Maroc

Rachid Madah. “Les chantiers d’envergure de l’Agence du Bassin Hydraulique”

Rachid Madah
Directeur de l’Agence du Bassin Hydraulique du Guir-Ziz-Rheris

Rachid Madah, directeur de l’Agence du bassin hydraulique du Guir-Ziz-Rheris, expose les différentes modalités de gestion de la situation hydrique au niveau de la zone d’action de cette agence. Détails.

Actuellement, le taux de remplissage des barrages dans le bassin de Guir-Ziz-Rheris est de 15,79%. Dans ce contexte difficile, comment votre agence gère la situation hydrique dans le cadre d’une planification anticipative ?
De prime abord, il y a lieu de distinguer entre la gestion de la rareté de l’eau et la gestion de la conjoncture. Le Bassin hydraulique du Guir-Ziz-Rhéris, qui est caractérisé par un climat aride dans la majorité de son territoire, recèle des ressources en eau limitée et marquée par une grande variabilité interannuelle, avec l’occurrence de périodes sèches plus ou moins longues. Dans ce contexte hydrique, où les périodes de sécheresse font partie des caractéristiques du régime hydrologique, le mode de gestion possible reste le mode de gestion de la rareté, consistant à mobiliser le maximum de ressources en eau renouvelables, à adapter la demande en eau à la ressource en eau disponible et à réduire la vulnérabilité aux sècheresses à travers, notamment, la diversification des sources d’approvisionnement en eau.

La gestion de la conjoncture, quant à elle, est l’ensemble des mesures entreprises pour satisfaire les besoins vitaux et faire face aux manques d’eau conjoncturels malgré les dispositions prises dans le cadre de la gestion de la rareté, comme c’est le cas des trois dernières années. Dans ce sens, il est à préciser que la zone d’action de l’Agence du Bassin Hydraulique du Guir-Ziz-Rhéris (ABHGZR) connaît sa troisième année de sécheresse avec, pour l’année hydrologique 2020-2021, un déficit de pluviométrie par rapport à une année normale de 32% pour le bassin de Ziz, 24% pour le bassin de Rhéris et 17% pour le bassin de Guir. Les premières pluies enregistrées pendant le premier trimestre de l’année hydrologique en cours restent également en-deçà de la moyenne annuelle.

Comment se portent les apports d’eau et quelles sont les mesures adoptées pour accompagner cette situation ?
En 2020-2021, les apports d’eau de surface ont accusé un déficit de 77% par rapport à la moyenne annuelle et de 62% comparativement à l’année précédente. Cette situation a impacté négativement le taux de remplissage des retenues de barrages de la région, notamment celui de Hassan Addakhil, qui assure la fourniture de l’eau d’irrigation de la plaine de Tafilalet et, indirectement, l’approvisionnement en eau potable des villes d’Errachidia, Erfoud, Rissani, Merzouga et centres connexes, avec un taux de remplissage ne dépassant guère 15,8%.

Dans ce contexte et pour garantir l’adaptabilité, la résilience et la gestion durable des ressources en eau dans la région, marquée par une sécheresse structurelle, l’ABHGZR est appelée à doubler d’efforts pour pouvoir composer avec l’aridité du milieu, l’irrégularité des pluies et les crues dévastatrices, et l’effet du changement climatique. Les actions, actuelles et futures, sont donc inscrites dans cette optique, à travers une planification anticipative, concertée, dynamique et proactive. Il s’agit de l’adoption de deux types de mesures: Des mesures structurelles  et conjoncturelles. Les mesures structurelles portent sur le suivi régulier des indicateurs de sécheresse à travers la réalisation des campagnes de mesure des niveaux piézométriques des nappes et des débits des sources et des oueds. A cela s’ajoutent l’accompagnement des services centraux du ministère de tutelle et le ministère de l’Équipement et de l’eau pour la réalisation d’une étude stratégique de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable à l’échelle nationale.

