Modèle industriel : le CESE appelle à libérer le potentiel des opérateurs
Le nouvel avis du CESE insiste sur la mise en place d’écosystèmes appropriés et de processus auxquels devront prendre part les différents acteurs.
C’est suite à une auto-saisine que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a formulé son nouvel avis sur les perspectives du secteur industriel en ce contexte sanitaire difficile. Évidemment, l’impact de la pandémie mondiale fait planer sur les industriels marocains plusieurs contraintes qui menacent la consolidation du modèle national, et les mécanismes dédiés à l’innovation restent embryonnaires. Le principal constat du CESE est sans conteste le rôle de moteur de développement que revêt l’innovation. «L’entrée dans une économie mondiale fondée sur l’innovation implique une gestion nouvelle et motivante du capital intellectuel : chercheurs, doctorants, diplômés, créateurs, inventeurs et entrepreneurs. Elle nécessite également une étroite collaboration entre tous les acteurs : entreprises, universités et État», précise le conseil dans son avis. Le diagnostic opéré par l’instance présidée par Ahmed Réda Chami montre que les start-up, qui ont rencontré un important succès dans d’autres pays, gagnent du terrain au Maroc depuis une dizaine d’années. «Ce phénomène constitue un changement significatif dans le paysage de l’innovation au Maroc. Alors que l’on en recensait peu à la fin des années 2000, beaucoup de jeunes se sont lancés dans l’aventure de l’entreprise innovante, ce qui pourrait régénérer, à terme, le tissu industriel du pays à condition que le soutien et les conditions nécessaires soient réunis», indique le conseil. Pourtant, il n’existe toujours pas d’écosystème cohérent dédié à la promotion de ces start-up. De plus, la plupart des soutiens se focalisent «sur l’amorçage des projets et les toutes premières étapes de vie de la nouvelle entreprise», note l’avis du conseil qui recommande de prolonger ces efforts aux phases suivantes, «durant lesquelles doivent intervenir des investissements à moyen et long termes».
Des recommandations réalisables
En plus de l’amélioration du soutien aux start-up innovantes, l’avis du CESE retient aussi l’élaboration d’un cadre législatif et fiscal qui tienne compte des spécificités de ce type d’entreprises, assorti d’«un statut particulier qui permette leur création et liquidation». Au niveau administratif, le CESE suggère que l’État prenne en charge les frais d’enregistrement des brevets au niveau local, ainsi que la simplification des procédures d’homologation et de contrôle technique à l’importation. Il faut dire que l’action aux échelles régionale et locale reste primordiale. Il s’agit de mettre en place des incubateurs qui accueilleraient les entreprises innovantes à des conditions avantageuses et «leur donneraient la priorité d’un développement au niveau local où elles pourraient intervenir», insiste le conseil. Pour l’épineuse question de la propriété intellectuelle, le CESE appelle au renforcement du rôle de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), seul organe chargé de la mission de veille. Selon le Conseil, «cette politique d’encouragement des dépôts de brevets doit impérativement s’accompagner de la promotion régulière de ceux-ci auprès des industriels», avec la commercialisation de produits et services associés. Une telle politique de promotion de l’innovation devrait également inclure la valorisation des trouvailles consignées dans les carnets de laboratoires, qui pourrait être appréhendée comme un autre type de protection précédant le dépôt de brevet. À noter que, parmi les pistes préconisées par le conseil, figure la mise en place d’un crédit «impôt-recherche» qui inciterait les entreprises à investir davantage dans la R&D et qui serait un instrument de compétitivité pour les entreprises exportatrices.
Les pistes prioritaires pour la consolidation du modèle industriel
Le CESE recommande la mise en place de procédures spécifiques, au sein des grandes entreprises nationales, pour qu’une partie de leurs achats se fasse auprès de startups, mais aussi pour la collaboration avec celles-ci en vue du développement de biens et services innovants. À une autre échelle, le conseil suggère la mise en place d’un fonds public Maroc-Afrique de cofinancement de l’innovation, soutenu par des réseaux privés, «susceptible de se greffer aussi bien aux grands projets qu’aux petits, au plus près des territoires et des acteurs». Enfin, pour s’ouvrir au monde universitaire, une structure de gouvernance mixte devrait voir le jour. Elle devrait se charger du suivi du volet contractuel entre les entreprises et les équipes de recherche affiliées aux universités, et offrir des possibilités de mobilité du personnel facultés-sociétés.
Younes Bennajah / Les Inspirations Éco