Faut-il craindre l’intelligence artificielle ?
Après une première rencontre organisée au sujet de l’Intelligence artificielle, l’institut CDG revient sur cette question qui divise les opinions. Synonyme de progrès pour certains, elle reste source de craintes pour d’autres.
«Le Maroc a intérêt à surfer sur la vague mondiale du numérique pour ne pas rater le train de la révolution, sans quoi il risque de se faire coloniser.» C’est le constat général qui ressort du webinaire sur le thème de l’intelligence artificielle (IA), organisé mardi dernier par l’institut CDG.
En effet, les différents intervenants présents à cette rencontre ont débattu d’une question essentielle : «Peut-on faire confiance à l’intelligence artificielle ?» Y ont participé Rachid Guerraoui, professeur à l’École polytechnique de Lausanne, Tariq Daouda, PhD research fellow, Massachusetts General Hospital, Broad Institute, Harvard Medical School, Lê Nguyen Hoang, chef de projet e-learning à l’École polytechnique de Lausanne, Karim Baina, professeur à l’ENSIAS, Université Mohammed V de Rabat, Expert en Big data analytics, Yassir Boux responsable technique et pédagogique École 1337 et Ghita Mezzour, professeur associé d’informatique à l’UIR et fondatrice de la startup Data in Seconds. À la question de savoir si l’on devait faire confiance à l’IA, Rachid Guerraoui a déclaré qu’il fallait «surtout craindre les erreurs des algorithmes». «En effet, nous avons beaucoup d’algorithmes autour de nous et ils peuvent faire beaucoup d’erreurs, parce qu’ils sont de plus en plus complexes et contiennent beaucoup plus d’informations collectées à droite et à gauche. Il y a donc énormément de sources d’erreurs qui peuvent parfois conduire à des catastrophes, tels des crashs d’avion», a-t-il ajouté.
De son côté, Lê Nguyen Hoang estime que le principal défi, aujourd’hui, réside plutôt dans le contrôle de ces algorithmes, parce qu’il est quasi impossible de rattraper leurs erreurs. Considérant qu’on ne peut plus s’en passer, Karim Baina est d’avis que l’urgence est de mettre en place un cadre éthique et législatif pour avoir le contrôle sur l’IA. En effet, «l’intelligence artificielle s’est progressivement installée dans la vie de tous les jours sans qu’on ait les moyens d’apprécier la portée de l’utilisation de cette technologie», explique l’institut CDG. Aujourd’hui, la généralisation de l’accès aux machines et le développement de l’économie de l’information ont fini de bouleverser nos quotidiens, poursuit la même source.
L’IA est-elle une menace pour l’emploi ?
Si Rachid Guerraoui pense que «nous sommes encore loin de l’IA qui va dominer les humains», Lê Nguyen Hoang prévoit des bouleversements dans nombre de métiers. L’IA est, en effet, en train de transformer de nombreux secteurs d’activité, rendant certains métiers obsolètes et créant de nouvelles niches. L’institut CDG estime d’ailleurs que «son utilisation pourrait pousser les entreprises à revoir leur mode de management, leur approche en matière de RH et leur relation client, entre autres». Pour sa part, Tariq Daouda pense que le paysage de l’emploi pourrait changer dans la mesure où de nouveaux emplois vont apparaître et d’autres disparaître. Quant à Yassir Boux, il est catégorique : «L’IA n’est pas encore une menace pour l’emploi au Maroc.» Par ailleurs, les intervenants se sont accordés pour dire que développer une IA ne demande pas de grands moyens. Tous y voient d’ailleurs une opportunité à saisir pour le Maroc afin de ne pas rater le train de la révolution dite «numérique». Cependant, toutes ces transformations en cours nécessitent de multiplier les efforts de vulgarisation auprès des consommateurs afin de démystifier l’intelligence artificielle et d’apaiser les craintes qu’elle peut générer, mais aussi de préparer les jeunes aux mutations qu’elle engendrera, notamment en révisant les modèles de formation proposés aux nouvelles générations, conclut-on au niveau de l’institut.
Mariama Ndoye / Les Inspirations Éco