Il s’agit aussi de la mise en place, en concertation avec les partenaires concernés, d’un plan d’action urgent à court et à moyen termes pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable des villes et des centres relevant de la zone d’action de l’ABHGZR en plus de l’actualisation du Plan directeur d’aménagement intégré des ressources en eau (PDAIRE) pour assurer l’approvisionnement en eau durable du bassin à l’horizon 2050. S’agissant des mesures conjoncturelles, il est question d’activer les comités de vigilance et lutter contre les fuites et les gaspillages d’eau, en plus de la réalisation des lâchers d’eaux du barrage Hassan Addakhil en fonction des réserves d’eau de la retenue, les fuites d’eau et le taux d’évaporation. A cela s’ajoute la réalisation des forages de reconnaissance des eaux souterraines pour accompagner l’ONEE-Branche Eau, les communes et les associations en cas de pénurie d’eau notamment en période estivale.

Le secteur agricole constitue la principale source de revenu au niveau régional. Quelle place accorde le programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 à la région de Drâa-Tafilalet ?
Le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027 (PNAEPI 20-27) vise l’amélioration de l’offre hydrique à travers la construction des barrages, le renforcement de l’approvisionnement en eau potable en milieu rural, la réutilisation des eaux usées traitées ainsi que la communication et la sensibilisation en vue de renforcer la conscience liée à l’importance de la préservation des ressources en eau et la rationalisation de son utilisation. La région de Drâa-Tafilalet fait partie des régions qui bénéficieront du PNAEPI 20-27 à travers la programmation du grand barrage Tadighoust, à l’horizon 2026, pour renforcer la capacité d’écrêtement des crues du bassin de Ghéris et la construction d’une dizaine de petits barrages. Ces derniers participeront au développement local, notamment en milieu rural. Par ailleurs, l’ABHGZR mobilise, dans le cadre du PNAEPI 20-27, un budget annuel d’environ 10 MDH pour la réalisation des forages de reconnaissance pour l’amélioration de la prospection afin d’améliorer la connaissance des eaux souterraines et constituer une base de données pour assister l’ONEE-Branche eau, les communes territoriales et les ORMVA dans leurs projets respectifs d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation.

La région sera dotée d’un nouveau Plan agricole régional (PAR). Il permettra l’extension des systèmes d’irrigation localisés, la réhabilitation du réseau de la Grande hydraulique (GH) et la Petite et moyenne hydraulique (PMH). De quelle façon comptez-vous accompagner ce chantier ?
L’ABHGZR a réalisé les études d’actualisation du Plan directeur d’aménagement intégré des ressources en eau des bassins hydrauliques du Guir-Ziz-Rhéris et Maider (PDAIRE). Le projet de ce plan, qui a été élaboré en concertation avec les services du ministère de l’Agriculture et les partenaires institutionnels de l’agence, a pris en considération les extensions agricoles projetées par le Plan agricole régional PAR de Drâa-Tafilalet. Le développement projeté de l’irrigation accroîtra fatalement la pression sur les ressources en eau souterraine. A cet effet, pour accompagner ce développement et assurer une maîtrise de la demande en eau de ce chantier en adéquation avec les ressources en eau mobilisable dans la zone, l’ABHGZR a élaboré, en concertation avec ses partenaires institutionnels, un Contrat de gestion participative de nappe (CGPN) pour l’axe Meski-Boudnib.

Ce contrat a été conçu conformément aux dispositions de la Loi 36-15 sur l’eau, avec un plan d’action ambitieux de plus de 2,6 MMDH pour les dix prochaines années, permettant la réalisation d’aménagements structurants, l’économie et la valorisation de l’eau, l’amélioration de la connaissance de nappes et l’optimisation du réseau de mesure et enfin le renforcement de la sensibilisation et de la communication entre les différents intervenants. Dans le détail, le premier axe de ce contrat dédié aux aménagements hydrauliques pour la conservation et la restauration de la nappe de Meski-Boudnib a mobilisé 2.566,45 MDH.

