RSE : source d’innovations
La RSE bien comprise, comme un état d’esprit, est une source de créativité. Elle conduit à repenser tant les processus internes, avec les collaborateurs, qu’externes, avec l’environnement social. S’il faut apprendre à les connaître et à ne pas en avoir peur, la démarche démultiplie les sources d’idées et d’innovations compétitives.
«Toute entreprise, qui se respecte et qui doit servir le client, doit avoir une conscience tranquille par rapport à sa RSE en interne et externe», insiste Mourad Benhammacht. Lorsqu’un comité exécutif est convaincu qu’une politique RSE va réellement répondre à des besoins, le budget suit automatiquement. La relation avec les collaborateurs est la relation la plus importante, en matière sociale, rebondit Aïcha Kouraich. Il faut savoir innover dans la relation au capital humain, car c’est lui qui crée la valeur. Lorsque l’on comprend réellement la problématique, on apporte la bonne solution.
À terme, cela paye, que ce soit à travers une confiance des investisseurs, par des fonds apportés par des institutions internationales, ou encore par la fidélité des clients qui continuent à être fidèles, qui nous recommandent et qui nous soutiennent quand on en a besoin.
Face à de nouvelles attentes, note Zineb Bennouna, il faut inventer les solutions à proposer. Implémenter la RSE dans une entreprise permet donc de repenser tous les processus, les produits, les services… Cela pousse à la créativité et offre l’opportunité de s’ouvrir à de nouveaux marchés. De plus, parmi les parties prenantes, il n’y a pas que les consommateurs ou les riverains. Il y a aussi les autorités, les élus, les médias… C’est pourquoi la première démarche à mener pour installer une démarche RSE est de faire une cartographie de ces parties prenantes. Lafarge-Holcim Maroc l’a fait pour chacun de ses sites sur le territoire national. Chacun a ses spécificités.
Le plan d’action est construit à partir du dialogue avec les parties prenantes. Essayer de répondre à ses enjeux sociétaux et environnementaux permet de collaborer avec des ONG, des associations, avec d’autres entreprises, en commun. Il ne faut pas oublier les universités, qui peuvent apporter un savoir scientifique ou de la recherche et développement (R&D). Il apparaît que lorsqu’il y a des enjeux communs la collaboration devient naturelle. L’entreprise découvre une complémentarité, un partage d’expériences, un partage de bonnes pratiques. La responsabilité sociétale est un puissant catalyseur d’innovation, confirme Aïcha Kouraich. Elle distingue trois grands blocs : l’innovation produits, l’innovation process et l’innovation sociale. Les trois là peuvent venir de la RSE.
Les consommateurs du monde veulent des produits durables, éthiques, recyclables et sûrs. L’entreprise peut réduire son empreinte carbone, réduire ses déchets, s’intégrer à une économie circulaire, dans le commerce équitable. Elle peut se soucier de respecter la biodiversité sur les terres qu’elle exploite. Innover dans les process opérationnels, cela peut consister à investir dans des technologies de pointe ou innovantes pour rationaliser sa consommation en ressources non renouvelables, optimiser sa consommation énergétique, intégrer les énergies renouvelables et peut-être réduire les déchets. L’entreprise obtient alors des processus plus efficients et plus respectueux de l’environnement.
Ce qui répond souvent aux requêtes du top management. Cette démarche a permis aux Eaux minérales d’Oulmès d’intégrer un programme des Nations Unies pour l’environnement. Le groupe a ainsi bénéficié d’un fonds de 2 millions de dollars, (20 millions de dirhams), qui lui a permis de digitaliser toute l’efficacité énergétique pour la performance industrielle.
Dans ce programme, l’entreprise marocaine était présente avec le Brésil, l’Inde et la Colombie. Quant à la partie sociale, nous l’avons déjà évoquée (voir P.14). En résumé, il faut penser à ces concepts de manière globale, mais il faut agir localement. Il faut bien comprendre le terrain. La R&D porte donc sur plusieurs aspects de l’organisation et concerne toute la chaîne de valeur. Depuis les attentes de toutes les parties prenantes, jusqu’à la croissance à long terme et une résilience continue.
Radia Cheikh Lahlou rappelle que les clients du cabinet Déclic sont des grandes entreprises. Certaines viennent la voir en lui demandant «ce qu’elle peut leur proposer». Elle ne le sait pas, répond-elle, et propose de poser d’abord la question aux collaborateurs et collaboratrices ce qu’ils en pensent. Il y a des entreprises qui se crispent à l’idée de mettre en place un baromètre de la perception de la RSE. Donner la parole aux équipes est bien souvent la première innovation. Lors d’études – anonymisées – menées, 94% des répondants trouvaient que leur entreprise avait de bons engagements environnementaux. Mais 95% pensaient que leur entreprise devait rehausser ses exigences en termes de RSE. Il y a donc des efforts à identifier, par le dialogue, et à fournir, en déduit Radia Cheikh Lahlou. Elle note aussi qu’en deux ans, la perception de la RSE s’affine chez les collaborateurs, qui ne la confondent plus avec une «activité philanthropique».
La RSE a aussi un impact sur la marque employeur. Beaucoup de dirigeants s’aperçoivent que ce ne sont plus eux qui font passer les entretiens, mais les candidats qui font passer un entretien à l’entreprise. Si elle veut attirer les meilleurs talents, il lui faut une empreinte responsable. La fille de Radia Cheikh Lahlou a 20 ans, et elle refuse catégoriquement l’idée de travailler pour un pollueur, avertit sa mère. La nouvelle génération est une autre partie prenante qui vient exprimer une nouvelle demande, en disant « Assurez-moi des conditions de travail et assurez-moi une éthique dans l’entreprise où je vais pouvoir être fière de passer 8 heures par jour ». Il va falloir répondre à cette demande. Par l’innovation si nécessaire.
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO