Violences faites aux femmes : une recrudescence alarmante durant le confinement
Un rapport fraîchement publié se penche sur l’évolution des violences faites aux femmes et aux filles durant la période de confinement. Les données du document confirment une hausse des atteintes corporelles, notamment dans le contexte conjugal et familial.
Une vingtaine d’organisations de la société civile (OSC) et de réseaux de centre d’écoute pour femmes victimes de violence ont collecté, avec l’appui d’ONU Femmes, des informations auprès de femmes et de filles pour analyser les réalités vécues par ces dernières durant la période de confinement. Intitulé «Violences faites aux femmes et aux filles en tant de crise : l’expérience du confinement au Maroc», le rapport récemment rendu public est une analyse qualitative des appels reçus par les cellules d’écoute mises en place par 19 organisations de la société civile à travers le Maroc du 20 mars au 30 mai. Il ressort des données partielles collectées par les Nations unies dans le cadre de l’élaboration de ce rapport que, d’une manière générale, dans la plupart des pays touchés par la Covid-19, les services d’assistance téléphonique, les forces de police et autres services de secours ont constaté une nette augmentation des cas de violence domestique.
Dans le cas du Maroc, le rapport rappelle les conclusions de l’étude du Haut-commissariat au plan (HCP), réalisée en 2019 dans le cadre d’une enquête nationale sur la violence faite aux femmes, révélant que 52% des femmes marocaines avaient déclaré avoir été en situation de violence dans le contexte conjugal et familial. Et d’affirmer que les 19 rapports des OSC confirment ce constat du HCP en précisant que le contexte conjugal représente 44% des contextes de violence reportés et que 27% sont des violences exercées par des membres de la famille. Selon le rapport, certaines formes de violences analysées sont une conséquence directe de la proximité physique prolongée, dans le cadre du confinement, des femmes avec l’agresseur. Il s’agit notamment, souligne la même source, de violences physiques, cachant parfois d’autres violences. «En effet, elles s’accompagnent parfois de violences sexuelles, moins rapportées en proportion en raison du caractère intime de ces actes», lit-on dans le rapport.
En outre, poursuit le rapport, dans ce contexte de crise déclenchée par la pandémie du coronavirus, les femmes ont également été exposées à des violences économiques. Il explique que «pour les femmes subissant des violences physiques, psychologiques et/ou sexuelles, la dépendance économique constitue une arme de plus s’ajoutant à l’arsenal de l’agresseur. La menace d’expulsion du domicile sans moyens de subsistance est vécue comme une peur justifiant l’acceptation des violences par les femmes concernées». Par ailleurs, le rapport a mis l’accent sur les dispositifs juridiques et institutionnels qui se sont adaptés aux mesures de l’état d’urgence au Maroc. Il a notamment relevé que les limites aux dispositifs juridiques et procéduraux mis en place, dont le report des jugements de divorce, ont aggravé les violences économiques liées aux pensions alimentaires. Le rapport a également pointé du doigt les difficultés techniques du dispositif de plaintes électroniques, ainsi que la digitalisation des procédures de dépôt de plainte pas assez inclusive à l’égard de la population analphabète.
Cependant, les OSC qui ont élaboré ce rapport d’analyse ont émis un certain nombre de recommandations afin de garantir aux victimes de violences conjugales ou familiales un accès à des services de prise en charge. Parmi ces recommandations, les OSC proposent la mise en place de nouveaux services tels qu’un numéro vert gratuit pour signaler les actes de violence et un service de réception de plaintes et d’assistance à distance via un service de messagerie gratuit. Elles préconisent également d’ajouter, dans les autorisations de déplacement exceptionnel, une mention relative aux déplacements dans les tribunaux ou services liés à la lutte contre la violence, ou encore des dispositifs de signalement d’urgence en coordination avec les forces de l’ordre dans des espaces accessibles et ouverts pendant des circonstances exceptionnelles.
Les OSC invitent également à prendre des mesures qui visent à prévenir les violences par la mise en place de mesures d’éloignement de l’agresseur en cas de violence domestique pendant le confinement, par l’octroi d’autorisations de déplacement exceptionnelles en cas de confinement ou de couvre-feu pour les personnes majeures.
Enfin, les OSC recommandent le renforcement et la mise en œuvre de la politique nationale de lutte contre la violence basée sur le genre ou encore la prise en considération et l’alignement des normes marocaines sur les normes internationales. Rappelons que ce rapport se veut un éclairage du point de vue de 19 centres d’écoute associatifs s’étant mobilisés pour prêter assistance aux victimes en dépit des contraintes et de moyens limités. Les organisations de la société civile de défense des droits des femmes ont fait part de leur volonté, à travers la publication de ce rapport, de mettre l’accent sur la nature cumulative des différentes formes de violence qui se renforcent mutuellement et rendent le foyer un lieu peu sûr pour les femmes en cette période difficile. Elles interpellent également l’ensemble des partenaires concernés sur la responsabilité commune de proposer des services continus de qualité à toutes les femmes, quelle que soit leur situation. La coordination du rapport a été appuyée par ONU Femmes dans le cadre du projet «Prévention, protection et réponse aux violences faites aux femmes et aux filles au Maroc» financé par le gouvernement du Canada.
Mariama Ndoye / Les Inspirations Éco