Maroc

Relance économique : le privé appelé à mettre la main à la pâte

Les espoirs de la reprise de l’économie marocaine reposent, en partie, sur les épaules du secteur privé. Lors d’une conférence organisée jeudi dernier par la CGEM, le ministre des Finances a décliné les priorités de l’action publique et les instruments à mettre en place pour la relance de la croissance. Il n’a pas omis de souligner l’exemplarité de l’État, l’optimisation du fonctionnement du secteur public et la prise en charge de la question sociale.

Aucune relance n’est à espérer pour l’économie marocaine, si le secteur privé n’assume pas ses responsabilités. C’est en substance le message qui a été adressé par le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun, au patronat lors d’une conférence organisée jeudi dernier par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). La rencontre était sur le thème «le Projet de loi de Finances 2021 face à l’impératif de la relance». C’était également l’occasion pour la Confédération d’adresser ses doléances au ministre concernant le Projet de loi de Finances 2021, surtout que la quasi-totalité de ses recommandations n’ont pas été retenues. Les doléances des entreprises ont concerné surtout les questions de la contribution sociale de solidarité (CSS), les droits de douane, la TVA et les arriérés de cette taxe ainsi que les délais de paiement.

Dans ce registre, le ministre a démonté les arguments sur les délais de paiements, surtout quand on sait les réalisations faites par le public en ce sens et que les délais inter-entreprises sont les plus longs. Voulant profiter de la dynamique de l’État dans le paiement des arriérés dus, certaines entreprises ont commencé à émettre des factures fictives. Loin d’être une exception, cette pratique frauduleuse a atteint une telle proportion qu’elle a poussé le ministre à taper du poing sur la table.

« Des factures émises par des sociétés qui n’ont aucune activité commencent à se balader dans les comptes d’autres sociétés. Des milliers d’entreprises s’adonnent à cette pratique, qui autorisent d’autres à récupérer la TVA, ce qui représente des milliards de dirhams », avertit Mohamed Benchaâboun, qui a répété à plusieurs reprises avoir apporté avec lui des exemplaires de ces fameuses factures fictives. «C’est bien d’appeler à respecter les engagements, mais pour aller vers l’exemplarité de l’État, il faut que les choses se fassent dans les deux directions», ajoute-t-il sans détour en saluant, au passage, les structures irréprochables opérant dans la légalité. Pour le ministre, la loi de Finances se devait de concilier une triple nécessité : allouer davantage de ressources au profit du social et entamer la mise en œuvre des orientations royales en matière de généralisation de la protection sociale sur les cinq années à venir. Les quatre domaines d’intervention sont l’AMO, la retraite, les allocations familiales et l’IPE. L’enjeu étant de préserver le vivre ensemble et veiller à ce que notre pays demeure un espace de stabilité. La contribution pour la solidarité devrait ainsi rapporter près de 5 MMDH.

Dans ce contexte peu favorable aux recrutements, une place particulière devait être accordée aux jeunes et à leur intégration au niveau du marché de l’emploi. Le PLF-2021 a prévu une mesure pour encourager les embauches, en CDI, des jeunes actifs pour leur premier emploi. Elle consiste en l’exonération de l’IR pendant trois ans. «L’État doit soutenir l’économie pour maintenir des activités et sauvegarder les emplois. Il doit aussi mettre en place les mécanismes qui permettront de relancer la machine économique. Les opérateurs économiques doivent en parallèle continuer à y croire, investir et créer de la valeur et des emplois. Sinon les efforts consentis par l’État seront sans effet», soutient le ministre, pour qui ce n’est pas le moment de faire la fine bouche. Sans implication du privé, aucune chance de voir repartir la machine. La volonté doit être au rendez-vous. Sans une mobilisation réelle en faveur de l’investissement, tous les efforts resteront des vœux pieux. Le ministre souligne que la sphère publique connaîtra, dès 2021, l’amorce d’une dynamique de réformes et de restructurations au profit d’une meilleure contribution à la croissance.

