L’interview confinée… du réalisateur Ismaël Ferroukhi
Quel est votre premier souvenir lié au cinéma, enfant ?
Le cinéma italien des Fellini, Visconti… que j’ai découvert à la télévision dans le programme du «cinéma de minuit» grâce à ma mère qui aimait le cinéma sans jamais avoir mis les pieds dans une salle de cinéma…Mais le premier film qui m’a vraiment marqué au cinéma, c’est «America America» d’Elia Kazan.
À quel moment avez-vous décidé de devenir réalisateur ?
J’ai décidé d’être réalisateur quand j’ai écrit mon premier court-métrage «L’exposé». Au départ, je pensais en faire une nouvelle, puis il m’a paru évident d’en faire un court-métrage. Je m’étais rendu compte que mon écriture était très visuelle.
Quel est votre premier souvenir en tant que réalisateur sur un plateau de tournage ?
Mon premier souvenir, c’est de voir les acteurs dans leurs costumes au milieu des décors tels que je les avais imaginés pendant l’écriture… Dès la première scène, j’étais projeté dans mon enfance jusqu’au dernier jour de tournage. C’était magique et fort…
Comment êtes-vous passé de «l’exposé» au «grand voyage» ?
Comment s’est fait le passage du format court au long ?
Étant autodidacte, j’ai d’abord réalisé un autre court-métrage puis un téléfilm pour Arte avant de me lancer dans mon premier long-métrage «le grand voyage» pour lequel j’ai mis plusieurs années avant de trouver les financements.
Le Grand voyage est inspiré du périple de votre père. À quel moment avez-vous décidé d’en faire un film ?
Oui, c’est un voyage qu’avait fait mon père, que Dieu ait son âme, quand j’étais enfant. Son voyage m’avait fait rêver et c’est moi qui lui ai ouvert la porte quand il est revenu avec plusieurs semaines de retard… Je ne l’avais pas reconnu, c’était un autre homme. Il avait l’allure d’un des personnages du livre…J’ai toujours rêvé d’écrire sur son voyage. Quand j’ai voulu traiter le sujet de l’incommunicabilité entre père et fils, j’ai écrit «le grand voyage».
La relation entre le père et le fils à travers un voyage. Deux personnages tellement bien écrits et nuancés. Comment ne pas tomber dans le cliché ?
Je ne pense pas qu’il y a une recette mais en travaillant son scénario et en étant dans le ressenti et la sincérité, on évite pas mal de pièges.
«Les hommes libres» est tiré d’une histoire vraie aussi. Avez-vous besoin d’un ancrage dans le réel pour raconter une histoire ?
Effectivement «Les hommes libres» est tiré d’une histoire vraie et c’est aussi pour ça que j’ai voulu en faire un film. Pour moi, c’était un vrai travail de mémoire. Je pense que quel que soit le projet qu’on écrit, on part toujours d’une émotion réelle ou d’un fait réel. C’est essentiel, c’est ce qui donne de la force et de l’âme à ce que l’on écrit…
À quel point le confinement va inspirer le processus d’écriture du conteur d’histoire que vous êtes ?
J’essaie de rester libre, de suivre mon instinct, de ne pas me faire influencer pas les événements quels qu’ils soient. Depuis le début du confinement, je continue de travailler sur le projet que j’avais commencé à écrire avant le confinement. Pour moi, le cinéma est universel mais je reconnais que cette situation hors du comment m’inspire beaucoup… mais je ne veux pas me précipiter, pour l’instant, je prends des notes.
Qu’est-ce que cette situation exceptionnelle vous apprend sur la vie ?
Cette situation m’apprend tous les jours, j’apprends sur moi-même mais aussi sur les autres. Grace à ce confinement, je mesure encore plus ce qui compte dans ma vie. Je suis beaucoup plus proche de ma famille et de mes amis où qu’ils soient. Je prends conscience que les autres ont besoin de nous et que nous avons besoin des autres, que nous sommes tous liés et que sans les autres, nous ne sommes rien. Je prends aussi le temps de voir des films, de rattraper mon retard…de prendre le temps…