Exposition : le fabuleux destin de Mustapha Mezian
La galerie Mine d’Art d’Ilham Laraki Omari accueille le «Voyage Intérieur» de Mustapha Mezian jusqu’au 7 novembre. L’occasion de revenir sur une œuvre à la fois débordante d’humanité et porteuse d’espoir, celle d’un survivant. Récit.
Les couleurs, les tourbillons, la vie… l’œuvre de Mustapha Mezian est un prélude à la renaissance, le récit de l’urgence de vivre. Pour sa première exposition baptisée «Voyage intérieur», chaque tableau a sa propre histoire, mais dans l’histoire il y a un passé commun. Celui d’un accident de voiture qui a changé la vision de l’artiste. «J’ai eu un accident difficile, j’ai été un mois dans le coma. Je suis encore en vie, grâce à Dieu, après un tel choc. Cela m’a permis de voir la vie autrement. La seule façon de m’exprimer, c’était de dessiner ce que j’ai vécu inconsciemment. Consciemment ou inconsciemment parce que c’est un coma. Chaque toile ressemble à l’autre sans lui ressembler, d’un autre côté. Chacune a sa propre valeur», confie Mustapha Mezian qui peint ce qui s’impose à lui. Et tel un coma, cela ne s’explique pas. «Plonger dans les tableaux, en s’imaginant les couleurs. La vie, c’est le blanc et noir. Mais moi, je préfère les couleurs. Tout est mental, tout est psychologique. Les œuvres les plus noires sont toujours gaies au final.»
Âme poétique
Il y a de la poésie dans les œuvres de Mustapha Mezian, un spleen d’ailleurs. Mais il y a surtout les poèmes de Sara Belghiti qui accompagnent chaque tableau comme pour l’emmener dans un imaginaire commun. «Ce que la peinture doit à la poésie, la poésie le doit à la peinture. L’une manie le pinceau, tandis que l’autre le déchiffre ; la poésie lève le voile sur ces mots que la peinture ne saurait ou ne pourrait dire. L’une est lecture des sens et l’autre, éveil des écritures. Dans ce voyage intérieur, tout notre être se transforme : dans notre bonheur ou notre tourment, nous viennent d’abord des images, des couleurs, des formes, des lignes, des courbures, des cercles», précise la poétesse qui s’est dite inspirée par l’œuvre authentique d’un phénix qui renait de ses cendres et qui opte pour les couleurs et les matières pour exister. «Dès le premier regard, les œuvres de Mustapha Mezian suscitent le questionnement. Derrière ces couleurs vives, sous le prisme des ondulations et des formes géométriques, se cache un vécu. La peinture devient alors le reflet d’un propre intérieur.»
En 2002, à l’âge de 18 ans, Mustapha Mezian est victime d’un accident de la route qui le plongera dans un coma. À son réveil, c’est une nouvelle vie qui s’offre à ce miraculé. Il ne se souviendra que de peu de choses de sa vie passée, mais verra naître en lui une passion qui lui était jusqu’alors inconnue: la peinture. En pleine convalescence, elle devient pour Mezian synonyme de thérapie, un moyen de s’exprimer autrement que par la parole. «Lorsque je peins, je suis en transe. La peinture est pour moi une source d’évasion», précise l’artiste. L’année 2005 marque un tournant dans sa vie. «Guidé par son pinceau, ce passionné d’informatique réalise d’emblée, d’une manière totalement spontanée, une œuvre qui marquera le début de sa carrière artistique», explique Selma Naguib, commissaire de l’exposition qui a démarré le 7 octobre dans la galerie Mine d’Art d’Ilham Laraki Omari. Artiste peintre également, la galeriste a décidé de rouvrir son espace, malgré la pandémie, pour continuer à propager l’espoir. Pour elle, ce «Voyage intérieur» était le meilleur des prétextes pour entamer une nouvelle page. «Il y a eu une longue période de confinement, pour le bien de tous. L’artiste ne s’ennuie jamais face à ses toiles. Il sera même plus inspiré. Je suis ravie de rouvrir et d’accompagner cet artiste dans sa première exposition. J’ai été touchée par son histoire. Tout ce qu’il a parcouru pour arriver à cette transition. J’essaie de l’accompagner sur le plan humain et sur le plan artistique.» Le voyage a certes été long, périlleux, mais il a porté ses fruits. Une exposition solaire à découvrir jusqu’au 7 novembre malgré la pandémie et les restrictions sanitaires. Parce que l’art est une nécessité. Pour l’humain. Et l’artiste de conclure : «Peindre était un moyen de m’en sortir. Cela m’a beaucoup aidé pendant le confinement, même si c’était lourd et que la situation est encore difficile. Cela m’a aidé à peindre malgré tout.»
Jihane Bougrine / Les Inspirations Éco