Opinions

Covid-19. Quelles leçons tirer de ce fléau planétaire ?


Omar Tijani

Professeur à la Faculté polydisciplinaire de Larache

Nous passons par une pandémie, évidemment, avec tous les maux qui l’accompagnent. Or, il est bon de remarquer que durant son séjour «indésirable» dans notre pays, le Covid-19 nous a révélé de précieuses informations sur le plan économique, social, politique et humain. Certaines étaient déjà connues et se sont simplement confirmées, tandis que d’autres ont été de véritables découvertes. En effet, cette expérience est en train de nous dispenser des leçons et des compétences. Les leçons de la crise Tout d’abord, le Maroc entier s’est rendu compte de l’importance du facteur humain dans toute initiative ou programme de l’État. On apprend que l’Homme-citoyen instruit peut être un facteur déterminant dans la réussite des plans du développement de son pays; les ressources sont d’abord et avant tout humaines. En revanche, nous avons pu vérifier, lors des «manifestations contre le Corona !», que le coût de l’ignorance et de l’inconscience est plus élevé que ce que l’on croyait. Jadis, on estimait que les effets dévastateurs de l’ignorance et l’analphabétisme pouvaient aller jusqu’à la criminalité, en passant par le chômage et la pauvreté; maintenant nous voyons qu’ils peuvent mettre en péril une Nation. Par conséquent, nous en arrivons à la vérité à laquelle les pays développés sont parvenus depuis plus d’un siècle : l’enseignement, la santé et la culture sont les véritables et uniques leviers de développement, ce ne sont pas des secteurs sociaux ou improductifs, ils sont tout simplement derrière le capital (humain) avec lequel on va créer ou compromettre l’avenir !

Replacer le capital humain au coeur des priorités
Il est temps de mettre l’Homme au cœur des stratégies, programmes ou actions établis par l’État ou les entreprises. Nous avons pu constater que, in fine, c’est le capital humain du Maroc qui s’est réellement mobilisé -souvent par des initiatives individuelles- pour empêcher le pire à notre pays, en l’occurrence les médecins, les infirmiers, les enseignants, les gardiens de paix, etc. Par ailleurs, il est beau de remarquer que les récentes initiatives royales s’inscrivent réellement dans cette logique, mettant l’Homme au centre des programmes, e.g. la généralisation de l’enseignement préscolaire, le programme Intelaka, la Green Generation et l’attendu Registre sociale unifié. Ensuite, l’épidémie nous a confirmé que tous les secteurs sont interdépendants: santé, sécurité, économie, éducation, médias interagissent pour confirmer que l’environnement est complexe, la transversalité devient la règle et seule l’Homme peut constituer le point de relais entre les champs d’action. Nous en concluons que, désormais, les actions de l’État doivent être multidisciplinaires plutôt que de consister en l’établissement de plans sectoriels avant de chercher des convergences. L’exemple de l’échec (relatif) du programme RAMED est éloquent. En revanche, l’efficacité avec laquelle est en train d’être combattu ce virus au Maroc est en grande partie due à l’approche intégrée et multidisciplinaire d’un problème à caractère sanitaire. Néanmoins, les efforts auraient pu être plus soutenus par une infrastructure de R&D, hélas, quasi-inexistante au Maroc. La recherche scientifique (pas seulement médicale) est une composante transversale qui s’attache à l’ensemble des activités économiques et sociales dans les pays émergents ou développés.

Médias, toujours incontournables
Enfin, les médias traditionnels ne sont pas morts, ils peuvent toujours récupérer leur influence, à condition de mettre plus de contenu intéressant et constructif dans leurs programmes. Ainsi, pour gagner sa bataille contre le coronavirus, l’État a (aussi) eu recours aux chaînes officielles, en l’occurrence la RTM et 2M, longtemps désertées en faveurs des réseaux sociaux, à cause d’une inflation -parfois délibérée- d’un contenu banal et sans objectif. Toutefois, nous avons remarqué que les Marocains ont renoué avec les chaînes TV de leurs pays une fois que le contenu s’est amélioré. Conséquence, des millions de Marocains se tournent vers RTM, 2M et Medi1TV, intéressés par les programmes d’informations, les capsules vidéo explicatives, etc. Informatives, constructives, incitatives et proches des spectateurs, les chaînes traditionnelles peuvent encore contribuer à bâtir le Maroc fort et émergent que nous espérons.

Les compétences acquises grâce à la crise
Le Maroc est en train de faire un pas de géant, exigences de la crise obligent, l’État et les individus ont pu développer des compétences qui vont certainement être mobilisées au profit du pays. La première compétence acquise grâce à la crise du Covid-19 serait l’avancée énorme dans la maîtrise et l’utilisation des NTIC par les Marocains. Ainsi, les administrations, les fonctionnaires, les étudiants, les salariés, etc. sont désormais aptes à utiliser les outils des NTIC, accélérant donc la transition digitale du royaume. Par conséquent, les E-learning, E-gouvernement, E-commerce et Remote Work sont maintenant une réalité alors qu’ils étaient des chantiers en cours juste avant la crise sanitaire. Les exemples sont réjouissants, et annonciateurs d’un Maroc post-crise complètement différent. Par exemple, grâce au confinement, les enseignants sont désormais capables de donner des cours sur des plateformes et en utilisant des logiciels adaptés, les étudiants connaissent les portails académiques, la CNSS peut dématérialiser toute la démarche d’indemnisation, les administrations peuvent délivrer des papiers officiels numériques, les responsables savent tenir des réunions par téléconférence, etc.
La deuxième vertu dont nous a muni cette pandémie serait de nous doter de responsables au niveau de l’administration centrale et régionale rigoureux, plus expérimentés dans le travail en réseau, le travail en situation de tension, la gestion des priorités, la prise de décision, le discernement, la réactivité et la communication, autant de précieuses qualités qui ne sont pas près de se dissiper après la crise. Les responsables publics ont pu montrer leurs plus grands talents et, par conséquent, le meilleur visage de l’État: veillant au grain, soucieux du sort des citoyens, responsable et social, chose qui se manifeste, par exemple, par les décisions du Comité de veille économique, les précisions du directeur de l’épidémiologie, les interventions du ministère de l’Industrie et du commerce pour la régulation de quelques marchés et même les initiatives des maires de certaines villes.
Finalement, le Covid-19 nous a légué une infrastructure sanitaire acquise grâce au fonds de solidarité, des procédures et des routines organisationnelles, une confiance fortifiée entre les citoyens et les instances de l’État, une adhésion au changement (désormais, les Marocains accepteront plus facilement les changements majeurs). Autant de prérequis indispensables au Maroc de demain qui est en train de démontrer que, quand il veut, il peut ! 



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