Risques climatiques: la Banque mondiale avertit le Maroc
L’institution de Bretton Woods vient de rendre public un rapport sur les risques climatiques encourus par plusieurs pays à travers le monde. Dans le profil pays dressé sur le Maroc, la Banque mondiale révèle que le royaume est très vulnérable à la variabilité et au changement climatiques, qui impactent déjà plusieurs domaines, en particulier l’eau, l’agriculture et la santé. Détails sur les diagnostics.
Le groupe de la Banque mondiale lance l’alerte sur les effets du changement climatique dans le royaume. Dans un rapport publié, récemment, sur les risques climatiques, l’institution de Bretton Woods n’y est pas allée de main morte. Elle y déclare que le Maroc reste très vulnérable à la variabilité et au changement climatiques, qui impactent déjà plusieurs domaines, en particulier l’eau, l’agriculture et la santé ; en plus de la pêche, la forêt, le littoral et l’énergie. Les détails sur les diagnostics opérés sur l’eau, l’agriculture et la santé. Dans le domaine de l’eau, la Banque mondiale commence par relever que les ressources en eau du Maroc sont inégalement réparties à travers le pays ; les plaines côtières sont régulièrement inondées tandis que le sud souffre de pénuries d’eau toute l’année. Les ressources en eau renouvelables par personne ont diminué de près de 60% depuis 1960, en raison de facteurs de stress non-climatiques, tels que la croissance démographique dans le nord, l’expansion de l’irrigation, ainsi que le développement urbain, industriel et touristique. Dans le même temps, la hausse des températures et des précipitations plus irrégulières ont réduit le débit des rivières et augmenté l’évaporation et l’envasement des barrages de stockage, entraînant une réduction de 20% des ressources en eau globales au cours des 30 dernières années. Les réservoirs des barrages Hassan Addakhil et Idriss 1er, deux sources d’eau critiques, devraient diminuer de 7 à 40%, d’ici 2080. Le changement climatique augmentera la demande d’irrigation, qui consomme déjà 90% de l’eau disponible, même si seulement 13% des terres cultivées sont irriguées.
Les eaux souterraines du Souss, du Haouz et de Saïss complètement siphonnées
Un stress hydrique accru conduira inévitablement à une surexploitation des ressources en eau souterraine, et cela se produit déjà dans le Souss, le Haouz et le Saïss. En outre, la côte méditerranéenne du Maroc et le delta de basse altitude de la rivière Moulouya, avec leur importance économique et écologique, sont menacés par l’élévation du niveau de la mer et par l’érosion du rivage et l’intrusion saline qui en découlent. Ce n’est pas tout ! La Banque mondiale s’attend aussi à ce que l’évolution des régimes de précipitations et la disponibilité réduite de l’eau altèrent considérablement certaines régions, qui peuvent passer de semi-arides à arides et dans l’extrême nord du pays de subhumide à semi-aride. En effet, les zones humides, subhumides et semi-arides se réduisent, toutes, depuis les années 1970, et les projections climatiques montrent que ces zones continueront de diminuer et de se déplacer vers le nord. La hausse des températures devrait, à son tour, réduire le débit des cours d’eau et la disponibilité globale de l’eau ; et les pénuries d’eau (en particulier dans le sud) sont probables dès cette année. Et cela aura un impact direct sur l’agriculture.
87% de la production agricole est pluviale
En effet, dans son diagnostic sur l’agriculture, qui reste un secteur clé pour l’économie, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des ruraux du Maroc, la Banque mondiale souligne que 87% de la production agricole du pays est principalement pluviale et donc vulnérable à une variabilité accrue des précipitations (en particulier l’orge et le blé). Dans les années à venir, des conditions plus chaudes et plus sèches risquent d’augmenter les besoins en eau des cultures jusqu’à 12%, accroissant ainsi la demande d’irrigation et stressant encore plus les ressources en eau limitées. La hausse des températures devrait réduire les rendements de 50% à 75% et les précipitations et l’augmentation des conditions d’aridité et de sécheresse entraîneront des saisons de croissance raccourcies, avec des baisses des rendements et de la productivité. En effet, détaille la Banque mondiale, une chaleur accrue augmentera le stress sur les cultures et aura également un impact sur la productivité et la durée de la saison de croissance. Une diminution de la disponibilité de l’eau est susceptible de réduire les rendements et la réduction de l’humidité du sol peut altérer les zones appropriées pour l’agriculture ou la production de cultures spécifiques. Les conditions accrues de chaleur et de pénurie d’eau vont probablement augmenter l’évapotranspiration, qui devrait contribuer aux mauvaises récoltes et à la réduction globale des rendements. Ceci sans oublier que la sécheresse, qui découle de ces hausses de température, favorise également la prolifération de la mouche de Hesse, augmentant davantage le risque d’endommagement du blé et des rendements.
La dengue, le paludisme et la schistosomiase menacent
Bien entendu, tous ces effets, cumulés du changement climatique sur l’eau et l’agriculture, affectent aussi la santé des populations. En effet, la santé de la population du Maroc est vulnérable à la variabilité du climat et aux tendances projetées du changement climatique. L’agriculture est menacée par la diminution des précipitations annuelles, ce qui augmente le risque de mauvaises récoltes, d’insécurité alimentaire et de malnutrition. Le pays est également susceptible de faire face à une incidence accrue de dengue, de paludisme et de schistosomiase. La Banque mondiale s’attend à ce que le changement climatique augmente la température annuelle moyenne ainsi que l’intensité et la fréquence des vagues de chaleur, ce qui entraînera un plus grand nombre de personnes à risque de problèmes médicaux liés à la chaleur. Les personnes âgées, les enfants, les malades chroniques, les groupes professionnels socialement isolés et à risque sont particulièrement vulnérables aux conditions liées à la chaleur. Dans un scénario d’émissions élevées, les décès liés à la chaleur chez les personnes âgées (65 ans et plus) devraient passer à près de 50 décès pour 100.000 d’ici les années 2080 par rapport à la base de référence estimée d’un peu moins de 5 décès par 100.000 par an entre 1961 et 1990.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco