Crises mondiales: opportunités et renouveau

SARS, H1N1, ZIKA, Ebola, SRMO, SARS-CoV-2 (Covid-19) … Crise, guerre, famine, épidémie, pandémie … sont autant de symboliques qui revêtent une signification particulière, palpable et concrète, voire anxiogène pour bon nombre d’êtres humains quelles que soient leur religion, appartenance, classe sociale ou encore nationalité. L’ordre usuel est ébranlé – nos modes de vie, nos manières de travailler et nos façons de coexister – et nous sommes loin de savoir à quoi ressemblera la nouvelle normalité.
Aucun pays du monde n’est à l’abri des crises mondiales d’où la nécessité du déploiement d’une stratégie rationnelle, transformationnelle et inclusive. Les menaces ou crises invisibles mettent à nu un certain nombre de dysfonctionnements et de vulnérabilités, voire de faiblesses à l’échelle sociétale.
Il est donc fondamental de considérer ces enjeux qui ne connaissent pas de frontières comme des périodes de transition, voire de rupture à même de mener les États à se réinventer, à se renouveler en repensant ou adaptant leurs choix, leurs stratégies et leurs gouvernances. Cela passe nécessairement par la mise en place d’une réflexion critique et engagée au fil d’étapes intrinsèquement reliées et nourries par les interactions résultant des processus qu’elles engagent.
Dans ce schéma, les acteurs locaux ont un rôle déterminant à jouer dans le cadre d’un processus de gestion de crises quel qu’en soit la nature. Quant aux organisations, il est fondamental qu’elles fassent preuve de vigilance et qu’elles soient à l’écoute de leur écosystème. La communication exhaustive, transparente et active, intra et inter-organisationnelle demeure ainsi un maillon primordial en temps de crise.
En parallèle à la fonction «communication», plusieurs mesures complémentaires sont à même d’orienter les organisations à traverser les périodes de crise. Il convient donc de s’intéresser aux systèmes organisationnels et aux multiples réflexions en la matière.
Dans ce contexte, l’organisation du travail, en période dégradée, doit idéalement être conçue au préalable à travers un système de management de la qualité englobant un plan complet de continuité d’activité tenant compte des réponses probables des clients, du niveau du risque encouru, de la gestion et de la communication de crise des mesures de contournement élaborées, du déploiement en mode dégradé des fonctions transverses… et de l’implémentation du plan préétabli d’actions.
L’épisode du SARS-CoV-2 en 2019-2020 renseigne particulièrement sur l’ampleur de ces fléaux d’un genre renouvelé qu’il convient de combattre rapidement pour limiter les dégâts structurels et sociaux qu’ils engendrent. En effet, bien que des mesures de santé publique puissent freiner des épidémies, on est de plus en plus face à des virus émergents avec des séquences étroitement apparentées mais pouvant constituer des pandémies sérieuses menaçant la santé des populations à des fréquences élevées. La solution du confinement à domicile des populations est certes une mesure importante, restant le seul moyen sur une période donnée pour garder les virus à taux de reproduction de base non négligeable (R0) sous contrôle.
Cependant, comme dans le cas du SIDA, ce n’est ni la quarantaine, ni le vaccin, ni les modèles mathématiques et les simulations inhérentes qui ont permis de freiner l’évolution du VIH mais principalement le diagnostic, les tests de charge virale et le traitement. Le test de diagnostic demeure justement l’une des mesures les plus importantes que les pays doivent déployer massivement pour aider à comprendre et arrêter la propagation du Covid-19.
Cette stratégie, diagnostic-tests de charge virale-traitement, particulièrement sa composante «test de diagnostic», reste cruciale pour une réponse appropriée à la pandémie et une bonne compréhension de sa propagation.
Mutatis Mutandis, dans un souci d’efficience et d’efficacité, il conviendrait que les laboratoires de recherche dans les universités et centres de recherche, au Maroc et ailleurs, soient fédérés au sein de quelques centres d’excellence spécialisés, dotés de fonds substantiels, à ériger dans le domaine de la santé, notamment en ce qui concerne le diagnostic et la recherche thérapeutique.
Le développement des systèmes de santé est fortement conditionné par la levée d’un certain nombre d’obstacles liés particulièrement à l’accès aux soins, à la généralisation de la couverture médicale, au financement du secteur et à l’amélioration de la productivité du système, notamment par la correction d’un déficit qualitatif et quantitatif en professionnels de santé que l’on rencontre fréquemment dans les pays en voie de développement et en transition, voire également dans les économies développées.
En somme, les voies de la résilience ne peuvent être imaginées sans véritablement repenser les modèles actuels dans toute leur complexité. Les organisations agiles qui se réinventent à mesure que les préférences se modifient, évolueront positivement par rapport à leurs concurrents. Le commerce et les services en ligne se renforceront de manière à remodeler le comportement des consommateurs. L’enseignement se transformera à travers une réflexion profonde sur les apprentissages et la rénovation du travail pédagogique, sur le rôle des enseignants et la transformation de leur métier, mettant notamment au défi d’inventer de nouvelles façons d’apprendre et de repenser la relation aux écrans.
Les systèmes de santé, la recherche clinique, les axes de recherche appliquée seront reconsidérés et l’indépendance sanitaire des États consacrée en vue d’une plus grande autonomie et force de frappe instantanée. Les chaînes de valeur seront probablement plus recentrées et moins globales, entraînant une restructuration a minima des processus critiques de production, des transferts technologiques et des flux financiers avec, en prime, une recherche pointue de l’efficience et une empreinte environnementale plus mesurée.
Par: Salim Bounou, Said El Kazzouli, Othmane Benmoussa et Mounia Slighoua du Centre de recherche Euromed, Université Euromed de Fès.