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Carrières : quel métier pour le comptable de demain ?

Par Allal Alain Difadi
Professeur associé, Institut supérieur d’ingénierie et des affaires

Dans une entreprise, le service de comptabilité comprend souvent un responsable, quelques comptables ainsi que des aides-comptables et des stagiaires. Ce service a pour principales missions d’enregistrer quotidiennement les opérations commerciales et financières effectuées par l’entreprise, d’assurer la fiabilité des informations recueillies, d’appliquer la réglementation comptable en vigueur, d’établir à la fin de l’exercice comptable les états financiers de l’entreprise, de proposer aux dirigeants la mise en place d’outils informatiques afin de faciliter la prise de décision.

Un métier, plusieurs casquettes
Les principales tâches effectuées au sein du service de comptabilité concernent la comptabilité générale, la comptabilité analytique, les travaux d’inventaire, les déclarations fiscales et sociales, la collaboration avec le cabinet d’expertise comptable.

En ce qui concerne la comptabilité générale, il s’agit de passer au journal toutes les écritures comptables relatives aux mouvements de valeur concernant les opérations effectuées par l’entreprise, d’éditer les balances mensuelles afin de contrôler la règle de la partie double et aussi d’éclairer les dirigeants sur la situation et l’évolution de la performance de l’entreprise sur le court terme, de contrôler les règlements des clients et des fournisseurs et d’effectuer les relances nécessaires, d’assurer la comptabilisation correcte des écritures d’immobilisation, de passer les écritures de la paie du personnel à la fin de chaque mois, de déterminer le montant de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due au titre de chaque mois (ou trimestre) et de passer les écritures nécessaires, d’établir l’état de rapprochement bancaire mensuel ou trimestriel et passer les écritures nécessaires, de passer les écritures d’inventaire à la fin de l’exercice comptable pour préparer les états financiers.

En ce qui concerne la comptabilité analytique, il s’agit de définir le paramétrage adapté à l’activité et aux analyses utiles aux dirigeants et aux opérationnels, de contrôler l’utilisation correcte des codifications analytiques lors de la saisie comptable, d’éditer des états d’analyse mettant en évidence les coûts ainsi que les indicateurs et ratios utiles.

Pour ce qui est des travaux d’inventaire, il s’agit d’établir le bilan et le compte de produits et charges (CPC) mais aussi, éventuellement, l’État des soldes de gestion (ESG), le tableau de financement (TF) et l’état des informations complémentaires (ETIC), de calculer le résultat fiscal et l’impôt sur les sociétés (IS) ou l’impôt sur le revenu (IR), d’établir la liasse fiscale. Quant aux déclarations fiscales et sociales, il s’agit des déclarations relatives à la TVA, à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et à l’IS ou à l’IR. Concernant la collaboration avec le cabinet d’expertise comptable, il s’agit de définir avec lui les plannings d’audit des comptes et de justifier les principaux retraitements de clôtures des comptes.

Trouver sa place dans le monde d’aujourd’hui
De nos jours, le métier de comptable est souvent perçu comme une profession ennuyeuse et rigide : on considère le comptable comme un employé confiné dans son bureau, le nez dans une liste interminable de chiffres et très peu communicatif. En fait, il y a quelques années, le métier de comptable se limitait à un domaine purement légal : sa mission consistait principalement à établir le bilan de l’entreprise et à faire les déclarations fiscales et sociales auprès des services publics chargés des impôts et de la sécurité sociale.

Le travail du comptable restait essentiellement fixé sur les évènements du passé et rendait compte principalement des dettes de l’entreprise envers l’État et du résultat réalisé par l’entreprise. Or l’automatisation, la numérisation et la digitalisation se propagent aujourd’hui à grande vitesse dans plusieurs secteurs d’activité et notamment dans celui de la comptabilité.

Ainsi, l’automatisation des traitements et la dématérialisation des documents tels que les factures sont devenues des pratiques courantes. De nouvelles réglementations sur la facturation électronique ont également vu le jour et c’est le cas aussi pour la télédéclaration fiscale et le télépaiement en ligne. Avec les logiciels classiques de comptabilité, le comptable est obligé d’analyser les pièces justificatives (factures, tickets de caisse, chèques, ordres de virement, effets de commerce…) et de passer lui-même les écritures comptables dans les différents journaux auxiliaires (Caisse, banque, clients, fournisseurs, paie, opérations diverses…). Seuls sont automatisés les reports des écritures dans les comptes du Grand livre, l’établissement des balances mensuelles, l’établissement des états financiers ainsi que l’édition de ces documents comptables.

