Opinions

L’année 2022 : une croissance morose et une inflation élevée

Par Abdeslam Seddiki
Économiste et ex-ministre de l’Emploi et des affaires sociales

L’année 2022 touche à sa fin. On est à quelques jours d’embrasser la nouvelle année 2023 dont on espère qu’elle sera meilleure que la précédente. Dans tous les cas, 2022 demeurera une année exceptionnelle et pleine de rebondissements dans le bon et le mauvais côté. Certes, il faut attendre quelques mois pour voir les comptes définitivement arrêtés. Mais d’ores et déjà, on a une idée sur les données globales qui demandent à être affinées à l’avenir, à la lumière des résultats définitifs.

Dans tous les cas, les données relatives aux deux derniers mois de l’année ne vont pas chambouler la situation. Bien sûr, il n’est pas dans notre intention de dresser un bilan exhaustif touchant aux différents aspects de la vie. Un tel travail ne peut être que l’œuvre d’un effort collectif qui sera fait le moment opportun par les organismes et institutions dédiés. Ainsi, au niveau macro-économique, en se référant aux dernières données publiées par Bank Al-Maghrib à l’issue de la réunion de son dernier Conseil de l’année, tenue le 20 décembre dernier, l’économie marocaine enregistrerait un taux de croissance de 1,1% après le rebond de près de 8% réalisé en 2021.

Rappelons que la loi de Finances 2022 tablait sur un taux de croissance de 3,2%, ramené à 1,8% par les dernières estimations du ministère de l’Économie et des finances. Un tel résultat, pour le moins décevant, s’explique essentiellement par la contraction de la production agricole qui a enregistré un recul de 15% suite à une sécheresse sévère, et par une croissance modeste (+3,4%) des activités non agricoles. Par ailleurs, fait gravissime, l’inflation a poursuivi son envol pour atteindre 6,6% en 2022 après 1,4% en 2021. Celle-ci est tirée essentiellement par l’accélération de la hausse des prix des produits alimentaires et des carburants et lubrifiants.

Concernant les équilibres extérieurs, les résultats sont mitigés nonobstant les bonnes performances de nos exportations qui ont rebondi de 32,3%, tirées principalement par les ventes de phosphate et dérivés, à la faveur de la hausse des cours, et de celles du secteur de l’automobile qui devraient battre tous les records cette année. En parallèle, les importations augmenteraient de 38,4% en 2022, recouvrant essentiellement un alourdissement de 102% de la facture énergétique (à 153,2 MMDH), un accroissement des achats des demi-produits et un rebond de près de 90% (à 27,2 MMDH) des achats de céréales. Résultat de cette évolution différenciée entre l’import et l’export : un creusement du déficit commercial et une détérioration du taux de couverture.

Dans le même sens, notre balance des paiements dégagerait un déficit de 3,3% du PIB (contre 2,3% en 2021), et ce, en dépit de l’amélioration des transferts des MRE de 20% (à 105,8 MM DH) et des recettes voyage qui ont connu une véritable envolée à 88,8 MMDH (contre à peine 34 MMDH en 2021). Concernant les IDE, les recettes attendues cette année avoisineraient les 3% du PIB, soit, en gros, la moyenne enregistrée au cours des dernières années. Ce qui peut être considéré comme satisfaisant dans un contexte marqué par les incertitudes, le climat de guerre et une remise en cause de la mondialisation.

En revanche, au niveau social, nonobstant l’avancée du projet de généralisation de la protection sociale, la situation demeure préoccupante sous l’effet conjugué d’une série de facteurs : renchérissement sans précédent du coût de la vie, paupérisation de la population, notamment des couches moyennes, ascenseur social en panne, détérioration continue des services publics – et particulièrement de l’éducation-, maintien du chômage à un niveau élevé, surtout chez les jeunes diplômés.

Certes, le gouvernement a essayé d’agir en colmatant les brèches par des mesures qui restent isolées et partielles, comme le soutien aux transporteurs et le renforcement des subventions accordées à la Caisse de compensation. Mais sur le reste, on laisse jouer les lois du marché qui ne font, en définitive, que faire le jeu des couches dominantes. Les instances de régulation, dont la mission principale consiste à corriger les dysfonctionnements, se sont vu reléguées au second rang, et leur avis est rarement pris en considération quand elles ne sont pas réduites au silence, purement et simplement.

Au niveau de notre politique extérieure, il y a lieu de se féliciter des victoires successives engrangées en faveur de notre intégrité territoriale suite à la poursuite d’une diplomatie efficace et productive et à une présence active du Maroc sur la scène mondiale et régionale, en application des Hautes instructions royales. Ainsi, l’étau se resserre de plus en plus sur nos adversaires qui sont, plus que jamais, isolés sur la scène internationale, à tel point que la pseudo RASD relève désormais d’une simple chimère.

Enfin, on voit poindre une lueur d’espoir, après une longue période de morosité économique, suite aux dernières pluies qui se sont abattues sur une bonne partie du territoire. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, cette clémence  du ciel, dont on espère qu’elle se prolongera, a coïncidé avec l’épopée réalisée par notre vaillante équipe nationale de football qui a décroché la quatrième place au Mondial de Qatar se hissant, chemin faisant, de la 22e à la 11e place dans le palmarès mondial du ballon rond. Que cet exploit serve d’exemple et de stimulant à nos dirigeants. Puissent-ils nous préparer une année 2023 qui rompe avec la morosité de l’année qui s’achève. Sur cette note optimiste, je vous souhaite, chères lectrices et chers lecteurs de «Les Inspirations Éco», une BONNE ET HEUREUSE ANNEE.



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