Maroc

Vaccin anti-Covid au Maroc: ce qui est vrai…et ce qui est faux

Depuis l’annonce de la vaste opération de vaccination contre la Covid-19, beaucoup a été dit sur le vaccin en question, sans le moindre filtre. Pour démêler le vrai du faux, nous sommes allés à la rencontre des principaux acteurs de cette campagne inédite et les avons questionnés sur les principaux sujets animant l’actualité.

Dans le cadre des préparatifs pour la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19, toutes les structures du ministère de la Santé et ses partenaires sont à pied d’œuvre pour mettre en place les mesures nécessaires avant l’intervention des blouses blanches. Outre la mise en place de la logistique adéquate, la préparation pré-opératoire vise aussi à rassurer les 35 millions de Marocains qui devront se faire injecter le vaccin. Une fenêtre délicate et propice à la désinformation. Le gouvernement le sait et s’emploie à tuer dans l’œuf les idées complotistes susceptibles de créer un sentiment de méfiance chez la population. Le chef de l’Exécutif est d’ailleurs récemment monté au créneau pour rappeler que notre pays a opté pour un vaccin sûr et efficace qui garantit la santé et la sécurité des citoyens, un choix dicté par les impératifs de la sécurité et de l’efficacité qui sont des critères fondamentaux en la matière. «Les essais cliniques qui ont été effectués jusqu’à présent ont prouvé la sécurité et l’efficacité du vaccin choisi par le Maroc», a insisté Saad Dine El Otmani mettant en garde contre les mouvements d’opposition à la vaccination contre la Covid-19, qui pullulent sur les réseaux sociaux. Il a par ailleurs appelé les citoyens à faire confiance aux autorités officielles qui fournissent des informations précises par le biais des médias officiels. Seulement voilà, en plus des fake news, le gouvernement doit également faire face aux spécialistes en tout genre qui véhiculent à tour de bras de fausses informations. Et, malheureusement aujourd’hui, ils ne se comptent plus sur les doigts de la main.

On connaît la date du démarrage de l’opération : faux
D’abord sur la date du début de l’opération annoncée par le souverain. Nombre de «sources officieuses», «informées, ou encore «très proches du dossier» ont même été reprises même par des médias. Ces sources avaient annoncé la date du 15 novembre pour le démarrage de la campagne de vaccination. Ladite date est bien passée, et tous les Marocains ont donc pu confirmer que ces informations sont fausses. Plus encore, aucune autre date n’a été officiellement annoncée à ce jour. «Nous sommes au tout début des préparatifs de la campagne de vaccination contre la Covid-19. Pour le moment, nous n’avons aucune visibilité sur la date du démarrage de l’opération», a indiqué à Les Inspirations ÉCO, le Pr Bouchra Meddah, par ailleurs membre du Comité national technique et scientifique, un des organismes les plus alertes au sujet de la campagne.

27 DH la dose : faux
Une autre information douteuse : le prix de l’acquisition du vaccin serait de 27 DH la dose. Là encore, nos sources officielles sont formelles. «C’est de la diffamation», insiste la directrice du Médicament et de la pharmacie au ministère de la Santé, nommée récemment à ce poste. Selon la même source, «l’accès au vaccin sera assuré dans l’esprit de l’équité dans le respect de la régionalisation dans toutes les villes du Maroc». Par ailleurs, le ministère de la Santé a publié jeudi un communiqué pour démentir le prix ayant circulé, confortant la thèse de notre interlocutrice.

10 millions de commandes de dose : pas de confirmation officielle
Qu’en est-il du nombre de doses commandées par le Maroc ? Par ça et là, on parle de quantités de doses allant à plusieurs millions. Certaines sources médiatiques ont par ailleurs assuré que le Maroc aurait passé 10 millions de commandes avec la Chine à travers le géant étatique chinois, Sinopharm et 7 millions de doses auprès d’AstraZeneca, groupe pharmaceutique britannique qui mène des essais en troisième phase. Des informations à prendre avec des pincettes si on en croit la principale responsable de la gestion des médications au Maroc. Si le royaume a passé des commandes pour l’achat de ces deux vaccins précités, lesquels sont en troisième phase d’essais cliniques et est également en pourparlers avec d’autres entreprises dont Pfizer, aucune quantité de doses n’a été officiellement annoncée par les autorités, comme le confirme le Pr Bouchra Meddah.

600 volontaires : vrai
Si beaucoup de fausses informations ont été véhiculées concernant les commandes et la date de démarrage de l’opération de vaccination, il y a peu de fake news en revanche pour ce qui est des essais cliniques. Les rares spécialistes qui abordent ce sujet font partie généralement du cercle très restreint des investigateurs des tests cliniques du vaccin contre la Covid-19 au Maroc. C’est le cas du Pr Kamal Marhoum El Filali qui est le principal investigateur de ces essais à Casablanca. Le chef de service des maladies infectieuses Ibn Rochd Casablanca est donc en mesure de confirmer que jusqu’ici 600 volontaires Marocains participent actuellement à des essais cliniques menés par le royaume dans le cadre de la stratégie de vaccination mise en place par une commission spéciale chapeautée par le ministère de la Santé. Un protocole qui existe dans plusieurs pays, notamment en Chine, aux Émirats arabes unis, en Argentine et au Pérou, etc. Il faut noter que le protocole peut différer selon les critères de chaque pays.

