Culture

Confinement: la magie de Terrence Malick en deux films

En confinement, place à la découverte et à la redécouverte des chefs d’œuvre. Et l’œuvre de Terrence Malick vaut le détour. De «La ligne rouge» à «Badlands» en passant par «The New World» et «Les moissons du ciel», le réalisateur emblématique et mystérieux du sacré et du poétique ne cesse de fasciner. Zoom sur la Palme d’or de 2011 et son dernier film : «The Tree of life» et «Hidden Life».

«The tree of life» ou l’incroyable voyage intérieur

À l’image d’Andreï Tarkovski, de Stanley Kubrick, d’Ingmar Bergman ou de David Lynch, Terrence Malick explore la métaphysique, les questions existentielles, l’humain dans sa complexité et son éternelle fragilité. Dans «The Tree of life», l’on parcourt avec beaucoup de grâce et de finesse les questionnements de Jack O’Brien (Sean Penn) qui semble avoir réussi dans la vie (belle maison, beau costume, situation professionnelle des plus satisfaisantes) mais qui remet tout en question. Depuis sa tour d’ivoire, ses traits sont tirés, il n’est pas heureux. Il demande pardon à son père au téléphone et avoue penser à son frère décédé tous les jours. La force du réalisateur et de ce film, c’est de ne jamais trop expliquer ou trop orienter. Le film est un voyage initiatique. Il y a des flash-backs qui se permettent même d’aller jusqu’à l’origine du monde. Il se souvient de l’enfance, de parents aimants mais d’un père autoritaire campé par Brad Pitt et d’une mère un peu dépassée (magnifique Jessica Chastain). Ils ont trois enfants et font de leurs mieux entre les frustrations d’un père qui rêve d’être un musicien mais qui est prisonnier d’un emploi qui ne lui procure aucune satisfaction et d’une mère prisonnière de la condition féminine de l’époque et de son statut de femme. Une œuvre d’une poésie, d’une musicalité et d’une fluidité déconcertante où l’on accompagne Jack dans son voyage dans le passé pour comprendre ses blessures d’enfant. Des blessures qui le poursuivront à vie. Comment vivre avec le deuil, comment surmonter l’autorité et la violence d’un père, quelles traces laissent l’amour inconditionnel parfois étouffant d’une mère ? La Palme d’or de Cannes 2011 est un film à revoir en ces temps de quarantaine pour un voyage intérieur.

«Hidden Life», héros méconnus du passé

Les influences multiples de Malick oscillent entre littérature russe avec Tolstoï et Dostoïevski en passant par la philosophie allemande. Personne ne s’étonne donc lorsqu’il propose un film sur des paysans autrichiens contre le régime nazi dans les années 40. «Hidden Life» a fait le bonheur du Festival de Cannes l’année dernière. Inspiré de faits réels, c’est l’histoire de «Franz Jägerstätter, paysan autrichien, qui refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre». Ce film de 2h54 dont on ne sent aucune lenteur passer, puise sa force dans le jeu précis et intense de ses acteurs. Le couple interprété par August Diehl et Valérie Pachner prend au cœur et aux tripes. Les plans incroyables, la mise en scène sublime, la beauté et l’immensité des paysages, métaphore d’une liberté malgré tout, sont à couper le souffle. Ce film s’appuie sur une correspondance entre le fermier et sa femme où l’on plonge dans l’enfer du bagne, la torture, l’humiliation mais aussi la honte vécue par la famille, pointée du doigt comme les traîtres du régime. D’une violence cachée et toujours subtile, le film est un concentré d’émotions. La technique est impressionnante puisque le réalisateur va toujours chercher la sincérité. D’après une interview accordée à Allo Ciné, Terrence Malick n’avait recours à la lumière artificielle que lorsque cela était nécessaire. «Les granges étaient toujours filmées quand les portes des bâtiments permettaient à la lumière du soleil de filtrer ou quand il y avait au moins un peu de clarté», explique le directeur de la photographie Jörg Widmer. Sebastian T. Krawinkel, chef décorateur ajoute : Terry disait constamment : «le soleil est notre éclairagiste». Le matin, mieux vaut tourner à l’est, l’après-midi à l’ouest, mais jamais au nord». Un film immense.



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