Maroc

Retraites des fonctionnaires. Régime en surtension

De la Cour des Comptes au Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques jusqu’à la Banque mondiale, tous les diagnostics convergent vers le même constat : le régime des pensions civiles géré par la CMR est sur le fil du rasoir car les réserves fondent. Tout immobilisme pourrait le conduire à un crash.

L’intégration de 22 millions de personnes dans l’AMO, l’universalité des allocations familiales, et le dispositif d’aides directes aux ménages les plus pauvres constituent aujourd’hui des piliers de la fondation de «l’État social». Mais un des piliers de cette fondation, à savoir le régime des pensions de retraites des agents civils de l’État, est en train de tanguer.

Pour le gouvernement, il va falloir trancher vite sur le schéma d’une réforme systémique. Décider de ne pas décider ne fera qu’aggraver une situation qui pourrait devenir intenable à moyen terme. Soixante-cinq ans après sa création, le régime des pensions civiles de retraites géré par la Caisse marocaine des Retraites (CMR) est sous pression. Sa pérennité serait remise en cause si l’on en croit les nombreuses alertes émanant de plusieurs organismes et institutions, de la Banque mondiale à la Cour des comptes; en passant par Bank Al-Maghrib ou encore le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques qui a publié un communiqué au ton particulièrement alarmant.

«Les dernières revalorisations salariales prises dans le cadre du dialogue social (ndlr : le 29 avril) permettraient de reporter légèrement les horizons d’épuisement des réserves des régimes CMR-RPC et RCAR, sans toutefois garantir leur viabilité à long terme», souligne l’instance.

La réforme, une équation à plusieurs inconnues

La situation financière est déjà tendue. Pour assurer ses prestations, le régime des pensions civiles géré par la CMR est contraint de puiser dans ses réserves. Durant l’année 2022 (dernières données publiques), le montant des cotisations salariales et des contributions patronales a atteint 29,99 milliards de DH en progression de 17,6%. En contrepartie, les prestations servies ont évolué de 5,4%, pour se situer à 35,12 milliards de dirhams. Le gap de financement de 5,16 milliards de DH est en baisse grâce à un chèque du Trésor de 2 milliards.

Le besoin de financement a été financé par les revenus générés par les placements de la CMR pour un montant de 3,7 milliards de dirhams en plus d’une ponction sur le Fonds de réserves de 1,46 milliard. Selon les projections internes, le déficit technique prévisionnel (l’écart entre les cotisations et les prestations) pour l’année 2023 s’élèverait à 8,36 milliards de dirhams contre 26,2 milliards en l’absence de la réforme. Il n’y a pas mille options : soit il faut repousser la date de départ à la retraite (62 ans pour le personnel civil de l’État), soit augmenter les taux de cotisation.

Cette alerte figure noir sur blanc dans le Rapport d’activité de la CMR. D’ici 2028, c’est-à-dire demain, les déficits cumulés du régime s’aggraveraient pour culminer à 17,52 milliards de DH. Cette année-là, le Fonds de réserve du régime sera épuisé.

Horizon lointain

La réforme paramétrique de 2016, qui a touché à l’âge de départ à la retraite, n’aura été qu’un répit de courte durée. Suite aux aménagements entrés en vigueur le 31 août 2016, l’âge de départ à la retraite a été augmenté graduellement selon la date de naissance.

Ainsi, l’âge de mise à la retraite a été révisé de la manière suivante : 60 ans pour les fonctionnaires nés avant 1957 ; 61 ans pour ceux qui sont nés en 1958 ; 61 ans et 6 mois pour les personnes nées en 1959, 62 ans pour ceux qui sont nés en 1960 ; 62 ans et 6 mois pour les affiliés nés en 1961 et 63 ans pour les agents de l’État nés à partir du 1er janvier 1962. À noter une exception qui concerne les enseignants-chercheurs et les fonctionnaires exerçant les fonctions d’ambassadeurs : ces deux catégories partent à la retraite à 65 ans. La limite d’âge peut être prorogée d’une période maximum de deux ans renouvelables deux fois pour les enseignants-chercheurs, et une seule fois pour les autres fonctionnaires, et ce, par arrêté du Chef du gouvernement et consentement des personnes intéressées.

Depuis le 1er janvier 2018, le montant de la pension mensuelle de retraite ne peut être inférieur à 1.500 dirhams contre 1.000 dans le secteur privé, sous réserve d’avoir accompli la durée de services effectifs valables ou validables égale au moins à dix ans. Cette pension ne doit pas être cumulée avec toute autre pension de retraite concédée par un autre régime de prévoyance sociale. Lorsqu’il y a cumul et que le total des montants des pensions perçues est inférieur à 1.500 dirhams par mois, il est procédé à une augmentation du montant de la pension concédée au titre du régime de pensions civiles pour que la somme de pensions cumulées atteigne 1.500 DH.

Base de calcul : La moyenne des salaires des 96 derniers mois

Le salaire de référence sur la base duquel est calculée la pension de retraite est égal à la moyenne des traitements soumis à retenue pour pension au titre des 96 derniers mois. Toutefois, cette durée est fixée à 24 derniers mois pour les agents rayés des cadres à partir du 1er janvier 2017 ; 48 derniers mois pour les agents sortis à partir du 1er janvier 2018 ; 72 derniers mois pour les fonctionnaires rayés des cadres à partir du 01-01-2019 ; 96 derniers mois pour les agents de l’État rayés des cadres à partir du 1er janvier 2020.


Qui a droit à la retraite anticipée

Le droit à la pension de retraite anticipée est octroyé aux fonctionnaires et agents comptant au moins 24 ans de services effectifs pour les hommes, et 18 ans pour les femmes. La retraite anticipée est obtenue sur autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination, ou en cas de refus, sur autorisation du chef du gouvernement. Et sans autorisation pour les affiliés réunissant 30 années de services effectifs. La commission de réforme présidée par le ministre des Finances ou son représentant se charge de vérifier les dossiers d’inaptitude présentés par l’intéressé à travers son employeur et de constater qu’il est dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Aucune durée de service n’est exigée dans ce cas. Un fonctionnaire révoqué sans suspension des droits à pension peut prétendre à une pension de retraite s’il remplit la condition de la durée minimale de services effectifs, soit 24 ans pour les hommes et 18 ans pour les femmes.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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