Les résultats des essais cliniques sont connus : pas tout à fait vrai
Le protocole de l’essai qui a été validé par toutes les instances réglementaires du royaume, à savoir le comité d’éthique, la Commission nationale de contrôle de protection des données à caractère personnel (CNDP) et la direction du médicament, étudie l’immunogénicité, c’est-à-dire l’augmentation des anticorps après l’injection des deux doses de vaccin. Pour l’heure, concernant toujours les essais cliniques du vaccin contre le nouveau coronavirus qui durent depuis trois mois, le Maroc en est à la troisième phase. Les résultats obtenus jusqu’ici sont «bons» en dépit de quelques effets indésirables constatés parmi des volontaires.
«Ce sont des effets indésirables mineurs, à savoir des courbatures, quelques fièvres, de petites douleurs ou une rougeur au niveau du siège de l’injection. Ce qui est tout à fait banal», souligne le Pr Kamal Marhoum El Filali, rappelant que les volontaires qui sont suivis de très près sont répartis en deux groupes équivalents. «Un premier groupe reçoit effectivement le vaccin, tandis que l’autre reçoit un placebo», a-t-il expliqué. Pour mener à bien ce travail minutieux, tous les volontaires sont appelés une fois par semaine sur une durée de 6 mois. Au bout d’un an, le rendez–vous sera d’une fois par mois via une ligne téléphonique disponible 24h/24, pour s’assurer de la santé des volontaires. Autrement dit, les résultats ne seront connus qu’au bout de 12 mois. Mais, nuance Pr Kamal Marhoum El Filali, «on n’attendra pas la fin de la phase III pour démarrer les opérations de vaccination». En plus des efforts déployés pour raccourcir le processus de fabrication du vaccin, tous les résultats des essais cliniques sur le vaccin chinois sont accessibles immédiatement à tous les pays participant aux tests. En effet, le Comité national scientifique suit les résultats de tous les essais cliniques auxquels participe le Maroc, en coordination avec l’Organisation mondiale de la santé, qui a porté son choix sur bon nombre de vaccins produits à travers le monde et qui font partie du futur dispositif d’accès mondial pour un vaccin contre la Covid-19, connu sous le nom de COVAX, programme conçu pour garantir un accès équitable aux vaccins anti-coronavirus.

Le pourquoi du vaccin chinois
Sur la question du choix fait par le Maroc de tester le vaccin chinois, Pr Marhoum El Filali estime qu’en dehors du partenariat dans le domaine médical, déjà solide entre les deux pays, la proposition de Sinopharm est mieux adaptée aux réalités du Maroc que ses concurrents. En effet, le vaccin chinois n’a pas besoin d’une température de conservation très basse. Il se conserve entre 2° et 8°. «Un avantage considérable dans un pays comme le Maroc où il y a des réfrigérateurs partout» et cela rend plus aisé la logistique, estime le professeur balayant d’une revers de main l’idée reçue, selon laquelle le Maroc se serait contenté d’un produit made in China. «Il n’en est rien», défend le spécialiste. De toute façon, un vaccin efficace à 60% ou 70% est déjà bon, soutiennent les experts. Tout ce qui compte, au-delà du défi logistique, c’est le rapport bénéfice-risque, ajoute le professeur qui souligne la nécessité de maintenir le cap du respect des mesures barrières, comme l’a rappelé récemment le chef de gouvernement. «La mise à disposition du vaccin et le lancement d’une vaste opération de vaccination ne doivent pas inciter les citoyens au relâchement ou à la négligence, mais doivent au contraire les encourager à poursuivre le respect des mesures préventives édictées par les autorités sanitaires et sécuritaires», insiste-t-il. 

Dr Abdelilah Boutaleb
Secrétaire général du ministère de la Santé

Les avancées réalisées actuellement en matière d’essais cliniques liés au vaccin anti-coronavirus sont réconfortantes et prêtent à l’optimisme. Nous espérons que toutes les phases seront franchies de la même manière, afin d’avoir un vaccin sûr et efficace contre l’épidémie.

Pr Bouchra Meddah
Membre du Comité national technique et scientifique et directrice DMP

Je tiens à souligner l’importance du vaccin. Un moyen de lutte efficace recommandé par l’Organisation mondiale de la santé. Le Maroc a fait énormément d’efforts pour anticiper l’acquisition d’un vaccin contre la Covid-19 en plus de mesures d’hygiène mises en place pour endiguer la pandémie.

Pr Kamal Marhoum El Filali
Secrétaire général du ministère de la Santé

Il faut que les gens se fassent vacciner. Si nous n’atteignons pas un taux de vaccination de 60% à 70% de la population, on risque de laisser encore circuler le virus. En revanche, si on arrive à relever ce défi on pourra espérer un relâchement de certaines contraintes. Néanmoins, les mesures barrières devront encore rester pendant très longtemps.

Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco



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