Maroc

Retraites des fonctionnaires : la cote d’alerte atteinte !

Le régime des pensions du personnel civil de l’Etat est au bord d’un grave «accident». Pour assurer les prestations, il a fallu puiser 6,3 milliards DH dans le fonds de réserves en 2023. À ce déficit technique désormais chronique, s’ajoute l’effondrement du rapport démographique : pour un retraité du régime, il y a moins de deux actifs cotisants, 1,14 précisément. Pendant ce temps, la mise en œuvre de la réforme se perd dans des discussions interminables.

«La situation est préoccupante mais sous contrôle», lancent souvent les médecins des services de soins intensifs dans les hôpitaux, afin de rassurer les familles des patients. Transposée à la situation actuelle des pensions civiles de retraite du personnel de l’État, cette formule signifie que le tableau clinique est très inquiétant et que le pronostic vital est engagé. Les indicateurs-clés du régime des retraites des fonctionnaires se dégradent d’année en année.

Le statu quo sur la réforme pourrait déboucher, à moyen terme, sur une situation intenable. La situation financière du régime civil de la Caisse marocaine des retraites (CMR) est déjà plus que tendue. Pour assurer ses prestations, la CMR est contrainte de puiser dans le fonds de réserve.

En 2023 (dernières données publiques), le montant des cotisations salariales et des contributions patronales, fixé à 28,86 milliards de dirhams, en baisse de 3,8%, ne permettait pas de couvrir les prestations. Une année plus tôt, il a fallu une contribution exceptionnelle de 2 milliards de dirhams de l’État pour atténuer le déficit technique du régime, qui se serait établi à 8,3 milliards de dirhams sans cette perfusion du Trésor.

Un rapport démographique en zone rouge
Pendant ce temps, les prestations ont augmenté de 5,78%, atteignant 37,15 milliards de dirhams. Il a donc fallu puiser 6,3 milliards de dirhams dans le fonds de réserve pour pouvoir honorer les pensions. Plus inquiétant encore, le rapport démographique — établi à 1,14 — atteint un seuil critique : pour un fonctionnaire à la retraite, il y a moins de deux actifs cotisants. À titre de comparaison, ce ratio est de 6,2 actifs pour un retraité dans le régime de la CNSS.

Cette dégradation met en évidence l’urgence d’une réforme du régime des pensions civiles, appelé à accueillir 65.213 nouveaux entrants d’ici 2028, soit 13% de l’effectif de la fonction publique civile (source : ministère des Finances).

En moyenne, un fonctionnaire retraité a perçu 8.374 dirhams nets par mois en 2023, soit près de quatre fois plus que la pension moyenne versée à un salarié du secteur privé affilié à la CNSS. Les fonctionnaires partis à la retraite en 2023 perçoivent, quant à eux, 10.966 dirhams par mois. La structure démographique des actifs du régime civil est dominée par les plus de 50 ans, ce qui laisse présager des départs massifs à la retraite dans les années à venir, accentuant la pression financière sur le système.

Du côté des retraités, la pyramide des âges montre une forte concentration dans la tranche 60-70 ans, avec un âge moyen de 68,88 ans (67,4 ans pour les femmes, 69,6 ans pour les hommes).

Des options limitées face au déséquilibre
Selon les projections officielles, le déficit technique — c’est-à-dire l’écart entre les cotisations et les prestations — atteindrait 8,36 milliards de dirhams pour l’année 2023, et 26,2 milliards en l’absence de réforme. Les marges de manœuvre sont étroites : il s’agit soit de modifier les paramètres du régime en repoussant l’âge légal de départ à la retraite (actuellement fixé à 62 ans pour le personnel civil de l’État), soit d’augmenter les taux de cotisation.

Cette alerte est régulièrement relayée par divers organismes, de la Banque mondiale à la Cour des comptes, en passant par Bank Al-Maghrib et le Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques.

Ce dernier a d’ailleurs publié un communiqué au ton particulièrement alarmant : «Les dernières revalorisations salariales prises dans le cadre du dialogue social (ndlr : 29 avril 2024) permettraient de reporter légèrement les horizons d’épuisement des réserves des régimes CMR-RPC et RCAR, sans toutefois garantir leur viabilité à long terme».

62,5 milliards en réserves, mais…

Le Fonds de réserves du régime des pensions civil de la Caisse marocaine des retraites (CMR) a enregistré en 2023 un gap de financement de 7 milliards de dirhams contre 5,16 milliards l’année précédente. Cette évolution tient, entre autres, à la non récurrence de l’avance de 2 milliards DH accordée par l’Etat en 2022.

Au rythme où s’effectuent les ponctions pour combler les déficits techniques, ce fonds de réserves pourrait s’épuiser à moyen terme, certains experts avancent même l’échéance de 2032. La valeur d’acquisition du Fonds enregistre une baisse de 4,5% pour s’établir à 62,5 milliards de dirhams à fin décembre 2023 comparé à 65,5 milliards en 2022.

En termes de structure, le Fonds de réserves de la CMR est alloué à hauteur de 57% sur les actifs obligataires et 23,7% pour les actions cotées et les titres d’OPCC. Les actifs immobiliers représentent 19,3% du fonds, investis majoritairement dans des OPCI portant des actifs de l’Etat à travers les montages des «financements innovants».

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO



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