Or grâce aux algorithmes, l’Intelligence artificielle (IA) va bientôt être capable de lire et comprendre chaque mot d’une facture et de passer l’écriture comptable correspondante sans aucune intervention humaine. C’est le cas aussi pour les autres documents tels les tickets de caisse, les relevés bancaires, les redevances… Cependant des contrôles humains devront être effectués et, en cas d’erreurs constatées, des «labelliseurs de données» devront intervenir pour compléter manuellement l’apprentissage de l’algorithme afin de lui permettre de s’améliorer.

Les enjeux du recours. à l’IA
En fait, l’IA ne fait pas tout et surtout ne fait rien toute seule. C’est par touches successives, l’apprentissage continu – Machine learning, que la solution à base d’IA va augmenter ses capacités et apporter les gains attendus par le service comptable. Ainsi, pour répondre aux besoins actuels des entreprises, l’IA devra non seulement traiter de gros volumes de données mais aussi et surtout garantir des niveaux élevés de cohérence, de fiabilité et de qualité. Au préalable cela nécessite de préparer le terrain à l’apprentissage par la machine.

«La qualité est un élément important. Si une information sur une facture n’est pas lisible en raison de la mauvaise qualité du scan, si la présence d’un trombone cache une information ou si les données sont effacées par exemple, les algorithmes s’en trouvent perturbés. Or ils se construisent à partir de ces informations pour permettre la bonne affectation comptable qui est essentielle», dixit Pierre de Chastellier, cofondateur et directeur des Nouvelles technologies de Dhatim Conciliator.

Il paraît aujourd’hui que, dans 95% des cas, l’algorithme a su traiter et réaliser la bonne affectation pour des factures fournisseurs, après un certain temps d’apprentissage. Grâce à l’IA, il sera également possible d’apporter aux entreprises des informations analytiques permettant un pilotage en temps réel de leur activité : suivi de la trésorerie, suivi des créances clients, suivi des dettes fournisseurs, mise à disposition d’indicateurs internes ou sectoriels…

Ainsi, avec les évolutions technologiques actuelles et la digitalisation, le comptable gagnera beaucoup de temps sur certaines tâches répétitives et de faible valeur ajoutée, telles que les écritures comptables, l’édition de documents, le suivi des créances et des dettes, les travaux d’inventaire… et il se consacrera de plus en plus à des missions d’analyse de données et de conseil auprès de la hiérarchie. Le métier du comptable va alors évoluer sensiblement : il devra scruter l’avenir en se basant sur les données du passé et du présent. Il devra prévoir des tendances et imaginer des stratégies et des scénarios afin d’améliorer les performances de l’entreprise. Ainsi, le comptable deviendra un véritable conseiller auprès de la Direction afin de participer plus étroitement à la fonction de contrôle de gestion dans le but de permettre un meilleur pilotage de la performance de l’entreprise.

Par ailleurs, l’IA «trop rationnelle» ne devrait pas remplacer les compétences que possède un comptable humain. Ce professionnel se base sur la maîtrise générale de ses dossiers. Il peut, de ce fait, approfondir, chiffrer, relativiser, faire des simulations, commenter et guider les décisions des dirigeants en fonction de la situation. Le comptable deviendrait alors un professionnel de haut niveau, acteur du changement, véritable conseil du dirigeant, capable de manager des équipes et de créer de la valeur. Conséquence de ces évolutions technologiques, une véritable révolution aura lieu bientôt dans la sphère de l’enseignement de la comptabilité.

Ainsi, comme avec la digitalisation matérialisée dans les tablettes et smartphones avec leurs touches de clavier, il ne sera bientôt plus nécessaire d’enseigner à l’école primaire l’écriture mais seulement la lecture à partir de l’alphabet : les crayons et stylos seront très certainement condamnés à disparaître comme les cartes perforées, les disquettes, les cassettes audios, les lettres postales… Et les allumettes ! Ainsi, les solutions logicielles de comptabilité à base d’IA vont impacter inévitablement, dans les prochaines décennies, l’enseignement de la comptabilité dans les lycées et les universités. Les leçons et les cours ne traiteront plus les différentes écritures et imputations comptables mais se concentreraient beaucoup plus sur l’IA et son amélioration dans les métiers de la comptabilité. La formation des enseignants en sera donc bien évidemment impactée !

 


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