Startups : le Maroc peine à capter les financements
Au Maroc, les jeunes ont bien du mal à attirer des financements à la hauteur de leurs ambitions, selon un récent rapport de Wamda sur la répartition des flux d’investissement dans la région Mena. Avec seulement 20,8 millions de dollars levés en 2024, le Royaume demeure en marge d’un écosystème dominé par les Émirats, l’Arabie saoudite et l’Égypte.
Lancer une startup, c’est souvent se jeter dans l’inconnu, avec pour seule certitude la nécessité de traverser ce que les entrepreneurs appellent la «vallée de la mort», période critique où l’argent injecté au départ s’épuise plus vite que la rentabilité n’arrive. Une réalité pour les porteurs de projets marocains, qui, faute de financements en amorçage et en capital-risque, pousse la plupart d’entre eux à jeter l’éponge.
Loin de la rhétorique sur l’innovation et la transformation numérique, la réalité de l’entrepreneuriat au Maroc se heurte à un obstacle de taille, à savoir le manque cruel d’appui financier. Sans investisseurs disposés à prendre des risques, la majeure partie des startups ne parvient pas dépasser leur première année d’existence. Le dernier rapport sur les investissements dans les startups dans la région Mena, au titre de l’exercice 2024, publiée par wamda, la plateforme web de soutien à la création d’entreprises, confirme cette tendance.
Avec 20,8 millions de dollars levés en 2024, le Maroc ressort en marge d’un écosystème régional où les flux de capitaux se concentrent un peu plus à l’Est, notamment aux Émirats Arabes Unis et en Arabie Saoudite, lesquels captent, respectivement, 1,1 milliard et 700 millions de dollars.
Pour sa part, l’Égypte, qui traverse pourtant une crise économique en raison d’une forte dépréciation de sa monnaie, a engrangé 334 millions de dollars ! Cette faiblesse constatée des financements confirme que le capital-risque, censé soutenir les startups à fort potentiel, demeure embryonnaire.
Les fonds dédiés peinent à lever des ressources significatives, tandis que les banques, historiquement réticentes au risque, se limitent à des financements classiques peu adaptés aux besoins des porteurs de projets. À cela s’ajoute une frilosité des investisseurs privés locaux, souvent réfractaires aux logiques de scale-up et de levées de fonds successives.
Appui de fonds souverains
Le rapport produit par Wamda met en évidence que le Royaume peine à suivre le rythme des économies du Golfe, où les États jouent un rôle clé dans l’orientation des capitaux vers les startups, notamment via des fonds souverains et des programmes incitatifs. Oman, qui n’était qu’un acteur marginal en 2023, est parvenu à attirer 41,5 millions de dollars, soit deux fois plus que le Maroc. Même des marchés considérés comme émergents dans l’écosystème MENA, comme la Jordanie ou Bahreïn, affichent des performances supérieures.
Le contraste est d’autant plus frappant que l’appétit des investisseurs pour les startups n’a pas disparu. Malgré une contraction des montants investis à l’échelle régionale (-42% en 2024), les transactions ont continué à croître (+3,5%), preuve d’un intérêt maintenu pour l’entrepreneuriat technologique.
La répartition sectorielle des financements montre également que les fonds s’orientent de plus en plus vers des domaines stratégiques comme la fintech, qui a capté 30% du total des investissements en zone MENA. Pourtant, au Maroc, les startups de ce segment peinent encore à lever des sommes substantielles, à l’heure où la digitalisation des services financiers y est en plein essor.
Cette asymétrie des investissements souligne l’urgence d’un cadre plus incitatif, d’un financement local structuré et d’un lien renforcé entre startups et grands groupes, encore trop frileux. Sans un sursaut stratégique, le Royaume restera un marché d’opportunités sous-exploitées, à la traîne d’un écosystème Mena qui, lui, passe à la vitesse supérieure.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO