Rapport de la Cour des comptes : poursuivre la réforme fiscale en vue de stimuler l’investissement et de renforcer les ressources de l’État
Par Belahouaoui Rida
Consultant fiscaliste et chercheur
Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, publié le 7 mars 2023, la réforme fiscale s’inscrit dans le cadre de la consolidation des acquis et des orientations consacrés par la Constitution de 2011 et par les Hautes instructions royales.
Cette réforme a fait l’objet de la loi-cadre n°69.19, publiée le 26 juillet 2021, qui précise les orientations, les objectifs, les mécanismes et les modalités de mise en œuvre, en fixant un délai de cinq ans, à compter de sa publication, pour la mise en œuvre progressive des mesures prioritaires. Ainsi, de manière générale, les lois de Finances 2022 et 2023 ont introduit, en matière fiscale, un certain nombre de réaménagements, de mesures correctives et de dispositions à caractère conjoncturel.
En matière d’impôt sur les sociétés (IS), la loi de Finances 2022 a remplacé le barème à taux progressifs par un barème à taux proportionnels et réduit le taux marginal de 28% à 26% pour les sociétés industrielles dont le bénéfice net est inférieur à 100 MDH. Cette loi a ramené, également, le taux de la cotisation minimale de 0,50% à 0,40% au profit des entreprises dont le résultat courant, hors amortissement, est positif.
En outre, elle a institué un régime incitatif en faveur des opérations d’apport des éléments d’actif et de passif des associations de microfinance à une société anonyme. La loi de Finances 2023 (LF 2023) a poursuivi la révision des taux actuels en vue d’atteindre progressivement, dans quatre ans, le taux cible de 20% applicable aux sociétés dont le bénéfice net est inférieur à 100 MDH et celui de 35% pour celles ayant un bénéfice net égal ou supérieur à 100 MDH. Le PLF 2022 prévoit aussi la réduction progressive, sur une période de quatre ans, du taux de la retenue à la source sur les produits des actions, parts sociales et revenus assimilés de 15% à 10% ainsi que la poursuite de la baisse du taux de la cotisation minimale de 0,50% à 0,25%.
À ce propos, la Cour des comptes attire l’attention sur certains risques pouvant émaner de l’augmentation du taux de l’IS cible de 20% à 35% pour les sociétés dont le bénéfice net dépasse le seuil de 100 MDH. Concernant l’impôt sur le revenu (IR), la loi de Finances 2022 a procédé à i) l’amélioration du régime de la contribution professionnelle unique (CPU) et à la simplification des modalités de sa liquidation ii) la prorogation de l’application des mesures d’incitation en faveur des contribuables qui s’identifient pour la première fois et iii) la reconduction de l’exonération des premières embauches des jeunes. Le taux de la cotisation minimale a été également revu à la baisse à l’instar de l’IS. Le PLF 2023 propose le relèvement de certains taux de déduction et engage le rétablissement progressif du principe d’imposition du revenu global.
Dans ce cadre, la Cour attire l’attention sur le fait que la LF 2023 n’a pas prévu de mesures relatives «au réaménagement du barème progressif des taux de l’IR», comme prescrit par la loi-cadre, et ne décline pas, tout au moins, un échéancier d’application sur la période 2023-2026, à l’instar de l’IS, pour donner de la visibilité à cette réforme.
Le travail davantage taxé que le capital
Cependant, le travail reste plus taxé que le capital au Maroc, le taux marginal d’imposition pour l’impôt sur le revenu étant de 38%, alors que le capital (surtout financier) est soumis à 15% seulement et sera même minoré à 10% d’ici 2026 (article 19-IV du CGI, 2023). Un contribuable gagnant 200.000 DH de salaire annuel, sera taxé facialement à 38 % – la tranche marginale de l’impôt sur le revenu auquel sont assujettis les revenus salariaux et assimilés (cette catégorie finance à elle seule plus de 73% des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu). Tandis qu’un actionnaire percevant 200.000 DH de dividendes le sera à 10% d’ici 2026. Avec : 13,75% depuis le 1er janvier 2023 ; 12,50% à compter du 1er janvier 2024 ; 11,25% à compter du 1er janvier 2025 et 10% à compter du 1er janvier 2026 (Sous réserve des dispositions du paragraphe XXXVII-C de l’article 247).
Concernant l’impôt sur les sociétés, il a fait l’objet de changements et de réformes au moins sept fois sur les dix dernières années, en modifiant les barèmes entre proportionnel et progressif ainsi que les taux d’imposition vers des taux unifiés d’ici 2026.
Pour l’impôt sur le revenu, il faut une vraie réforme fiscale globale qui devrait consister à aligner les modalités et les taux d’imposition entre les différentes catégories de revenus. Une attente qui date de plusieurs années, mais rien n’est fait pour y remédier.
Cette réforme fiscale de l’impôt sur le revenu devrait avoir un impact sur la perception de l’équité par les différents types de contribuables soumis à l’IR, et par conséquent sur leur conformité et consentement à l’impôt, tandis que dans le cas contraire, il risque d’y avoir un impact négatif, une prévalence de l’évasion et de l’évitement fiscaux avec une migration vers le secteur informel pour certaines catégories de contribuables.