettent aussi de tracer les contours d’une définition alternative de cette catégorie de la population marocaine, ainsi que de la préserver, la renforcer et l’élargir.

Renforcer le pouvoir d’achat
Entre autres, le Conseil appelle à enrichir et moderniser le dispositif statistique national. Ceci passe par l’amélioration du suivi des salaires dans le secteur privé et celui des revenus non-salariaux au Maroc, mais aussi à travers le développement des indicateurs sur le pouvoir d’achat, les conditions de vie et le patrimoine des différentes couches sociales, dans différentes régions du Maroc et dans différents milieux de résidence.

Pour le CESE, il est également important de renforcer le pouvoir d’achat de la classe moyenne par l’introduction d’une fiscalité des ménages plus favorable, prenant en compte les personnes à charges et consolidée par des allocations familiales plus en phase avec la réalité socio-économique des familles, dont celle liée au financement de l’éducation des enfants.

Le système sanitaire au centre des recommandations
Les femmes occupent une place importante dans le cadre des mesures présentées par le CESE. Elles doivent être au centre des efforts de lutte contre la pauvreté. L’objectif est de rompre avec les politiques et programmes souvent basés sur les notions de ménage et de l’homme chef de famille, est-il détaillé auprès du conseil. Par ailleurs, il est primordial selon le CESE d’asseoir la régulation du système de soins.

Ceci passe par l’établissement d’une carte sanitaire globale fiable (nationale et régionale), intégrant les secteurs public et privé. «Le rôle de l’État est, à cet égard, primordial en vue de garantir une cohérence d’ensemble à ce système et d’assurer un suivi rigoureux pour une offre de soins territorialement homogène (qualité et proximité)», estime l’institution. Renforcer la formation qualifiante et mettre en place la reconnaissance des acquis de l’expérience et les passerelles correspondantes dans les systèmes éducatifs nationaux, est aussi une des recommandations phares du CESE.

Plus d’attractivité économique
Le Conseil propose également d’inciter à la promotion et la diversification des activités économiques en milieu rural, hors agriculture. «L’objectif est de favoriser l’émergence d’une véritable classe moyenne au sein des 50% de la population rurale dont les activités ne sont pas liées à l’agriculture», explique le CESE. Il s’agit par ailleurs d’envisager le développement des centres ruraux émergents comme étant un levier d’attractivité et d’aménagement des territoires, dans le sens d’aménager les conditions d’éclosion d’une classe moyenne rurale, et non pas comme une barrière contre l’exode rural.

Enfin, le CESE recommande de considérer les nouvelles technologies comme une connaissance essentielle, les implémenter dans les curricula scolaire et universitaire et développer des filières digitalisées en combinant les parcours classiques avec les connaissances digitales dans les différentes disciplines : droit, économie, sciences humaines et sociales, ingénierie, marketing, comptabilité, etc.

La définition de la classe moyenne pénible
Bien que la classe moyenne soit largement étudiée dans la littérature académique, en arrêter une définition n’est pas chose aisée, eu égard à la grande hétérogénéité des situations appréhendées. Il est donc certain que la définition de ses priorités n’a pas été une tache facile.

Au Maroc, plusieurs contraintes rendent difficile la détermination de cette catégorie. Celles-ci ont trait notamment à : l’approche purement statistique présidant à la définition de la classe moyenne, basée sur le revenu ou le niveau de consommation et adoptée dans le cadre des politiques publiques ; la non-actualisation, depuis 2009, des données statistiques ; la faiblesse du dispositif de suivi des salaires dans le secteur privé ; l’étendue du secteur informel et le manque de statistiques le concernant ; et enfin, l’absence d’un dispositif statistique sur les revenus non-salariaux.

Pour le Conseil, la caractérisation d’une classe moyenne devrait «dépasser l’exercice purement statistique pour comprendre un travail de repérage de segments sociaux qui, au regard de leur niveau et mode de vie, leur formation et leurs aspirations, sont les mieux disposés à jouer le rôle de pilier de la stabilité sociopolitique et de moteur du développement économique, social et culturel de notre pays».

Effectivement, tout le monde sait que le dynamisme de la classe moyenne joue un rôle essentiel en tant que facteur de croissance et de stabilité économique. Elle soutient notamment la consommation, stimule en grande partie l’investissement dans l’éducation, la santé et le logement, et exerce aussi un rôle majeur dans le maintien des systèmes de protection sociale grâce aux contributions et impôts versés par les ménages.

En outre, «une classe moyenne importante, grâce à sa capacité d’épargne, constitue un puissant levier de financement de l’investissement», affirme le CESE dans cette perspective. Son existence dans le système socioéconomique d’un pays, représente un facteur de stabilité politique, puisqu’elle est généralement le reflet d’une plus grande cohésion sociale, d’inégalités moins marquées et d’un ascenseur social en marche.

De ce fait, la caractérisation d’une classe moyenne ne saurait être un exercice purement statistique mais devrait être sous-tendue par un travail de repérage de segments sociaux qui, au regard de leur niveau et mode de vie, leur formation et leurs aspirations, sont les mieux disposés à jouer le rôle de pilier de la stabilité sociopolitique et de moteur du développement économique, social et culturel de notre pays.

Lahcen Oulhaj.
Membre du CESE et président de la commission ad hoc chargée de l’élaboration de l’étude

Les contraintes qui rendent difficile la détermination de la classe moyenne sont multiples. Celles-ci ont trait notamment à : l’approche purement statistique présidant à la définition de la classe moyenne, basée sur le revenu ou le niveau de consommation, la faiblesse du dispositif de suivi des salaires dans le secteur privé, l’étendue du secteur informel et le manque de statistiques le concernant et, enfin, l’absence d’un dispositif statistique sur les revenus non salariaux.

Ahmed Réda Chami.
Président du CESE

La classe moyenne joue un rôle essentiel au sein de la société. Grâce à sa capacité d’épargne, l’existence d’une classe moyenne représente un puissant levier de financement de l’investissement. Elle constitue en outre un facteur de stabilité politique car elle est généralement le reflet d’une plus grande cohésion sociale, d’inégalités moins marquées et d’un ascenseur social en marche. Notre pays, qui s’apprête à adopter un nouveau modèle de développement répondant aux attentes et aspirations des Marocains, peut s’appuyer sur la classe moyenne pour réussir la transition vers un nouveau palier de développement.

Hakim Benchamach.
Président de la Chambre des conseillers

Le sujet de la classe moyenne constitue un enjeu de société aux multiples problématiques et dimensions. La prise de conscience de son rôle devrait être traduite par une véritable politique publique qui la place au cœur du nouveau modèle de développement.

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco



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