Maroc

Protection sociale : compte à rebours législatif enclenché

Les débats parlementaires se focaliseront sur la mise en œuvre de la réforme qui nécessitera un coût financier de 51 MMDH, dont 23 MMDH basés sur la solidarité. Plusieurs textes seront amendés pour rendre effectives les dispositions de la loi-cadre.

Très attendu depuis l’annonce de la réforme de la généralisation de la protection sociale, le projet de loi-cadre relatif à ce chantier d’envergure sera passé au crible par les parlementaires de la Commission des finances de la Chambre haute dès ce mercredi. Les conseillers entendent interpeller le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun, sur la mise en œuvre de ce chantier ardu au vu des dysfonctionnements qui minent le secteur ainsi que de l’ampleur des déficits qui se sont creusés au fil des ans. En tête des défis figure la mobilisation des financements nécessaires pour mener à bien la réforme qui nécessitera une enveloppe de 51 MMDH la généralisation de l’assurance maladie obligatoire de base (14 MMDH), les allocations familiales (20 MMDH), l’élargissement de la base des adhérents au régime de retraite (16 MMDH) et l’accès à l’indemnité de perte d’emploi (1 MMDH).

Un financement basé sur la solidarité
Les défis sont de taille, et le gouvernement compte les relever grâce à deux dispositifs. Il s’agit, en premier lieu, d’un système d’affiliation qui devrait permettre la mobilisation de quelque 28 MMDH grâce aux contributions des personnes ayant la capacité de participer au financement de la couverture sociale: les contributions dues conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur et les droits complémentaires imposés par l’État à certains groupements professionnels dans le cadre de la contribution professionnelle unique, afin de payer les cotisations sociales. Le second dispositif concerne les personnes n’ayant pas la capacité de participer au financement. Il sera, ainsi, basé sur la solidarité en vue de mobiliser quelque 23 MMDH. L’argentier du royaume cite, à cet égard, les allocations financières du Budget de l’État, les recettes fiscales destinées à financer la protection sociale, les ressources provenant de la réforme de la Caisse de compensation et toute autre ressource susceptible d’être allouée conformément aux textes législatifs ou réglementaires spéciaux. L’accélération de la cadence s’impose pour être au rendez-vous. La généralisation de l’Assurance maladie obligatoire de base devra se faire en 2021 et 2022 afin d’atteindre quelque 22 millions de bénéficiaires supplémentaires qui devront bénéficier des coûts des consultations médicales, d’acquisition des médicaments, d’hospitalisation et de traitement. Selon le calendrier fixé par le gouvernement, au cours du premier trimestre 2021, on vise l’intégration des catégories soumises à la contribution professionnelle unique (800.000 commerçants et artisans).

Durant le deuxième et le troisième trimestre de l’année en cours, l’objectif sera d’intégrer 1,6 million d’agriculteurs et 500.000 artisans. Aux troisième et quatrième trimestres viendra le tour des professionnels du secteur du transport (220.000) et des personnes exerçant des professions libérales et réglementées (80.000). En 2022, il sera procédé à l’intégration totale des catégories vulnérables bénéficiant du RAMED (11 millions personnes). Quant à la généralisation des allocations familiales, qui devra se faire en 2023-2024, elle concernera environ sept millions d’enfants en âge de scolarité. Cette généralisation sera mise en place à travers la réforme des programmes de soutien ciblant les familles pour la protection des risques liés à l’enfance. Ces programmes seront regroupés et généralisés tout en mettant en place des critères précis pour en bénéficier. À cela s’ajoute la réforme progressive du système de compensation en vue d’allouer les marges résultant du transfert progressif des frais de compensation pour financer les allocations familiales afin d’assurer un ciblage optimal et efficace. On compte aussi sur le Registre social unifié pour atteindre un ciblage plus efficace des groupes sociaux éligibles au soutien.

S’agissant de l’élargissement de la base des adhérents aux régimes de retraite, cette réforme devra être opérationnelle en 2025 en faveur de cinq millions personnes actives exerçant un emploi et ne bénéficiant d’aucune retraite. Cet objectif sera concrétisé à travers la mise en œuvre totale du régime de retraite relatif aux professionnels et travailleurs indépendants et aux non-salariés exerçant une activité privée, pour couvrir toutes les personnes concernées. Pour ce faire, le gouvernement adoptera les mécanismes nécessaires à cet effet, en simplifiant notamment les procédures de paiement et de recouvrement des contributions liées à ce système.

IPE: vers la simplification des procédures d’octroi
En ce qui concerne la généralisation de l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE) afin de couvrir toute personne exerçant un emploi stable, le gouvernement entend simplifier les conditions de son octroi et élargir la base des bénéficiaires. La réussite de ce chantier reste tributaire de l’amélioration du cadre de gouvernance de la protection sociale. La loi-cadre souligne en effet la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un cadre de gouvernance qui permette d’assurer la convergence entre les différents systèmes de protection sociale, notamment en adoptant une instance unifiée pour gérer les différents programmes. Un mécanisme de pilotage sera créé pour suivre la mise en œuvre de cette réforme et coordonner les interventions des différentes parties prenantes. Par ailleurs, une grande responsabilité incombe aux parties prenantes. La loi-cadre considère la généralisation de la protection sociale comme une priorité nationale et une responsabilité partagée entre l’État, les collectivités territoriales, les institutions et entreprises publiques, le secteur privé, la société civile et divers autres organismes publics et privés et les citoyens, selon Mohamed Benchaâboun. Les différentes parties sont appelées à respecter leurs engagements. Les pouvoirs publics doivent coordonner le travail de toutes les parties prenantes concernées par la généralisation de la protection sociale, développer les aspects administratifs ainsi que ceux liés à la gouvernance des organismes de sécurité sociale, et prendre toutes les mesures d’ordre législatif, institutionnel et financier permettant la mise en œuvre de ce chantier. Quant aux autres parties, elles doivent contribuer à la réalisation de l’objectif de la généralisation de la protection sociale. 

Rahhal El Makkaoui
président de la Commission des finances, de la planification et du développement

«Les chaînes de valeur mondiales ont évolué. De nouvelles stratégies sont en montage chez nos partenaires et concurrents. Il faut de notre côté qu’on mette en route les nôtres pour attirer de nouveaux investissements avec les Européens, tant pour leurs marchés que pour les marchés tiers, notamment subsahariens. Le nouvel accord avec Israël, comme d’autres à sceller avec les pays du Golfe, devraient aller dans le sens du nouveau modèle économique que le Maroc veut mettre en œuvre».

Le chantier législatif

Mohamed Benchaâboun appelle l’institution législative à accélérer la cadence d’adoption des textes qui seront amendés pour mettre en œuvre la loi-cadre de la protection sociale. Il s’agit de la loi n° 65-00 portant code de la couverture médicale de base, la loi n° 98-15 du 23 juin 2017 relative au régime de l’assurance maladie obligatoire de base pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale et la loi 17-02 relative au régime de sécurité sociale, la loi 34-09 relative au système de santé et à l’offre de soins. Ces textes devront bientôt être transférés au Parlement.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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