Maroc

Textile-Habillement : une joie en demi-teinte

Malgré un indice des prix à la production industrielle en légère hausse, le secteur du textile et habillement marocain a non seulement retrouvé son niveau d’avant-crise, en termes d’exportations, mais l’a dépassé, vu qu’il réalise sa meilleure performance des cinq dernières années. 

L’inexistence de l’amont, la dépendance aux importations, la crise de la main-d’œuvre…pèsent encore sur le secteur du textile. C’est sans doute ce qui explique pourquoi les textiliens célébrent en demi-teinte la meilleure performance des cinq dernières années du secteur en termes d’exportations.

D’un autre côté, les prix de production de l’industrie de l’habillement stagnent, alors que ceux de l’industrie de la fabrication de textile grimpent mois après mois ! Selon le HCP, en mars 2022, l’indice des prix de transaction des articles confectionnés par les unités de production textile résidentes au Maroc s’établissait à 110,7.

A fin juin, l’indice des prix à la production industrielle (IPPI) de cette branche d’activité atteint 112,8, soit une hausse de 2%. Si les chiffres sont moins alarmants, la réalité sur le terrain pourrait être plus critique. La hausse de l’IPPIEM dans le secteur s’explique en partie par le fait que l’amont est pratiquement inexistant. En effet, le secteur est fortement dépendant des importations.

«Nous avons un aval reconnu à l’échelle internationale, mais pas d’amont. Imaginez que demain matin le Portugal ou la Turquie interdisent leurs exportations de tissus. Comment allons-nous faire pour les 200.000 employés de la confection ? De tels scénarios nous obligent à sérieusement nous pencher sur la question de l’industrialisation et de l’amont. L’enjeu étant de sauvegarder l’aval qui est fragile. On ne fabrique pas de boutons au Maroc, pas de zip, pas de tissus…», explique Anass El Ansari, président de l’AMITH.

Pour les textiliens marocains, le fait d’être à la merci des fournisseurs étrangers réduit considérablement leur marge de manœuvre. La crise russo-ukrainienne et ses effets est un cas palpable du risque que peut représenter la dépendance «mains et pieds joints» aux importations. Si à cela s’ajoute la crise de la main-d’œuvre, les prix à la production ne peuvent qu’être tirés vers le haut.

«Il y a des gens qui sont prêts à ouvrir des usines et ne trouvent pas de salariés. Par exemple, maintenant à Tanger, pour trouver un ouvrier, il faut payer un intermédiaire. Idem pour Meknès. C’est extrêmement contraignant pour qui veut investir. Il y a un an, on n’avait pas ce problème», ajoute le président de l’AMITH. Concernant cette crise de la main-d’œuvre dans le secteur, Les Inspirations Eco n°3130, du mardi 28 juin 2022, ont remonté son ampleur au niveau de la délégation régionale de l’Amith-Casablanca.

Il faut absolument renforcer la compétitivité de l’amont du secteur
Pour changer la donne, la réduction de la dépendance aux importations textiles va se faire à travers le renforcement du soutien à la souveraineté industrielle du Maroc dans cette branche d’activité et en boostant le label Made in Morocco.

Comme le disait Anass El Ansari, lors de la présentation de la feuille de route 2022-2025 de l’AMITH, pour renforcer la compétitivité de l’amont du secteur, il va falloir «créer les conditions favorables à l’investissement, en améliorant les incitations à l’investissement pour plus de compétitivité, reprendre les formations textile dédiées à l’amont, et soutenir la formation continue et le développement des compétences marocaines dans le secteur». Avec la mutation de la demande mondiale, qui s’oriente vers une production textile plus propre, les textiliens marocains ont une carte à jouer.

De par la proximité avec l’Europe, et donc une empreinte carbone plus faible que l’Asie et le renforcement de la souveraineté industrielle du Maroc dans le secteur, au moyen d’un amont fort, les textiliens devraient avoir la possibilité d’offrir à leurs donneurs d’ordres un produit Made in Morocco intégré qui répond à la fois aux contraintes de durabilité et de traçabilité.

Export : Après la crise, le Maroc est sollicité de partout dans l’habillement

Si la crise du Covid-19 a infligé à l’industrie textile marocaine ce que beaucoup qualifient de la pire crise de son histoire, notamment avec l’arrêt brutal des commandes en mars 2020 et les vagues de confinement qui ont suivies, cette crise n’a pas eu que des conséquences négatives pour les textiliens marocains.
Comme le souligne le président de l’AMITH, l’une des conséquences directes de la rupture de la chaîne d’approvisionnement durant la période Covid-19 a été l’obligation pour les donneurs d’ordres de revoir leur modèle d’approvisionnement pour favoriser le sourcing de proximité, «qui leur apporte à la fois plus de réactivité, des délais de livraison plus courts et une grande flexibilité en termes de quantités commandées (minima de commande), vu la possibilité de réaction rapide, tout en réduisant leurs coûts logistiques». Mais, cette situation leur permet, également, de mieux gérer leurs stocks et éviter ainsi de devoir mettre en place des opérations de promotion sur les invendus.
Ainsi, le Maroc a bénéficié très tôt de cette reconfiguration du sourcing mondial en faveur des circuits courts. En effet, «dès le mois de juillet 2020, les commandes ont recommencé à affluer vers le Maroc et nous avons fini l’année 2020 avec une baisse des exportations de seulement 19%, par rapport à 2019, alors que nous avions accusé une baisse de 70% sur le 1er semestre de 2020 par rapport à celui de 2019.
Depuis, cette tendance haussière s’est confirmée, et les derniers chiffres officiels des quatre premiers mois de 2022 le confirment. Nos exportations affichent une progression de 33% en comparaison avec les quatre premiers mois de 2021. Nous avons non seulement retrouvé notre niveau d’avant-crise, mais l’avons dépassé, vu que c’est notre meilleure performance sur les 5 dernières années», souligne le dirigeant de l’AMITH.

 

Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO


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