S’agissant du second axe consacré à l’amélioration de la connaissance des nappes, 225 MDH ont été dédiés à ce volet. S’agissant des axes de l’économie et la valorisation de l’eau, en plus du renforcement de la sensibilisation et de la communication, 333 et 42,5 MDH ont été alloués respectivement à ces axes. L’élaboration du CGPN a été faite avec l’implication des investisseurs et des ayants droit, pour assurer une gestion durable et équilibrée des ressources en eau et des investissements qui leur sont associés, notamment par l’acceptation et l’usage du principe de comptage et de déclaration périodique de prélèvements. Il a également fixé les conditions et les modalités de mise en œuvre d’une gestion participative, notamment la mise en œuvre du plan d’action convenu et le suivi de la matrice des indicateurs de performance arrêtés dans un cadre contractuel. En fonction des résultats de l’implémentation et des leçons tirées de ce premier CGPN, l’ABHGZR compte le généraliser à d’autres nappes de la région Drâa-Tafilalet.

Quelles sont les réalisations et les perspectives de la gestion de l’eau en milieu rural ?
Il y a lieu de signaler que l’approvisionnement en eau potable dans la région de Drâa-Tafilalet, que ce soit en milieu urbain ou rural, se fait à partir des eaux souterraines et à travers des adductions régionales et des systèmes d’approvisionnement locaux. C’est la raison pour laquelle la satisfaction des besoins en eau potable dans la région se faisait d’une manière régulière et satisfaisante malgré la succession des saisons de sécheresse, hormis, bien entendu, quelques perturbations accusées en été et en période de pointe, surtout dans le bassin de Maider. Pour ce dernier, il est prévu de réaliser une adduction régionale à partir du champ captant à l’aval du barrage de Toudgha, et ce, pour sécuriser d’une manière définitive l’AEP dans cette zone. Le taux d’accès à l’eau potable dans la région est satisfaisant et nettement supérieur à la moyenne nationale ; il est de 100% en milieu urbain et de 98% en milieu rural.

Par ailleurs, la région étant essentiellement rurale, l’essentiel des aménagements hydrauliques réalisés ou projetés profitent principalement à l’irrigation et au milieu rural. Dans la continuité des efforts consentis pour faire face aux défis liés à la gestion de l’eau en milieu rural, l’ABHGZR a adopté une approche basée sur le développement de l’offre et la préservation des ressources en eau. A cet égard, elle a réalisé des actions visant la gestion rationnelle et participative de l’eau en milieu rural, notamment la réalisation des études et des travaux de recharge artificielle des nappes au niveau des oasis de Tinjdad, de Jorf, de Tafilalte et du bassin de Maider, en plus de la réalisation des forages de reconnaissance des eaux souterraines pour accompagner l’ONEE-Branche Eau, les communes et les associations. À cela s’ajoutent l’identification des sites potentiels pour abriter des petits barrages qui seront construits dans le cadre du programme PNAEPI 20-27, la réalisation des études d’un projet pilote de collecte des eaux pluviales au niveau de de la commune territoriale de N’zala pour le généraliser aux autres régions rurales dans la zone d’action de l’ABHGZR. A cela s’ajoute la contribution à la réutilisation des eaux usées.

Qu’en est-il des perspectives ?
En termes de perspectives, et dans un souci de préservation des ressources en eau, surtout souterraine, l’ABHGZR compte sur la mobilisation de l’ensemble de ses partenaires. Cette mobilisation réclame un rythme et appelle un engagement sans faille de tous les intervenants dans la question de l’eau dans la région. L’ABHGZR compte aussi sur la capitalisation et la généralisation des contrats de nappes, la sensibilisation des usagers de l’eau par voie de médias ou de campagnes de sensibilisation aux règles de bon usage et d’économie de l’eau et sur le renforcement du rôle de la police de l’eau pour améliorer le contrôle des utilisations des ressources en eau et du domaine public hydraulique. Il est donc du devoir de l’ABHGZR d’écouter, de retenir, d’évaluer, de moduler et d’orienter toutes les contributions de chacun pour pouvoir atteindre, le plus tôt possible, les objectifs qui sont attendus d’elle.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO Docs



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