Entreprenariat : Crowdfunding,un pari gagnant ?
La Chambre des représentants a adopté, en février dernier, le projet de loi 15-18 portant sur le crowdfunding. Un système censé faciliter aux porteurs de projets l’accès aux financements mais qui, dans la réalité, ne permet pas encore de lever des fonds importants. Le Maroc arrivera-t-il à en faire un véritable levier de développement de l’entrepreneuriat ?
En février dernier, le Maroc faisait un pas considérable dans la mise en œuvre effective d’un cadre juridique pour la régulation du crowdfunding, autrement dit le financement collaboratif ou participatif. En effet, la loi 15-18, régissant le cadre du financement participatif, a été adoptée en février dernier. Ce nouveau cadre juridique comprend, ainsi, la création du statut de gestionnaire de plateformes de financement collaboratif (PFC), la définition du dispositif d’agrément des sociétés de financement collaboratif (SFC), la définition des procédures et des modalités de création et de fonctionnement des PFC et la définition des engagements et des obligations des SFC en matière d’information du public, de publicité et de reporting.
L’Afrique encore à la trâine
Le Maroc est, de fait, l’un des premiers pays africains à faire un pas vers la régularisation de cet écosystème, alors que le continent est encore en retard par rapport aux autres, a déploré Thameur Hemdane, co-président de Financement Participatif Afrique et Méditerranée (FPAM), lors d’un webinaire organisé récemment sous le thème «Le crowdfunding : un levier de développement de l’entrepreneuriat au Maroc». L’expert a expliqué que «le développement du crowdfunding en Afrique est prometteur, mais il reste le continent le plus en retard par rapport aux autres». En effet, à ce jour, on estime les montants levés en crowdfunding en Afrique aux alentours de 500 millions de dollars. Entretemps, au niveau mondial, on s’approche des 40 milliards de dollars. «Le crowdfunding en Afrique est donc encore embryonnaire, et ce, parce qu’il n’existe pas de cadre réglementaire», selon Hemdane, qui a précisé que «toutes les plateformes qui se sont développées étaient des plateformes marginales qui essayaient de pousser pour que ce type de financement alternatif puisse se développer». Conséquence : «Presque 70% des montants qui ont été mobilisés pour le financement des projets en Afrique proviennent de financements étrangers». Néanmoins, dans le cas du Maroc, a-t-il assuré, les MRE pourraient jouer un rôle important dans le développement du crowdfunding.
Un mode de financement plus souple
Pour sa part, Hicham Chmanti Houari a mis l’accent sur le travail qui a été accompli dans la mise en œuvre de ce projet de loi. Ce cadre du ministère des Finances a rappelé, en effet, qu’un travail préalable a été fait : «Nous avons consulté des experts juridiques pour encadrer tout le dispositif réglementaire qui viendra par la suite». De son coté, Eric Asma, CEO de Happy Smala, impliqué depuis le début dans les discussions pour la mise en œuvre de ce projet, a renchéri: «nous attendons les textes d’application pour pouvoir démarrer une nouvelle phase de notre activité qui serait l’accompagnement et le lancement de nouvelles plateformes». Il a, néanmoins, précisé qu’une plateforme de crowdfunding ne dispose pas de ses propres fonds à donner aux porteurs de projets mais qu’elle monte une campagne de communication comme n’importe quelle autre. Par conséquent, «son rôle consiste à convaincre de manière individuelle des personnes de rejoindre un mouvement pour financer un projet». Par ailleurs, Mouad Tanouti, directeur de la normalisation des affaires juridiques au sein de l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), a relevé que le crowdfunding est «un dispositif plus flexible et plus souple que le dispositif de financement traditionnel, donc il doit garder cette caractéristique pour pouvoir se développer et fonctionner correctement». En revanche, a-t-il alerté, «il existe un élément de risque plus important au regard de la nature des projets qui sont financés». D’où la nécessité cruciale pour les régulateurs et pour l’écosystème de «trouver un bon équilibre entre la nécessité de garder la flexibilité de ce mode de financement et l’impératif de protéger les épargnants».
Un système de financement complémentaire
Abdelmounaim Dinia a, lui, exposé une vision différente. En effet, pour le DGA du groupe Crédit Agricole Maroc, il n’existe pas de différence proprement dite entre les banques et les plateformes de crowdfunding. Les banques doivent donc être des acteurs principaux et des parties prenantes de ce projet. Néanmoins, s’il soutient qu’«un nouvel instrument est intéressant, mais ne va pas bousculer le financement traditionnel», notre banquier a reconnu qu’«il peut, tout de même, apporter quelque chose de significatif». Son avis est partagé par Mehdi Alaoui, fondateur de LaStartupFactory, qui a estimé que «nous sommes devant un nouveau type de financement pour plusieurs acteurs qui ne se connaissent pas et qui peuvent se syndiquer pour investir dans divers projets. C’est une aubaine pour les porteurs de projets et tout le monde peut devenir investisseur grâce au crowdfunding». Quant à Lotfi Sekkat, PDG de CIH Bank, il s’est montré optimiste pour l’avenir du crowdfunding au Maroc, qu’il espère «radieux», car «c’est un mode de financement qui est extrêmement important et notre devoir est de le promouvoir auprès des pouvoirs publics». Rappelons, que ce débat sur le crowdfunding a été l’objet d’un webinaire organisé par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et la Fédération des secteurs bancaire et financier (FSBF) en partenariat avec Injaz Advisory et sponsorisé par CIH Bank et Crédit Agricole du Maroc. Il a eu pour thème «Le crowdfunding : un levier de développement de l’entrepreneuriat au Maroc».
Mariama Ndoye / Les Inspirations Éco