Maroc

Réforme de la Moudawana. Divorce, tutelle légale, moutâa… De nouvelles voies à explorer

Les résultats du chantier de la réforme de la Moudawana sont attendus avec impatience. Le gouvernement a engagé une course contre la montre, avec un délai de six mois pour en façonner le changement. Divorce, tutelle légale, Moutaa… autant de défis qui ne facilitent pas la mission de l’Exécutif. Une réflexion collective esquisse de nouvelles voies, à travers l’ouvrage «Libertés fondamentales au Maroc : propositions de réformes», édité aux éditions  Le Fennec».

Le mardi 26 septembre 2023, le Roi Mohammed VI a donné le coup d’envoi à la réforme de la Moudawana, accordant un délai de six mois au gouvernement pour mener des concertations nationales et boucler la nouvelle mouture du Code de la famille. C’est dans ce cadre que les auteurs de «Libertés fondamentales au Maroc : propositions de réformes» ont jugé opportun d’entamer une réflexion approfondie afin de tirer le meilleur parti des avancées de la Moudawana. Objectif : apporter leur pierre à l’édifice de la réforme afin de remodeler et renforcer l’arsenal juridique dans ce domaine. Il convient de noter que ce collectif d’experts, constitué depuis le printemps 2022, regroupe huit citoyens et citoyennes de profils complémentaires. Il s’agit de Asma Lamrabet, Yasmina Baddou, Khadija El Amrani, Monique Elgrichi, Driss Benhima, Jalil Benabbès-Taarji, Chafik Chraïbi, et Mohamed Gaïzi.

Révision de l’indemnité pour occupation du domicile lors d’un divorce
L’indemnité pour occupation du domicile est prévue dans tous les jugements de divorce. Cependant, des complications surgissent lorsque les époux détiennent conjointement la propriété du foyer conjugal. Face à cette complexité, les membres du comité suggèrent que, lors d’un divorce, et particulièrement lorsque les parties sont copropriétaires d’un bien à parts égales qui constitue le foyer conjugal, des ajustements soient apportés.

À cet effet, dès que le divorce est prononcé, la partie qui continue d’occuper le bien serait tenue de verser une indemnité pour logement à l’autre partie, proportionnellement à sa part, sans nécessité de formalités supplémentaires. Cette proposition vise à garantir une répartition équitable des avantages et des charges liés à la possession du domicile conjugal, offrant ainsi une solution équilibrée pour les conjoints dans cette situation délicate.

Pour une égalité parentale
Le système actuel de tutelle légale, qui attribue systématiquement cette responsabilité au père, engendre des difficultés administratives considérables pour les mères qui ont la garde des enfants. Ces problèmes touchent divers aspects de la vie des enfants, tels que leur scolarité et les déplacements en dehors du territoire marocain. Les articles 229 à 231 de la Moudawana définissent clairement les personnes habilitées à assurer la représentation légale des enfants.

Actuellement, le père est prioritairement désigné, suivi de la mère en cas de défaillance ou d’incapacité du père. Il est donc proposé par les auteurs de cette analyse d’abolir l’article 231 et d’établir un principe fondamental d’égalité dans la tutelle légale. Ainsi, les décisions administratives concernant les enfants devraient être prises conjointement par les deux parents, et en cas de désaccord, la décision finale serait confiée à la partie ayant la garde.

Cette réforme vise à garantir un traitement équitable et équilibré des droits parentaux, tout en tenant compte des intérêts supérieurs des enfants. Elle contribuerait également à résoudre les problèmes administratifs auxquels sont confrontées les mères qui ont la garde des enfants, en leur offrant une voix égale dans les décisions importantes concernant leurs enfants.

La pension alimentaire, on en parle ?
La question de la pension alimentaire revêt une importance cruciale dans les cas de divorce ou de séparation, car elle a un impact direct sur le bien-être des enfants. Actuellement, son calcul est souvent laissé à l’appréciation du juge, ce qui peut entraîner des montants inadéquats pour subvenir aux besoins des enfants, avoisinant les 300 DH par mois. Les articles 168 et 190 de la loi actuelle posent les bases du calcul de la pension alimentaire, en mettant l’accent sur les déclarations des parties et les preuves qu’elles fournissent. Cependant, il existe un vide juridique concernant la phase préalable au jugement, où il est nécessaire de réglementer la situation des enfants et le droit de visite. Les auteurs proposent une réforme majeure visant à établir un processus plus transparent et proportionnel pour le calcul.

Selon cette proposition, lors du prononcé du jugement de divorce, le juge devrait statuer sur la pension à titre provisoire. Par la suite, le dossier serait transmis à un expert des tribunaux, chargé de convoquer les parties (le père et la mère des enfants) pour produire tous les justificatifs relatifs à leurs revenus, propriétés, biens, comptes bancaires, et dépenses. En se basant sur ces éléments, l’expert établirait un rapport d’expertise détaillé reprenant les revenus, propriétés et dépenses des parties, ainsi que les besoins financiers de l’enfant. Ce rapport serait ensuite transmis au juge, qui fixerait une pension alimentaire définitive répondant à tous les besoins des enfants de manière équitable et équilibrée.

L’indemnité de consolation (Moutâa)
Actuellement, l’indemnité de consolation est fixée à un montant de 10.000 DH par an de vie conjugale antérieure, indépendamment de la situation sociale du mari. La loi actuelle précise que le montant de cette indemnité est évalué en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l’époux, des motifs du divorce et du degré d’abus avéré dans le recours au divorce par l’époux.

Cependant, ces critères ne tiennent pas compte de la situation immobilière du couple, qui peut avoir un impact considérable sur les ressources disponibles pour la femme divorcée. Afin d’y remédier, il est suggéré d’instaurer un système de calcul de l’indemnité de consolation, basé sur le Référentiel des prix de l’immobilier de la Direction générale des impôts (DGI).

Ce référentiel, qui évalue la valeur des biens immobiliers, serait une base plus objective pour déterminer le montant de l’indemnité. Selon cette proposition, ce dernier serait déterminé en fonction de la valeur de la résidence du mari, avec des abattements différenciés pour les propriétaires et les locataires. Pour une résidence évaluée entre 2 et 20 MDH, l’indemnité serait de 0,5% de la valeur d’achat par an. Pour une résidence évaluée entre 500.000 DH  et 2 MDH, l’indemnité serait de  10.000 DH par an. Pour une résidence évaluée entre 250.000 et 500.000 DH, l’indemnité serait de 2% de la valeur d’achat par an. Ces montants sont applicables pour tout mari locataire de la résidence du mariage. Si le mari en est propriétaire, ces montants seraient majorés de 20%.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO



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