Lutte contre le blanchiment d’argent: le Ministère public charge les Parquets
Le Ministère public reproche aux Parquets de ne pas s’impliquer suffisamment dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Pourtant, ce domaine est stratégique pour le Maroc qui s’est engagé à sortir de la liste grise du Groupe d’action financière, où il figure depuis février dernier, à cause de la faiblesse de ses jugements.
Le Ministère public n’est pas satisfait du travail des Parquets en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il le leur a vertement fait savoir à travers une circulaire dont Les Inspirations ÉCO détient copie. Le document liste plusieurs griefs qui, s’ils ne sont pas vite solutionnés, risquent de maintenir le Maroc dans la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), où le royaume figure depuis février dernier. Cela empêchera surtout notre pays de remplir son engagement international à sortir de cette liste fin décembre prochain et d’appliquer correctement les orientations de sa politique pénale dans ce domaine. Ceci, sans oublier que leur désintérêt plombe tout l’effort fourni depuis des années en la matière par l’Unité de traitement du renseignement financier (UTRF), la cellule marocaine de lutte contre le blanchiment de capitaux.
Les Parquets des Cours d’appel ne se sentent pas concernés
Dans sa circulaire adressée aux procureurs généraux du roi près les Cours d’appel et aux procureurs du roi près les tribunaux de première instance, le Ministère public déplore que certains Parquets ne lui soumettent pas de copie des procédures engagées au sujet des infractions principales, malgré l’existence d’indicateurs et de preuves tangibles confirmant des soupçons de blanchiment d’argent, notamment dans certains cas où il a été procédé à la saisie d’une grande quantité de produits prohibés ou d’importantes sommes d’argent, ou encore de perpétration d’activité criminelle dans un cadre organisé ou transfrontalier. Il souligne aussi que la majorité des Parquets n’effectuent pas les enquêtes financières parallèles pour vérifier les soupçons de blanchiment d’argent, d’autant plus que les statistiques de 2020 révèlent que les Parquets dans dix circonscriptions des Cours d’appel ont ordonné des enquêtes financières parallèles dans des infractions principales, tandis que les Parquets dans onze circonscriptions judiciaires des Cours d’appel n’ont mené aucune enquête financière parallèle. Autre fait regrettable: seuls trois Parquets ont demandé des informations à l’UTRF, en dépit de l’importante base de données dont elle dispose, pour enrichir les enquêtes judiciaires, indique également la circulaire.
Les enquêtes rarement conduites à l’international
Et de relever, enfin, que plusieurs Parquets n’activent pas les procédures de coopération internationale, même si certaines affaires comprennent un élément étranger ou sont liées à des fonds ou à des individus se trouvant à l’étranger. Bref, il va falloir que les Parquets se ressaisissent et accordent une plus grande attention aux affaires de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, souligne le Ministère public qui indique la voie à suivre. D’abord, il faut que les Parquets respectent scrupuleusement les instructions objets de la circulaire publiée par la présidence du Ministère public en date du 14 novembre 2019. Ensuite, ils doivent réaliser des enquêtes financières parallèles lors de l’enquête sur les infractions principales pour détecter les cas de soupçons de blanchiment d’argent et les soumettre au Parquet compétent, outre la demande d’informations financières à l’UTRF dès que l’affaire présente des aspects financiers. Ils doivent également s’appuyer sur la coopération internationale pour suivre les individus et les fonds à l’étranger, mettre en application des procédures de saisie, de gel et de formulation de requêtes au tribunal pour la confiscation des fonds dans les cas autorisés par la loi, tout en créant des registres spécifiques pour inscrire les informations relatives aux fonds et objets saisis, eu égard à l’importance des statistiques relatives à ces mesures dans l’opération d’évaluation à laquelle est soumis le pays, et en fournissant des statistiques mensuelles à ce sujet. Pour assurer le suivi de ces nouvelles mesures visant à améliorer l’exécution des engagements internationaux du Maroc et l’application des orientations de sa politique pénale en matière de lutte contre le blanchiment d‘argent et le financement du terrorisme, le Ministère public a enfin décidé d’organiser des réunions avec les substituts des procureurs. Objectif : les inciter à mobiliser leurs troupes !
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco