Plus d’emplois pour les femmes au Maroc, pourquoi c’est important
Par Xavier Reille, Directeur pour la région Maghreb de la Société financière internationale (IFC)
Comme dans d’autres régions du monde, les femmes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient paient un lourd tribut depuis le début de la pandémie de la Covid-19. Très présentes dans les métiers les plus exposés au virus, comme la santé, elles sont en première ligne dans la réponse sanitaire à la crise. Elles subissent également de manière disproportionnée les effets socio-économiques de l’épidémie et ont vu leur charge de travail domestique augmenter, du fait des restrictions imposées pendant le confinement.
Au Maroc, la crise menace d’accentuer les inégalités de genre au sein de l’économie. En effet, peu de Marocaines participent au marché du travail. Selon le Haut-commissariat au Plan, le taux d’activité des femmes était de 21.5% en 2019 – un chiffre en baisse depuis quinze ans –, contre 71% pour les hommes. Celles qui sont en activité ont été particulièrement affectées par les retombées de la pandémie à cause du caractère souvent précaire de leurs emplois. Malgré des avancées notables au niveau constitutionnel et l’affirmation, dans les textes, de l’égalité entre les sexes, le monde du travail au Maroc continue d’être un environnement difficile pour les femmes. Comme dans beaucoup de pays émergents, il manque de services de transport sécurisés, de dispositifs de travail flexibles ou de services de garde d’enfants permettant à celles qui sont mères de concilier vies professionnelle et familiale. Les femmes font aussi face à des ressources limitées et, sans garanties à apporter aux banques, accéder au financement est une gageure. D’autant plus que seules 17% d’entre elles disposent d’un compte bancaire, contre 41% des hommes. Une situation qui peut sans doute expliquer pourquoi si peu de Marocaines se lancent dans l’entrepreneuriat. Mobiliser le potentiel des femmes, à travers des emplois de qualité et l’accès aux capitaux, est pourtant essentiel pour stimuler la croissance économique – et réduire la pauvreté. Les femmes offrent en effet un immense réservoir de talents sous-utilisés, et il a été démontré qu’accroître le nombre de femmes dans les postes de décision a un impact positif sur les performances des entreprises. Pour les banques, les femmes représentent un segment de clientèle mal desservi, mais potentiellement rentable, tandis que l’accès au financement pour les entrepreneures permettrait de libérer le potentiel économique de nombreuses femmes. À l’heure où nos économies traversent une récession historique et auront besoin de tous les talents – et de toutes les créativités – pour retrouver le chemin d’une croissance durable, ce sont autant d’opportunités qu’il faut saisir. À la Société financière internationale (IFC), nous avons la conviction que le secteur privé peut – et doit – être le catalyseur de ces changements. C’est pourquoi nous travaillons main dans la main avec les entreprises, petites et grandes, pour créer des opportunités pour les femmes – comme employées, dirigeantes ou entrepreneures. Nous investissons dans des entreprises qui s’engagent à créer des emplois de qualité pour les femmes et nous les encourageons à faire preuve de diversité dans leurs recrutements, à réduire les écarts de salaires entre les sexes et à mettre en place des services, comme les gardes d’enfants. Du Pakistan au Liban, nous travaillons avec les banques pour faire évoluer les mentalités et mieux répondre aux besoins des PME appartenant à des femmes. À travers notre programme Banking on Women, nous avons ainsi investi plus de 2,2 milliards de dollars, via une centaine de banques et dans 50 pays, dans des PME appartenant ou dirigées par des femmes.
Dans le même esprit, nous lançons au Maroc, en partenariat avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), une plateforme d’apprentissage entre pairs, permettant aux entreprises d’acquérir les connaissances nécessaires pour intégrer la diversité des genres dans leurs priorités et valoriser les talents féminins. Des webinaires seront organisés et mettront en avant des entreprises qui ont réussi à déconstruire les stéréotypes liés au genre et à mettre en place des mesures concrètes pour favoriser le recrutement, la rétention et l’avancement professionnel des femmes, avec un impact positif sur leur performance. Selon le Fonds monétaire international, les pertes économiques causées par l’inégalité entre les sexes vont de 10% du PIB, dans les économies développées, à plus de 30% en Asie du Sud et dans la région MENA. Une preuve de l’importance d’agir avec détermination pour favoriser l’accès des femmes au marché de l’emploi, à des postes de meilleure qualité et à une rémunération égale à celle des hommes. Y parvenir nécessitera un engagement ferme et des actions du secteur privé, des acteurs du développement et des gouvernements de la région. Malgré ses effets dévastateurs, la pandémie peut servir de véritable prise de conscience pour donner aux femmes la place qu’elles méritent dans nos économies et dans nos entreprises. Une reprise durable et inclusive ne se fera, de toute façon, pas sans elles.