Pour ce faire, le gouvernement compte préserver un niveau d’investissement public élevé, soit 235 MMDH, ce qui représente un chiffre record. Cette enveloppe se décompose sous forme de 185 MMDH des investissements publics (y compris les EEP et les collectivités locales). 45 MMDH seront mobilisés dans le cadre du Fonds Mohammed VI pour l’investissement. L’investissement public programmé permettra le lancement de grands travaux aux retombées positives pour l’ensemble des acteurs et le partenariat public-privé y trouvera toute sa place. Dans ce contexte de rareté des ressources, chaque dirham compte et devra être dépensé de manière judicieuse et efficiente. D’où la nécessité d’agir en toute responsabilité. L’endettement de l’État devrait être manié avec sagesse pour répondre aux besoins de l’économie et de la société, sans pour autant hypothéquer l’avenir de nos enfants et des générations futures. Sur les deux exercices budgétaires 2020 et 2021, nos finances publiques devront connaître un déficit additionnel de 7 points de PIB (en tenant compte des ressources mobilisées au titre de la solidarité). Ce surplus de déficit, qui génère un endettement additionnel de plus de 70 MMDH, est le prix à payer par notre pays pour initier des politiques visant le soutien de l’activité économique et l’apport d’un revenu minimum aux couches défavorisées, ainsi que des indemnités pour ceux qui ont perdu leur emploi. L’un des objectifs que se fixe l’Etat est de contenir le déficit budgétaire à un niveau inférieur à celui de 2020, soit 6,5% du PIB, alors qu’il est prévu un recul des recettes de 30 MMDH et des besoins additionnels en matière de dépenses de 30 MMDH. Pour Benchaâboun, ces mesures et cette politique budgétaire, qui a agi aussi bien sur l’offre que sur la demande, ne peuvent être qualifiées de «politique d’austérité». Il s’agit plutôt d’une politique budgétaire volontariste à caractère expansionniste. Cette politique était nécessaire et a été élaborée et mise en œuvre sans hésitation.

Évolution de l’Économie
L’économie marocaine enregistre une atténuation de la contre-performance des activités non agricoles, à l’exception de certains secteurs qui continuent à enregistrer des évolutions négatives, notamment le tourisme et les activités connexes avec un repli des recettes de voyages de 62,5%. Certains secteurs sont toujours à l’arrêt depuis le début de la pandémie. C’est le cas notamment des activités de l’événementiel. Parmi les notes positives, le ministre souligne le bon comportement du secteur minier, la poursuite de l’évolution favorable de l’activité portuaire, ou encore l’atténuation de l’évolution négative des ventes de ciment. La demande de l’énergie électrique a évolué à un rythme moyen de +0,8% à partir du 1er juillet, après des baisses significatives de 15% durant la période du confinement général, ce qui traduit une reprise progressive de l’activité économique. S’y ajoutent l’allègement du déficit commercial de 22,5% à fin septembre, le redressement des recettes des MRE (+3,8%) à fin octobre, et l’amélioration continue des avoirs officiels de réserve à fin septembre, se situant à 306,4 milliards de dirhams (MMDH), soit l’équivalent de 7 mois et 16 jours d’importations de biens et services. La politique monétaire a joué, à côté de la politique budgétaire, un rôle important à travers la baisse du taux directeur et l’assouplissement des conditions d’accès au refinancement de la banque centrale qui a atteint des volumes importants (supérieur à 100 MMDH) permettant aux banques de disposer de la liquidité nécessaire pour le financement des besoins des opérateurs économiques. Les mécanismes de garantie mis en place par l’État ont également joué un rôle important et ont permis à près de 80.000 entreprises d’accéder au financement bancaire à des conditions favorables (Oxygène Relance). Résultat : hausse des crédits bancaires, en glissement annuel, de +5,2% à fin octobre et de +7% pour les entreprises. Concernant les fausses notes, le ministre a souligné un ralentissement de l’investissement, révélé par le recul persistant des importations en biens d’équipement de 20%. Une perte nette de 581.000 postes d’emploi par rapport à la même période de l’année précédente.

Fonds Mohammed VI pour l’investissement
Le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, qui sera doté de 15 MMDH à partir du Budget de l’État, aura la personnalité morale à travers sa transformation en société d’État, stratégique, structurée autour de filiales thématiques, qui chacune interviendra sur un segment spécifique, avec des mécanismes appropriés à son périmètre. Pour démultiplier la capacité d’intervention du Fonds et son impact sur l’économie, le Maroc va lever 30 MMDH de capitaux additionnels auprès des investisseurs institutionnels publics ou privés, des institutions multilatérales, ou encore des dons de pays amis. La gestion des fonds thématiques va être confiée à des sociétés de gestion spécialisées qui interviendront en vertu d’un cahier des charges rigoureux. Le recours à ce mode de gestion permettra de capitaliser sur l’expertise de ces sociétés et d’assurer une montée en charge rapide. En attendant la mise en place de ces structures, le Fonds Mohammed VI pour l’investissement, interviendra, dans un cadre conventionné avec le système financier, avant la fin de l’année. Cette intervention consistera, notamment, à faciliter l’accès au financement des investissements à travers le renforcement des fonds propres des entreprises qui en ont besoin et ce, moyennant des prêts participatifs sous forme de dette subordonnée par exemple. 

Modeste Kouame / Les Inspirations Éco


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