Maroc

La région d’Agadir résistera-t-elle au stress hydrique ?

Alors que les retenues des eaux superficielles se situent à 12,5 % à peine, la région du Souss table sur les eaux souterraines, également affectées, et l’épargne de près de 4 millions de m3 en procédant à une coupure quotidienne durant les six prochains mois, en attendant la pluie… et l’eau dessalée en avril 2021.

La population du Grand Agadir n’a d’autre choix que de scruter le ciel. Contexte hydrique oblige, l’exploitation de l’eau dessalée ne sera effective pour l’Alimentation en eau potable (AEP) du Grand Agadir qu’en avril 2021, à travers la mise en service de la station de dessalement de l’eau de mer à Douira (Chtouka Ait Baha). Et durant les six mois à venir, la restriction de l’eau passera de 10% à 20%, d’où cette coupure programmée par la Régie autonome multiservices d’ (RAMSA) de 22h à 05h30, à partir du samedi 03Agadir octobre. Une décision qui a été prise, au cours de la semaine dernière, à l’issue de la tenue de la Commission de l’eau. Au-delà de la zone d’intervention de la RAMSA, notamment les communes d’Agadir, Inezgane, Ait Melloul, Aourir, Drarga et la station balnéaire de Taghazout, cette coupure quotidienne concernera aussi les zones d’action de l’ONEE-Branche eau. «Elle est programmée jusqu’à nouvel ordre, en attendant l’amélioration des ressources hydriques, notamment en ce qui concerne la pluviométrie et la mise en service du dessalement de l’eau de mer», explique Ahmed Oukkas, directeur général de la RAMSA.

Économiser 24.000 m3
Dans tous les cas, «cette mesure appliquée en temps mort permettra d’économiser, en dehors des heures de pointe, l’équivalent de 24.000 m3, soit 4 millions de m3 de gain. Cette épargne forcée, sous forme de réserve stratégique, permettra de faire face à d’éventuels dysfonctionnements durant cette période», ajoute Ahmed Oukkas. En d’autres termes, sur cinq jours, cette mesure permettra, selon la RAMSA, d’économiser une journée de consommation alors que la satisfaction de la consommation sera faite à hauteur de 80% en termes de demande. Il va sans dire que les réserves d’eau des principaux barrages de la région Souss-Massa ont considérablement diminué pour se situer à 12,5%. Autrement dit, plus de 87% de la capacité est vide. Pour les eaux superficielles, c’est-à-dire des barrages, les ressources reçues n’ont pas dépassé 30 millions de m3 au titre de l’année hydrologique 2019-2020. En comparaison à une année normale, estimée à 476,5 millions m3, le déficit des retenues est de 94%. Résultat : l’ensemble des bassins affiche des déficits chroniques. C’est d’ailleurs le cas du barrage Abdelmoumen sur Oued Issen à Taroudant qui représente le déficit le plus chronique parmi les barrages de la région. Sur 198,4 Mm3 de capacité normale de ce barrage, le taux de remplissage est actuellement d’1,93%. Il est suivi de Moulay Abdellah situé à Tamri, au nord d’Agadir à hauteur de 9,49% et le barrage Youssef Ben Tachfine qui irrigue la plaine de Chtouka. Disposant d’une capacité de 298,9 Mm3, ce barrage est rempli à hauteur de 12,32 %. Le constat de déficit est le même pour le barrage d’Aoulouz dont le taux de remplissage est actuellement à 20%.

Alerte sur les eaux souterraines
«Cette situation est difficile puisqu’elle est marquée par un déficit pluviométrique de 60% par rapport à une année normale, soit 93 mm en 2019-2020 contre une moyenne normale de 230 mm et de 51% en comparaison avec l’année dernière», explique Mohamed Feskaoui, directeur régional de l’Agence du bassin hydraulique Souss-Massa (ABHSM) lors d’une conférence de presse initiée pour sensibiliser la population. Pour faire face à cette situation, la région fait appel à ses eaux souterraines. L’ABHSM ainsi que l’ONEE-Branche Eau ont procédé à la réalisation de 10 forages d’exploitations qui permettent d’injecter un débit supplémentaire d’environ 246 l/s. À noter que selon l’ABHSM, la nappe phréatique est également affectée par cette situation, à tel point que dans certaines zones, elle est déjà épuisée. Interrogé sur cette problématique, le directeur régional de l’ABHSM n’a pas apporté d’éclaircissements chiffrés quant à l’état actuel des eaux souterraines. Selon Mohamed Feskaoui, «depuis février dernier, 8 forages ont été lancés dont les travaux ont été accomplis au niveau de deux forages d’un débit de 190 l/s et cinq d’un débit de 56 l/s, en cours de réalisation de travaux», précise-t-il. Au total, une enveloppe de 30 MDH a été mobilisée pour ces forages, leur équipement et leur adduction. Parallèlement, l’ABHSM a octroyé 1.836 autorisations pour le creusement de puits ou leur approfondissement. Par ailleurs, d’autres mesures ont été adoptées, notamment l’arrêt de la fourniture d’eau d’irrigation dans le périmètre d’Issen à partir du barrage Abdelmoumen, depuis juillet 2017, en plus de l’arrêt de la fourniture d’eau d’irrigation dans le périmètre de Massa et Chtouka à partir du barrage Youssef Ben Tachfine depuis octobre 2019, et la réduction de la dotation allouée au périmètre El Guerdane, Awlouz et Ouzioua, à partir du complexe Moukhtar Soussi, depuis mars 2020. Aussi, les gros consommateurs d’eau ont été identifiés afin de les inciter à limiter leur consommation et 94 points de prélèvement ont fait l’objet de diagnostics. Il s’agit de 24 points à Agadir, 2 points à Aourir en plus de 22 sociétés industrielles, 2 établissements pénitentiaires à Inezgane et 34 établissements hôteliers ainsi que 5 golfs. L’arrosage des espaces verts et des golfs a été interdit à partir des réseaux d’eau potable. À cela s’ajoutent la réutilisation des eaux usées épurées pour les golfs et le renforcement de la capacité de transit des étages Sud vers les étages Nord de la RAMSA, ainsi que le dégagement de nouvelles ressources souterraines, en plus de la réalisation de la conduite d’amenée d’eau brute à partir d’El Guerdane sur un linéaire de 49 km. 

Yassine Saber / Les Inspirations Éco



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