Engrais phosphatés : la réaction de l’OCP face au lobbying US
Que représente pour l’opérateur majeur du secteur, la décision du département américain du Commerce d’appliquer des droits compensateurs préliminaires de 23,46% sur les importations d’engrais phosphatés en provenance du Maroc ?
Le département américain du Commerce a pris la décision d’appliquer des droits compensateurs préliminaires de 23,46% sur les importations d’engrais phosphatés en provenance du Maroc. Ceci plombera-t-il les envois nationaux de cette denrée vers le pays de l’Oncle Sam ? Pour répondre à cette question et comprendre la portée de ce dossier, il faut remonter au point de départ de cette affaire. À l’origine, c’est la compagnie US Mosaic, basée en Floride, qui a longtemps tenté de déstabiliser le positionnement du groupe phosphatier marocain sur le sol américain. La firme, qui détient 60% de parts du marché des phosphates aux USA, est allée jusqu’à déposer une pétition, en juin dernier, auprès du département américain du Commerce (DOC) et de la Commission américaine du commerce international (US International Trade Commission, ITC). La doléance de Mosaic cible directement la concurrence russe et marocaine sur le marché américain.
Allégations et détermination
Du côté du groupe OCP, ces allégations sont vigoureusement contestées. Le leader phosphatier opère en totale conformité avec toutes les lois et obligations conventionnelles pertinentes en ce qui concerne les ventes de ses produits sur le marché américain. «Depuis la réception de la pétition, l’OCP a coopéré avec les autorités américaines qui évaluent si cette démarche justifie même une enquête. Le groupe entend contester vigoureusement les allégations erronées qui ont été avancées», indique un communiqué d’OCP diffusé suite à la pétition de Mosaic. Le groupe marocain tient d’ailleurs à réaffirmer son engagement envers les agriculteurs américains, «conformément à sa mission et à ses valeurs fondamentales». À l’arrivée, le département américain n’a pas tenu compte des preuves de bonne foi du géant marocain qui se voit ainsi appliquer une nouvelle taxe, est-il expliqué. Aujourd’hui, le groupe OCP indique avoir «pris connaissance de la décision du département américain du Commerce d’appliquer des droits compensateurs préliminaires de 23,46% sur les importations d’engrais phosphatés en provenance du Maroc, en réponse à une requête infondée de Mosaic. Nous continuons de soutenir qu’il n’existe aucun fondement à l’imposition de droits compensateurs sur les importations d’engrais marocains sur le marché américain».
Ces mesures, ajoute OCP, «portent préjudice aux agriculteurs américains en les privant d’un accès à une source fiable d’engrais de grande qualité, dans un contexte où l’agriculture américaine est déjà aux prises avec une baisse continue de ses revenus au cours des dernières années». Dans la foulée, le groupe rappelle avoir «pleinement coopéré avec les autorités compétentes durant cette première phase et nous continuerons à défendre notre position durant la seconde phase du processus qui devrait s’achever d’ici mars 2021», a ajouté la compagnie. D’ici là, OCP se dit confiant quant au fait «que la suite du processus démontrera l’absence de fondements à l’imposition de droits compensateurs sur les importations marocaines d’engrais.» Profondément engagé à demeurer un partenaire privilégié et innovant des agriculteurs américains, l’OCP demeure confiant d’autant plus que le processus n’est pas encore terminé. Autrement dit, les droits de 23,46% annoncés ne sont appliqués qu’à titre préliminaire et provisoire. «La détermination finale devra attendre mars 2021, pendant que le département américain du Commerce et la Commission américaine du commerce international complèteront leur enquête», affirme une source proche aux Inspirations ÉCO.
Quels impacts sur les exportations mondiales du groupe ?
«La deuxième phase du processus, qui se traduit par une enquête plus approfondie, commence maintenant», nous explique-t-on. Il faut noter que l’application de ce genre de mesures préliminaires est habituelle dans de tels secteurs. Elles interviennent généralement dans le but de protéger provisoirement les producteurs locaux en attendant d’investiguer plus en profondeur, expliquent aux Inspirations ÉCO, des experts du marché. C’est d’ailleurs pourquoi OCP est certain qu’après une enquête complète, le département du Commerce américain et la Commission américaine du commerce international réfuteront l’existence d’un fondement justifiant l’application de telles mesures. Selon nos sources, l’ITC peut toujours déterminer, au cours de cette investigation, que l’application de telles mesures compensatoires contre les importations marocaines est injustifiée, et clore la procédure.
Le cas contraire est-il possible ?
«Nous allons étudier, en concertation avec nos partenaires locaux, l’impact de cette décision sur notre capacité à poursuivre l’approvisionnement du marché américain. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’impact qu’auraient d’éventuels droits définitifs sur la viabilité économique de nos affaires à long terme aux États-Unis», estime pour l’instant le groupe, qui revendique une présence commerciale diversifiée sur pas moins de cinq continents. Le groupe se montre optimiste quant à l’issue de cette enquête qui, «nous pensons, mettra en évidence l’absence de fondements permettant d’imposer de tels droits compensateurs sur les importations en engrais marocains». Le positionnement de l’acteur mondial majeur ne saurait être menacé, même si les engrais phosphatés exportés vers les États-Unis représentent environ 15% de ses exportations totales. La part de marché d’OCP aux États-Unis a varié de 15% à 20% ces dernières années, alors que la demande mondiale sur les nouveaux marchés ne cesse de croître.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco