Provinces du sud : vers un nouveau modèle de développement

Par Nour Mohammed Rida
Président-fondateur du Centre marocain des études africaines et du développement durable Professeur à la Faculté de droit de Fès et à Al Akhawayn University
Depuis la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara par les États-Unis, la France et l’Espagne, les provinces du Sud ont connu une nette accélération des investissements étrangers.
Cette dynamique se traduit par des projets d’envergure dans les domaines de l’énergie, des infrastructures et du numérique, avec une concentration de 45% des investissements dans les énergies renouvelables et 25% dans les infrastructures stratégiques.
Les villes de Dakhla, Laâyoune et Guelmim s’imposent comme des pôles majeurs de développement durable, alignés sur la stratégie nationale de transition verte, d’inclusion régionale et de coopération internationale.
États-Unis : un catalyseur technologique et social
Depuis l’annonce de l’ouverture du consulat américain à Dakhla en décembre 2020, les États-Unis ont renforcé leur engagement économique dans la région. Le projet phare de Soluna Technologies, qui mobilise 2,5 milliards de dollars pour un parc éolien de 900 MW destiné à l’alimentation de data centers blockchain, illustre la volonté américaine de faire du Sahara marocain un hub technologique propre à l’échelle continentale.
En complément, plusieurs accords ont été signés entre le Conseil régional de Dakhla-Oued Eddahab et des groupes américains comme Danforth Investors et SEC Newgate US, pour soutenir les infrastructures durables et les projets sociaux.
De plus, une subvention de 500.000 dollars a été accordée en 2024 afin de stimuler l’économie locale à Laâyoune et Dakhla, ciblant notamment les femmes, les jeunes et les personnes en situation de handicap. Ces initiatives favorisent la cohésion sociale tout en réduisant les facteurs de marginalisation, souvent instrumentalisés à des fins séparatistes. Et alors que les investissements américains ouvrent la voie à un développement technologique et énergétique dans le Sud, la France se concentre sur les infrastructures et la transition énergétique.
France : transition énergétique et interconnexion stratégique
Depuis la reconnaissance officielle par la France de la marocanité du Sahara, en 2024, les relations économiques franco-marocaines ont connu un nouvel élan, marqué par une volonté de compenser la baisse des investissements directs français dans les provinces du Sud, passés de 7,4 milliards de dirhams en 2021 à 3,3 milliards en 2022.
Dans ce cadre, TotalEnergies a signé en 2024 un accord pour produire de l’hydrogène vert à Guelmim-Oued Noun, en s’appuyant sur une capacité combinée d’un gigawatt d’énergie solaire et éolienne, principalement destinée à l’export vers l’Europe.
Par ailleurs, la ligne électrique Dakhla-Casablanca, soutenue par l’AFD et Proparco, incarne cette coopération structurante : elle vise à renforcer l’interconnection énergétique Nord-Sud, facilitant l’intégration industrielle du pays.
Cette dynamique illustre l’engagement renouvelé de la France en faveur du développement durable et de l’intégration économique des provinces du Sud dans une logique de désenclavement, de modernisation et de partenariats internationaux élargis.
Espagne : un partenaire en plein redéploiement
Depuis sa reconnaissance officielle de la marocanité du Sahara en 2022, l’Espagne a intensifié sa presence économique dans la région. Les échanges commerciaux ont atteint un record de 12,8 milliards d’euros en 2024.
Lors du Forum d’investissement de Madrid (avril 2024), de grands groupes espagnols comme Iberdrola, Renfe, ou Repsol ont exploré les opportunités offertes par les projets d’infrastructures logistiques, portuaires et énergétiques dans le Sud marocain.
Des initiatives comme le port Atlantique de Dakhla ou la voie express Tiznit-Dakhla s’inscrivent dans une logique de connectivité régionale et de coopération transfrontalière, consolidant le rôle du Maroc comme passerelle euro-africaine. Comme le montre le graphique, les reconnaissances diplomatiques successives ont eu un impact direct et tangible sur les investissements dans les provinces du Sud.
Vers une reconnaissance géopolitique complémentaire de facto
Ces investissements conjugués, renforcés par des reconnaissances diplomatiques successives, traduisent une reconnaissance de facto mais croissante de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Ils affaiblissent les discours séparatistes en démontrant l’intégration effective et la transformation structurelle du territoire par des partenaires internationaux majeurs.
L’évolution des IDE dans les provinces du Sud illustre une convergence d’intérêts économiques et géopolitiques autour d’un projet commun : faire du Sahara marocain un espace de stabilité, d’innovation et de prospérité partagée. Inscrites dans les dynamiques de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les provinces du Sud jouent un rôle croissant dans la structuration de corridors logistiques transsahariens, bénéfiques à toute l’Afrique de l’Ouest (Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire, etc.).
La transformation en cours dépasse les simples logiques bilatérales. Elle dessine les contours d’un nouveau modèle régional, où le Sahara marocain devient un carrefour stratégique, économique et géopolitique, catalyseur de coopération, d’intégration et de développement durable.