Maroc

Utilisation massive des pesticides : la société civile tire la sonnette d’alarme

La société civile de la Région Fès-Meknès tire la sonnette d’alarme sur l’impact de l’utilisation massive des pesticides dans l’agriculture. Au Maroc, plus de 1.280 produits phytosanitaires sont homologués. Ils sont à base de différentes substances actives, généralement toxiques. Pour s’aligner sur la réglementation internationale, l’ONSSA a interdit, cette année, l’utilisation de plus de 300 matières actives utilisées par les agriculteurs.  

Au Maroc, l’amélioration de la gouvernance de l’utilisation des pesticides devient de plus en plus nécessaire. Dans ce cadre, l’association Jiber et la Fondation Heinrich Böll ont organisé, en partenariat avec La Chambre d’agriculture régionale Fès-Meknès, la quatrième édition de la Rencontre nationale sur les Ressources naturelles au Maroc «4RN-RS».

Cette édition, qui a mis l’accent sur le thème «L’usage des pesticides dans le domaine agricole au Maroc : état des lieux, enjeux et perspectives», a été une occasion de mettre en avant les risques de l’utilisation non rationnelle des pesticides, ce qui impacte négativement la récolte et les exportations marocaines en produits agricoles.

Notons que la Fondation Heinrich Böll a réalisé plusieurs études sur l’impact des pesticides sur l’agriculture marocaine. «Cette rencontre vient pour diagnostiquer le contexte national, en matière d’utilisation des pesticides, et découvrir les derniers résultats et expériences des bonnes pratiques agricoles qui peuvent contribuer positivement à une agriculture plus saine et durable», précise El Mustapha Toudi, président de l’association Jiber.

Au total, plus de 1.280 produits phytosanitaires sont homologués au Maroc. Ils sont à base de différentes substances actives, généralement des substances toxiques, qui sont capables de tuer les parasites. Pour chaque culture il existe des produits spécifiques. La plus grande gamme est disponible pour les cultures légumières et fruitières, ainsi que les céréales.

Parmi les cultures, celles de la tomate utilise près de 500 différents pesticides. Pour Boutaleb Jouti, enseignant chercheur à l’École nationale de l’agriculture, «il existe près de 90% des pesticides sur le marché marocain des produits chimiques, dont les conditions de la rémanence, la fréquence, le dosage et le délai nécessaire (+15 jours) entre l’utilisation des pesticides et la période de récolte peuvent mener à une intoxication élevée des produits mis sur le marché». L’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) a mis en place un processus d’homologation conséquent pour mieux contrôler l’utilisation de ces produits.

Néanmoins, certains pesticides prohibés dans d’autres pays, y compris en Europe, continuent à être utilisés dans l’agriculture marocaine. Pour s’aligner sur la réglementation internationale, l’ONSSA a interdit, en 2022, l’utilisation de plus de 300 matières actives utilisées par les agriculteurs.

Néanmoins, il existe des matières actives à usage agricole qui sont toujours autorisées au Maroc et interdit dans d’autres pays, notamment européens, dont surtout les substances des pesticides hautement dangereux de la liste de l’ONG internationale Pesticide Action Network (PAN).

Un marché prometteur
Le marché des pesticides au Maroc est très attractif. Pour preuve, toutes les grandes multinationales productrices de pesticides sont présentes sur le territoire national. Le marché des pesticides national représentait, en 2016, un chiffre d’affaires de 2 milliards de dirhams.

Notons que 95% des produits phytosanitaires sont importés et prêts à l’emploi. L’un des problèmes majeurs de la distribution des pesticides reste la contrebande et la contrefaçon. Alors que le marché légal représente 85% des ventes avec 1.700 revendeurs, la contrebande et la contrefaçon représentent 15% des produits vendus.

Quels effets sur l’homme et l’environnement ?

Plus de 98% des insecticides pulvérisés sur les cultures et 95% des herbicides atteignent une destination autre que leur cible d’origine. En effet, les vents peuvent les transporter dans des zones d’habitat ou de pâturage, tandis que le ruissellement peut les conduire vers des milieux aquatiques, ce qui peut avoir un impact nocif sur d’autres espèces et l’environnement de manière globale.

L’utilisation des emballages non adéquats ou des outils de traitement défectueux augmente aussi les risques sur la santé humaine et l’environnement. Les premières victimes de cette méconnaissance sont les agriculteurs eux-mêmes. Le non-respect des consignes d’utilisation des pesticides, dont les vêtements de protection, le port de masques ou autres peuvent en effet entraîner de graves problèmes de santé pour les agriculteurs.

Impact destructeur sur la faune et la flore
Aujourd’hui, plus de 40% des abeilles sauvages sont en voie d’extinction, à cause de l’utilisation massive des insecticides néonicotinoïdes. Ces insecticides appartiennent à la famille des neurotoxiques systémiques ayant la capacité de se diffuser dans toutes les parties de la plante, y compris les fleurs. Les abeilles ont pourtant un rôle crucial, car elle sont considérées comme les plus importants pollinisateurs de la planète.

Elles peuvent polliniser jusqu’à 80% des espèces sauvages, 75% des plantes cultivées et 90% des arbres fruitiers. Les oiseaux sont également en danger. Avant son interdiction, l’insecticide DDT a conduit à l’extinction du faucon pèlerin. L’eau est aussi menacée à cause des dommages de dilution des pesticides. Les concentrations élevées des produits chimiques entraînent une dégradation des écosystèmes aquatiques.

De plus, les nappes phréatiques sont contaminées par l’infiltration liée à l’épandage agricole des pesticides. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé le taux limite tolérable de la concentration du nitrate dans l’eau potable à 50 mg/l. Cette limite est souvent dépassée à cause des activités agricoles conventionnelles.

Où se trouvent les pesticides ?
Les pesticides ou bien les résidus de pesticides se retrouvent dans l’eau, le sol, les fruits et légumes et également dans l’air que nous respirons. L’air est contaminé après pulvérisation au moment de l’application, par volatilisation après traitement des sols et plantes, ou par l’érosion éolienne de la poussière des sols traités. L’épandage des pesticides sur les terrains agricoles infecte non seulement les sols, mais aussi les ressources hydriques.

Ces produits chimiques peuvent être rapidement transportés par l’eau de pluie ou d’irrigation pour contaminer les nappes phréatiques. La substance concernée, son mode d’application et sa concentration sont des facteurs déterminants pour l’ampleur des résidus de pesticides dans l’environnement.

Les alternatives
La protection biologique intégrée peut être considérée comme une alternative efficace au recours massif aux produits chimiques. En effet, la lutte intégrée consiste à prendre en considération toutes les techniques de lutte disponibles contre les organismes nuisibles, en intégrant des mesures propres à enrayer le développement des populations d’organismes nuisibles.

Elle associe les stratégies et les pratiques de gestion (culturale) biologique, chimique et physique propres à chaque espèce pour favoriser la production de fruits et légumes sains et limiter autant que possible l’emploi de pesticides, contribuant ainsi à réduire et à atténuer les risques que les pesticides présentent pour la santé humaine et l’environnement. L’agro-écologie est un autre moyen très efficace pour réduire l’utilisation des pesticides et favoriser l’agro-biodiversité.

Grâce à cette dernière, un écosystème en équilibre peut être mis en place, où le besoin de tous types de traitement est très faible. «Les maladies sont un symptôme et pas une cause ou un problème, il faut toujours chercher la vraie cause d’un déséquilibre. En cas de maladies, en agroécologie, on fait appel à des remèdes naturels à base d’extraits de plantes qui sont très efficaces», précise Jouti.

Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO


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