Maroc

Système de santé : la réforme s’annonce colossale

Le projet de loi-cadre relatif au système national de santé a été adopté lors du Conseil des ministres tenu mercredi, sous la présidence du Roi Mohammed VI. L’application de son contenu constituerait un tournant pour le secteur et un véritable challenge pour les acteurs concernés.  

Le visage du système national de santé est en passe de changer ! En tout cas, c’est ce qui se dégage des quatre grands piliers de la réforme qui ont été présentés lors du Conseil des ministres, présidé par le Roi Mohammed VI. En effet, le projet de loi-cadre relatif au système national de santé a été adopté et un exposé dans ce sens a été présenté par le ministre de la Santé et de la protection sociale.

Rappelons que ce projet de loi-cadre a été élaboré en exécution des instructions royales pour la révision du système de santé en vue de lui permettre de prendre en charge le chantier de la généralisation de la protection sociale, voulu par le Roi.

La gouvernance, pilier important
Ainsi, cette réforme structurante sera basée sur quatre piliers fondamentaux. Le premier concerne l’adoption d’une bonne gouvernance qui vise le renforcement des mécanismes de régulation de l’action des acteurs et la consolidation de la gouvernance hospitalière ainsi que la planification territoriale de l’offre sanitaire à tous les niveaux. Ainsi, le côté stratégique sera supervisé à travers la création d’une Haute autorité de la santé, d’une Agence des médicaments et des produits de santé et d’une Agence du sang et produits dérivés du sang.

Un niveau central est également prévu, avec la révision des missions, des fonctions et de l’organisation de l’administration centrale. Enfin, un niveau territorial portera sur la création de groupements sanitaires territoriaux, en charge de l’élaboration et de l’exécution du programme national régional et du renforcement des mécanismes de coopération et de partenariat entre les secteurs public et privé.

Le capital humain, un élément primordial
Vient ensuite le pilier de la valorisation des ressources humaines, un axe qui revêt une grande importance pour la croissance du secteur. Il s’agit, notamment, de l’élaboration de la loi sur la fonction publique sanitaire, en vue de motiver le capital humain dans le secteur public, réduire le manque actuel en ressources humaines, réformer le système de formation… Ceci en plus de l’ouverture sur les compétences médicales étrangères et l’encouragement des cadres médicaux marocains résidant à l’étranger à retourner exercer dans leur pays.

Mise à niveau de l’offre sanitaire et digitalisation
Le troisième axe fondamental de cette réforme concerne la mise à niveau de l’offre sanitaire en vue de répondre aux attentes des citoyens en matière de facilitation de l’accès aux services médicaux, d’amélioration de leur qualité et de répartition équitable des services hospitaliers à travers le territoire national.

Ceci passera par la réhabilitation des structures sanitaires primaires, la mise à niveau des hôpitaux, l’instauration de l’obligation de respect du parcours de soins, en plus de la création d’un système d’homologation des établissements de santé. Le quatrième volet de la réforme traite de la digitalisation du système de santé, par la mise en place d’un système informatique intégré pour le regroupement, le traitement et l’exploitation des principales informations ayant trait au système de santé.

Charif Chefchaouni Al Mountassir  
Professeur en médecine, expert en gestion et ancien directeur de CHU

 

«Suite au Conseil des ministres, on parle de quatre piliers pour le système de santé national, avec des aspects déjà annoncés lors de la déclaration gouvernementale, il y a de cela plus d’une année. Ces aspects ont été également communiqués récemment au Parlement. En tout cas, si tout ce qui a été annoncé se concrétise dans les textes de loi, et plus tard dans les décrets d’application, nous serons effectivement à la veille d’un bouleversement du système actuel.

Les quatre aspects ont, en fait, touché tous les déterminants de santé, que ce soit en termes d’offre d’infrastructures ou encore en ressources humaines. Le changement de statut annoncé devrait retenir les médecins de la santé publique et attirer d’autres. Car les rémunérations seront plus intéressantes, ou du moins compétitives avec celles du secteur privé. La réforme touche également à la gouvernance, avec une régionalisation poussée sous l’égide des CHU. Et puis, il y a la réforme générale du financement consécutive à la généralisation de l’AMO. Par ailleurs, et concernant le quatrième pilier de ce texte de loi, il faut savoir que sans digitalisation, il serait impossible de piloter le système de santé.

Donc effectivement, c’est un big bang pour le secteur. Ceci dit, entre l’adoption du texte de loi et son opérationnalisation, il y a un long chemin à parcourir. Car il faudra décider comment la réforme sera pilotée et comment assurer l’accompagnement des professionnels du secteur, vu qu’il y aura de la résistance au changement. Il va falloir que le ministre accompagne cette réforme avec beaucoup de pédagogie et de communication, afin que les acteurs du secteur s’approprient le projet de réforme dans sa globalité.

Saad Taoujni  
Juriste spécialisé en Droit public, de la santé et de la sécurité sociale, enseignant et consultant en management et financement de la santé.

 

«Le problème du système de santé dépasse le simple volet de la couverture médiale. Il réside principalement dans le volet des ressources humaines. Pour moi, c’est la priorité. En effet, il y a une course mondialisée pour capter ce capital humain. Ceci dit, il faut avoir des atouts de qualité de vie, de formation, d’outils de travail et de rémunération pour pouvoir attirer et garder les compétences dans ce domaine.

Un autre point à soulever dans ce sens réside dans la rapidité de mise en œuvre et d’application des lois. En attendant de voir le contenu du projet de loi-cadre sur le système de santé qui vient d’être adopté dans le Conseil des ministres, l’un des quatre piliers présentés concerne le volet RH. Ce point demeure très délicat pour l’avancement du secteur, car la formation des médecins non seulement prend du temps, mais il faut qu’elle soit faite par des experts dont la compétence est avérée.

Ceci dit, si je salue les prouesses du Royaume dans tous les domaines, je constate qu’il reste beaucoup à faire pour le secteur de la santé. Le volet financier, à lui seul, ne suffira pas. Il y a nécessité de mettre en place une approche multiparamétrique. En-tout-cas, je demeure optimiste ! Puisque le ton a été donné par le Roi, les choses vont certainement bouger dans l’avenir, mais ceci demandera certainement du temps».

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO


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