Travail social : le CESE appelle à une large concertation autour du statut
Un nouvel avis du CESE propose la mise en place d’une instance ad hoc multipartite pour accompagner l’élaboration de la loi-cadre sur le travail social. Le conseil plaide pour «une définition marocaine du travail social».
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté à l’unanimité, l’avis portant sur le projet de loi 45-18, relatif à la réglementation de la profession du travailleur et de la travailleuse sociaux. Pour rappel, ce projet de loi vise à réglementer la profession des travailleuses et travailleurs sociaux dans le secteur privé (salariés et indépendants). C’est la Chambre des conseillers qui avait saisi le conseil en septembre dernier afin d’avoir l’avis de l’instance présidée par Ahmed Réda Chami à propos de la législation projetée. La principale conclusion du conseil réside dans «la difficulté de cadrer le concept «travail social», qui est loin de désigner un champ d’activité unifié et dûment délimité». «Au Maroc, «le social» est largement associé au travail associatif, aux bonnes œuvres, à la charité, au bénévolat et à la solidarité envers les catégories vulnérables de la société», précise le nouvel avis du conseil. Plusieurs points positifs ont été mentionnés, notamment l’obligation d’acquérir des connaissances scientifiques et des compétences suivant un cursus académique et pratique, pour prétendre au titre de «professionnel», ainsi que l’énonciation d’un ensemble de principes et valeurs du travail social en accord avec les droits. Le conseil a également mis en relief la présence de mesures qui cadrent de manière claire l’intérêt supérieur des bénéficiaires, la non–discrimination, le respect de la dignité des personnes, la protection des droits des bénéficiaires, le respect de la confidentialité, la moralité et la probité.
Les recommandations
À l’issue de sa lecture du projet de loi, et au terme d’un large processus d’écoute des acteurs et parties concernés, le CESE a formulé un certain nombre d’observations «susceptibles d’être rectifiées, clarifiées ou améliorées». Ces remarques ont trait aux concepts essentiels liés au travail social, ainsi qu’au statut de la profession des travailleuses et travailleurs sociaux. Le conseil appelle en premier lieu à mieux définir le champ d’activité du travail social, essentiellement les différents métiers du travail social et surtout de «distinguer entre ce qui relève de la responsabilité de l’État et ce qui relève des professionnels généralement représentés par une instance», indique l’argumentaire du CESE. L’apport de la loi-cadre, devra conduire à l’élaboration d’une charte déontologique contraignante, en vue d’assurer le respect des principes et valeurs de la profession des travailleurs sociaux. Parmi les points saillants relevés par le conseil, figurent la nécessité de joindre au projet de loi une étude d’impact, qui comprend principalement une évaluation des implications importantes de la loi, ainsi que les avis et recommandations issus des consultations menées dans le cadre de l’élaboration du projet, «d’autant plus qu’il s’agit de la promulgation d’une législation inédite dans ce domaine», insiste le conseil. D’autres omissions relevées après la lecture commune des dispositions projetées résident dans l’absence de mesures spécifiques concernant les métiers du travail social impliquant des soins et des accompagnements spécialisés et comportant des risques pour les personnes accompagnées.
Pourquoi une loi-cadre ?
Il s’agit de doter le statut projeté des salariés du secteur social d’une orientation qui stimule les compétences vers ce pan important dans l’action sociale des instances et des organismes publics. «Le CESE souligne l’importance d’une loi ambitieuse et orientée vers l’encouragement, la reconnaissance de l’utilité sociale du travail social, le développement des compétences, la protection et le respect des libertés fondamentales des travailleurs sociaux», indique la version finale de l’avis du conseil qui recommande de réglementer le travail social en vertu d’une loi-cadre qui inclurait «une définition marocaine du travail social, en s’appuyant sur la définition internationale du travail social et énoncerait les grands principes du travail social». La loi-cadre préconisée devrait, en outre, prévoir des mesures de protection spécifiques des travailleurs sociaux dans le Code du travail, le Code pénal et le Statut général de la fonction publique, en matière d’indépendance professionnel, de secret professionnel et de protection d’un ensemble de risques d’agressions, de diffamation et de contaminations liés à l’exercice. Il importe aussi d’élaborer un statut particulier des travailleurs sociaux dans la fonction publique, les collectivités territoriales et autres établissements relevant de l’État, selon la feuille de route législative tracée par le CESE, avec la mise en place d’une instance ad hoc multipartite consultative du travail social pour accompagner l’élaboration de la loi-cadre.
Younes Bennajah / Les Inspirations Éco