Gaz réfrigérants : les professionnels se préparent à l’arrêt des importations
En matière de réchauffement climatique, l’on pointe le plus souvent du doigt les émissions de CO2, parfois celles de méthane. Utilisés comme fluides frigorigènes dans les réfrigérateurs et les climatiseurs, les hydrofluorocarbures (HFC) sont pourtant plus nuisibles que le CO2. Depuis l’adoption en 1987 du protocole de Montréal bannissant les chlorofluorocarbures (CFC) responsables de la destruction de la couche d’ozone, l’utilisation des hydrofluorocarbures (HFC) fait l’objet de régulations. Au Maroc, l’échéance a été fixée à 2025 pour l’arrêt des importations du fréon 22. Comment les acteurs du secteur s’organisent-ils à l’approche de cette échéance ?
Pas de quoi s’alarmer à mesure que s’approche l’échéance d’interdiction des importations du gaz HCFC-R22, ou encore le Chlorodifluorométhane, le gaz frigorifique utilisé pour la climatisation, la réfrigération et la ventilation. Selon la communauté des experts de l’environnement, ce réfrigérant est extrêmement nocif pour le climat. Depuis l’adoption en 1987 du protocole de Montréal bannissant les chlorofluorocarbures (CFC) responsables de la destruction de la couche d’ozone, l’utilisation des hydrofluorocarbures (HFC) fait l’objet de régulations. L’initiative s’est vu renforcée au niveau mondial en octobre 2016, après l’accord de Paris, lorsque les 197 parties du protocole de Montréal se sont réunies à Kigali, au Rwanda, pour éliminer progressivement les HFC, en vue de leur suppression totale à l’horizon 2050. Ratifié par 69 pays (mais pas la Chine), l’amendement est entré en vigueur en janvier 2019. Ayant ratifié cet accord, le Maroc s’est engagé dans un schéma de suppression progressive des importations de ce gaz. En 2013, les professionnels du secteur estimaient à 90% les splits (appareils muraux) installés au Maroc qui contenaient du R-22. En revanche, 99% des machines industrielles équipant les bâtiments, tels que les hôpitaux et les hôtels, fonctionnaient avec le R-410. Qu’en est-il aujourd’hui ? «Normalement, l’arrêt des importations était prévu pour 2020. Mais vu que beaucoup de machines fonctionnent avec ce gaz réfrigérant, l’échéance a été prolongée jusqu’à 2025», explique Moujid Abdelhafid, secrétaire général de l’Association marocaine des professionnels du froid (AMPF).
Selon le dirigeant, l’arrêt des importations de ce fréon ne devrait pas avoir de grande influence sur le marché. «Presque tout le matériel fonctionnant avec le R22 fonctionne avec le R404A, aussi appelé Fréon 404A, un substitut transitoire relativement plus respectueux de l’environnement. Il faudrait tout de même changer l’huile des compresseurs et des détendeurs. Lors du passage au R22, plusieurs industriels ont dû renouveler leur matériel. Mais dans le cas présent, il ne devrait pas avoir une grande influence sur le marché. En plus, le Fréon 404A est moins cher maintenant que le R22, donc tout le monde a intérêt à basculer vers ce produit de substitution.» Le fréon est un gaz réfrigérant largement utilisé entre les années 1930 et 1990. Il fait partie de la famille des hydrochlorofluorocarbones – HCFC en abrégé – et des chlorofluorocarbones – ou CFC. Son nom renvoie à la marque de la société américaine DuPont de Nemours, son fabricant industriel.
Selon le Secrétariat d’État chargé du Commerce extérieur, l’élimination de cette substance se fait progressivement suivant un calendrier préétabli. Au titre de l’année 2020, et selon le schéma de suppression progressive de l’utilisation de cette substance, la quote-part qui a été répartie est de 463,674 tonnes métriques. Ce volume est nettement inférieur à celui de 2018 qui s’est élevé à 549,54 tonnes métriques, soit un écart de 85,86 tonnes. Pour des spécialistes du climat, la transition écologique n’est pas assez rapide et la forte demande de HFC s’explique par l’entretien de l’équipement existant. Parmi les obstacles à l’adoption de technologies de remplacement, figurent le manque de connaissances et des normes de sécurité désuètes. Cette année, 23 opérateurs se sont partagé les importations du gaz frigorifique. Parmi elles, Prestcool et Oxynord ont bénéficié du reliquat du quota non réalisé au titre de l’année 2019, soit 5,87% des volumes d’importation prévus (27,26 TM).
Selon le tableau des quotas à l’import par entreprise publié par le ministère de l’Industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique, la société Froidel, leader de la réfrigération, accapare la part du lion avec 40,75% des volumes d’importations prévus pour 2020 (188,958 TM). Créée en 1980, Froidel s’impose aujourd’hui comme le leader du marché marocain et nord-africain des équipements de réfrigération. L’entreprise, qui dispose d’une unité de fabrication étendue sur plus de 25.000 m² à Casablanca, offre une gamme de produits de plus de 10.000 références. Froidel est suivie par Maghreb Oxygène qui concentre 15,37% des quotas (71,296 TM). Vient ensuite Ventec Maroc avec 6,85% des volumes (31,804 TM). Ventec Maroc est le représentant exclusif de la marque de climatisation Carrier au Maroc. Ne disposant d’aucun industriel producteur de fréon, le Maroc dépend à 100% de l’import. L’essentiel de la production se fait en Chine, Brésil, Inde ou encore au Mexique. Ces pays alimentent tous les autres marchés, même l’Europe. Pareil pour le matériel. Aucun industriel marocain ne fabrique de pièces de rechange ou de compresseur. Les opérateurs du secteur ne font que l’assemblage.
Les États-Unis serrent la vis
Aux États-Unis, la nouvelle production et l’importation de la plupart des HCFC ont été éliminées à partir de cette année. Le HCFC le plus couramment utilisé aujourd’hui est le R-22, un réfrigérant encore présent dans les climatiseurs et équipements de réfrigération existants. Dans ce pays, les substances qui appauvrissent la couche d’ozone (SAO) sont réglementées en tant que substances contrôlées de classe I ou II. Les substances de classe I, comme les chlorofluorocarbures (CFC) et les haloalcanes, qui ont un potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone plus élevé, ont été progressivement éliminées, à quelques exceptions près. Ce qui signifie que personne ne peut produire ou importer ces substances. Les substances de classe II sont toutes des hydrochlorofluorocarbures (HCFC), des substituts transitoires de nombreuses substances de classe I. D’autres réfrigérants de substitution sont disponibles avec un faible potentiel de réchauffement global (GWP), notamment l’ammoniac (R717) populaire dans les premières années de la réfrigération, avec un GWP <1, et qui reste un substitut prisé sur les bateaux de pêche. Parmi les alternatives, les spécialistes listent également les hydrocarbures, comme le propane ou les hydrofluorooléfines (HFO), dont le potentiel de réchauffement global serait faible.
Modeste Kouame / Les Inspirations Éco