Maroc

Textile-habillement : comment le secteur a rebondi après le big-bang de 2005

Les prévisions qui prédisaient l’effondrement des sous-traitants du prêt-à-porter après la fin des quotas d’articles de textile et d’habillement asiatiques dans l’Union européenne, se sont révélées infondées. Le secteur a réussi à s’adapter malgré des ajustements inévitables.

Il y a vingt ans, le 1er janvier 2005, entrait en vigueur l’abolition des accords multifibres, ce dispositif qui instaurait des quotas sur les exportations asiatiques d’articles de textile et d’habillement dans l’Union européenne. À l’époque, les industriels marocains prédisaient la catastrophe à leur secteur. Leurs associations professionnelles redoutaient que «l’invasion» de produits chinois, beaucoup moins chers, ne les balaient sur le marché européen.

Le Maroc risquait de perdre 30% à 40% de sa part de marché, estimaient-ils. Et pour les plus pessimistes, la fin des quotas asiatiques sur le marché européen était susceptible de diviser par deux le chiffre d’affaires à l’export des opérateurs marocains.

Parmi les arguments avancés, nos industriels mettaient en avant la fragilité du modèle économique de l’industrie du textile-habillement du Royaume, fondé sur la vente de la minute de main-d’œuvre directe. Le travail à façon de faible valeur ajoutée, encore dominant aujourd’hui, n’avait, disaient-ils, aucune chance de résister au rouleau compresseur asiatique.

Deux décennies plus tard, non seulement les industriels marocains ne se sont pas effondrés, mais ils ont même consolidé leur position sur les marchés européens, malgré la débâcle de plusieurs marques de prêt-à-porter dont ils ont perdu les commandes.

À l’exportation, l’industrie textile-habillement reste une valeur sûre de l’offre nationale, en dépit de la montée en puissance de l’automobile et de l’aéronautique. Les exportations du secteur, en 2024, se sont élevées à près de 40 milliards de dirhams (MMDH), soit plus du double de ce qu’elles étaient en 2005. Trois marchés – Espagne, France et Allemagne- constituent les plus importants débouchés du Maroc dans l’Union européenne. Cette hiérarchie est la même pour les premiers mois de 2025.

À fin février dernier, l’Espagne, avec 243,14 millions d’euros, était toujours leader, devant la France (96,37 millions) et l’Allemagne (30,05 millions). La production de textiles au Royaume s’est établie à 950.000 tonnes, en hausse de 5% par rapport à 2023. Les principaux produits incluent les vêtements, les tissus et les articles de bonneterie.

«Le Maroc est d’ailleurs reconnu pour sa capacité à produire des textiles de haute qualité à des coûts compétitifs, ce qui en fait un partenaire attractif pour les entreprises internationales», souligne la Chambre de commerce allemande.

Malgré le poids écrasant du travail à façon à faible valeur ajoutée, l’industrie marocaine du textile-habillement a vu émerger quelques filières très dynamiques, notamment la bonneterie qui s’appuie sur une production diversifiée : on citera, entre autres, les bas collants, les chaussettes, les pull-overs, les sous-vêtements masculins et la lingerie féminine.

À côté de cela, il faut par ailleurs relever le développement du textile technique dont le potentiel de croissance est immense. Beaucoup d’industriels se sont adaptés en investissant dans de nouveaux équipements et la formation, de manière à se positionner en co-traitants. Tout en réalisant de la sous-traitance, ils ne se contentaient plus de l’assemblage pour les donneurs d’ordre.

Sur la base d’un cahier des charges et de modèles définis par ces derniers, ils ont réussi à monter sur la chaîne de valeur en se chargeant de l’approvisionnement en tissus. Par contre, le développement d’une base locale en filature et tissage – afin de gagner en réactivité et de renforcer l’attractivité du pays auprès des donneurs d’ordre -, reste un vœu pieux. Même au sein du secteur, beaucoup d’industriels sont d’avis que ce virage stratégique a définitivement été «loupé» !

Le contournement des accords multifibres

Le système des quotas remonte à 1961, lorsque les États riches ont négocié l’ouverture progressive de leurs frontières aux produits textiles des pays pauvres afin de sauvegarder leur industrie menacée par les bas salaires pratiqués dans les pays en développement. Mais s’ils ont limité les exportations des grands producteurs comme la Chine ou l’Inde, les quotas ont aussi garanti l’accès au marché pour les autres puisque les importateurs ont été contraints de se fournir auprès des pays qui disposaient de quotas. C’est ainsi que les pays riches font transformer en Tunisie, à l’Île Maurice ou en République dominicaine des tissus qui sont ensuite exportés vers l’Union européenne ou les États-Unis.

Depuis le 1er janvier 2005, les importateurs n’ont plus à disperser leurs commandes dans de nombreux pays pour ne pas dépasser les quotas d’exportation alloués à chaque pays producteur.

De plus, jusqu’au 31 décembre 2004, les fabricants et importateurs n’hésitaient pas à se « revendre » les quotas entre eux. Il existait ainsi un « marché gris » des quotas. Pour assurer la transition, le Maroc, l’Égypte et la Tunisie avaient réclamé une aide technique de Bruxelles pour faire face aux produits chinois. Ils demandent un minimum de mesures de sauvegarde et une aide de l’UE à la formation dans la filière du textile.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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